Le Code civil intègre la « sensibilité » des animaux

La loi reconnaissant les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité » a été adoptée par les députés le 28 janvier dernier. Reste à savoir si les conséquences juridiques du texte ont bien été évaluées.

Il y a près de deux ans, la fondation de protection animale, 30 Millions d’amis, avait lancé une pétition afin d’obtenir une modification du Code civil qui considérait jusqu’ici les animaux comme des « biens meubles ». C’est dans ce contexte que le texte adopté par les députés le 28 janvier dernier a créé l’article 515-14 du Code civil faisant des animaux domestiques « des êtres vivants doués de sensibilité ». Ils ne sont dès lors plus considérés comme des meubles. Les animaux d’élevage continuent, eux, de figurer dans la catégorie des « biens meubles » et des « immeubles par destination » (articles 522 et 524 du Code civil). Cette modification n’a pas suivi la voie législative traditionnelle. Elle a été introduite par voie d’amendement dans la loi de modernisation et de simplification du droit promulguée le 16 février 2015.

 

Un désaccord parlementaire affirmé

Ce dernier, n’étant pas approuvé par les sénateurs, le débat fut vif et long.

En effet, l’Article 45, alinéa 1 de la Constitution dispose que « tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. »

Ainsi, le projet de loi déposé opère un mouvement de va-et-vient entre l’Assemblée Nationale et le Sénat jusqu’au moment où le texte est enfin voté dans les mêmes termes par les deux chambres. Il s’agit de la navette parlementaire. Si après deux lectures par chacune des assemblées, celles-ci n’ont pas réussi à se mettre d’accord, le Gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire.

C’est ainsi que cette Commission constatait, le 13 mars 2014, le perpétuel désaccord entre les deux chambres. Le projet de loi fut alors soumis à une nouvelle lecture avant d’être définitivement adopté.

Ce désaccord persistant entre le Sénat et l’Assemblée Nationale s’explique par les nombreux arguments mis en avant par les sénateurs et les députés.

Comme l’explique le rapporteur PS Thani Mohamed Soihili : «les promoteurs du texte prétendent qu’il faut assurer une reconnaissance symbolique de la spécificité des animaux dans le Code civil. Mais une loi à vocation symbolique est-elle vraiment normative ? ». La députée PS Colette Capdevielle, rapporteure du projet à l’Assemblée nationale, a écarté cet argument. « Le but de cet article est de moderniser le code civil afin de le mettre en cohérence avec les dispositions du code rural et celles du code pénal… Nous rapprochons ainsi le droit français des autres législations européennes », a-t-elle expliqué.

 

Pas de nouvelle catégorie juridique

Une partie de la doctrine dénonce le caractère inutile de cet amendement dans la mesure où le Code rural ainsi que le Code Pénal reconnaissent déjà les animaux comme « des êtres vivants et sensibles ». Elle exprime également une certaine inquiétude quant à la création d’une nouvelle catégorie juridique. En effet, l’adoption de ce texte permet d’envisager une éventuelle extraction de l’animal de la catégorie des biens.

Néanmoins, si ce nouvel article introduit la reconnaissance des animaux comme des « être vivants doués de sensibilité » ces derniers restent tout de même soumis au régime des biens.

Même si cette nouvelle disposition n’est pas censée avoir d’influence sur le régime des animaux d’élevage, les éleveurs restent inquiets. Cette évolution juridique pourrait en effet servir de porte ouverte pour contester certaines activités en lien avec l’élevage.

Marie BERTHET et Claire BOUQUIGNY, étudiantes en première année de capacité en droit à AUXERRE (89)

 

Notes

Article 515-14 code civil modifié par la Loi n°2015-177 du 16 février 2015 – art. 2

Article 521-1 code pénal

Article L214-1 code rural

Directive du Conseil 98/58/EC du 20 juillet 1998 – J.O. L 221, 08/08/1998, p. 23-27

 

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www.actu-environnement.com

 

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