Le recours aux critères environnementaux dans la passation des marchés publics

 


 

 

Présents depuis quelques années dans la législation relative aux marchés publics, les clauses sociales et environnementales sont peu usitées. La Commission européenne, dans son livre vert de Janvier 2011 se montre pourtant favorable à un recours accru à ces critères.

 

 


 

 

I.   Le contrat de marché public, vecteur d’intégration des considérations environnementales et sociales

 

Les marchés publics qui représentent 17% du PIB des États membres de l’union européenne, participent à la préservation de la concurrence, mais peuvent également être utilisé de façon à orienter le marché vers une meilleure prise en compte des considérations sociales et environnementales.

 

C’est grâce à l’impulsion d’une première communication interprétative de la Commission européenne du 4 juillet 2001 confortée par une évolution de la jurisprudence communautaire (CJCE, 17 septembre 2002, Concordia) et l’adoption de deux directives portant coordination des procédures de passation des marchés publics(Directive 2004/17/CE et 2004/18/CE), que s’est construite l’intégration des considérations environnementales et sociales dans les marchés publics.

Le droit interne n’a fait qu’accompagner ce mouvement, en particulier, à travers les dernières versions du code des marchés publics qui ont successivement renforcé cette intégration dans la définition des besoins (CMP 2006, art.5), les conditions d’exécution (CMP 2001 art 14), les critères de choix de l’offre (CMP 2004, art.53) et les spécifications techniques (CMP 2006, art 6).

 

Le droit des marchés publics est ainsi devenu à la fois le reflet et le vecteur de la prise en compte de la protection de l’environnement et des considérations sociales dans les politiques publiques qui aux, termes de l’article 6 de la Charte de l’environnement, « doivent promouvoir un développement durable et concilier, corollairement, la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

 

Dans la consultation qu’elle lance sur la modernisation des marchés publics, la Commission Européenne propose, dans un livre vert[1],  de renforcer les obligations d’inclusion de critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics. Parallèlement elle publie un guide destiné avant tout aux acheteurs publics, expliquant comment les considérations sociales peuvent aujourd’hui être intégrées lors des différentes étapes du processus de passation de la définition du cahier des charges et des critères de sélection jusqu’à l’attribution des contrats au suivi des résultats.

 

1) Pour préparer les règles communautaires relatives aux marchés publics qu’elle envisage à l’horizon 2012 , la Commission lance dans un livre vert deux séries de propositions. Une première série de propositions vise à optimiser la dépense publique poussant plus loin la mise en concurrence. Une deuxième série de proposition esquisse ensuite différents moyens d’inciter, voir obliger, les acteurs publics à prendre systématiquement en compte l’intérêt général dans la passation des marchés publics.

 

2) La Commission a donc également publié un guide intitulé « acheter social » qui vise à inciter les pouvoirs publics à prendre en compte des considérations sociales dans les procédures de passation des marchés publics. Afin de faire évoluer les pratiques il met en lumière les avantages d’une telle démarche, ainsi que les moyens ouverts par le droit communautaire pour sa mise œuvre. Les objectifs de politique sociale dévolus aux marchés publics mettent en avant la promotion des possibilités d’emploi, du travail décent, stimuler l’intégration, promouvoir l’inclusion sociale des personnes vulnérables comme les handicapés ou encore encourager l’égalité salariale entre hommes et femmes. Cette démarche s’inscrit dans la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive.

 

Selon l’observatoire économique de l’achat public, les marchés publics de plus de 90 000 euros avec clauses sociales[2] ne représentaient en France en 2009 que 1,9% de l’ensemble de marchés publics soit 1419 marchés publics sur un total de 72 823 pour un montant global de près de 80 milliards d’euros.

 

Au titre de la promotion de « l’accessibilité et de la conception pour tous » il est ciblé la mise en place de dispositions obligatoires dans les spécifications techniques pour assurer l’accès des personnes handicapées aux services publics. Ce ne serait pas seulement exiger un béton antibruit pour la construction d’une route, mais permettre aussi de prendre en compte l’effort du constructeur pendant le chantier pour faire travailler des personnes en insertion.

Il est également question de la prise en compte des questions de  commerce équitable, de développement de l’engagement volontaire en faveur de la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

 

Depuis 2004, les directives facilitent l’intégration des considérations sociales dans les procédures de passation des marchés publics. Ainsi si une entreprise ne respecte pas certaines obligations sociales, elle peut être exclue de la procédure de sélection. Dans le cahier des charges, les pouvoirs publics peuvent demander aux entreprises candidates de s’engager à réaliser des actions en faveur des travailleurs les plus fragiles. C’est ce que fait la Belgique. En Wallonie, une « clause jeunes » et une « clause Forem » ont été mises en place dès 1996. Dans le cahier des charges de ces marchés, les entreprises candidates s’engagent à offrir une formation de 3 mois pour les chômeurs ou les jeunes, lors de l’exécution du marché.

 

Ce processus croisé de réformes normatives, conduit tant aux échelons européens que nationaux témoigne bien d’une volonté commune d’utiliser l’instrument « marché public » en faveur du développement durable.

 

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II.   Le contrat de marché public, vecteur d’intégration de la RSE

 

Selon la Commission Européenne la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est définie comme « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologique des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leur parties prenantes ».La Commission penche donc en faveur d’une intégration volontaire de la RSE. C’est donc à chaque entreprise qu’il revient de trancher la question du bien fondé ou non d’une action dans ce sens. La Commission a précisé que les entreprises ont un comportement socialement responsable lorsqu’elles vont au-delà des exigences minimales et des obligations imposées par les conventions collectives pour répondre à des besoins sociétaux. La RSE est la déclinaison pour l’entreprise des concepts de développement durable, qui intègrent les trois piliers environnementaux, sociaux et économiques.

 

Dans sa fonction incitatrice, la personne publique va pouvoir utiliser à bon escient l’outil contractuel. Forte de sa position d’adjudicataire, la personne publique va pouvoir influencer considérablement les acteurs privés.

En tant que dépositaire de l’intérêt général, la personne publique a intérêt à mettre en œuvre le développement  durable dans son action. Le contrat de marché public semble donc aujourd’hui une opportunité pour les personnes publiques de démontrer leur investissement dans la promotion de la RSE. Les marchés publiques vont ainsi constituer un vecteur essentiel du développement de la responsabilité sociale des entreprises en incitant les entreprises à adopter un comportement socialement responsable tant le poids des marchés publics dans l’économie est important.

 

III.   La nécessaire adéquation des considérations socio-environnementales avec le droit de la concurrence

 

En matière de marchés publics, le principe de non discrimination, complété par le principe du lien avec l’objet du marché s’impose comme la synthèse de toutes les limites à l’introduction de considérations socio-environnementales. Il y a discrimination lorsque l’introduction de telles considérations porte trop atteinte à la libre concurrence, fondement même du marché unique. Les principes de l’article 2 et de l’article 12 TCE entrent en collision, et c’est au niveau des marchés publics, bastion avancé de l’introduction de considération socio-environnementale que la frontière se dessine. Les critères ou clauses socio-environnementales doivent pouvoir faire l’objet d’une évaluation objective et transparente. Le Conseil d’État veille ainsi à ce que l’introduction de considérations socio-environnementales ne fasse pas écran à la transparence des marchés. Une telle clause trop imprécise laisserait une liberté de choix discrétionnaire à l’adjudicataire et ne serait donc pas en mesure de garantir une non-discrimination  lors de l’attribution  du marché. Le CE doit garantir l’égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure dans l’examen de l’offre afin  de ne pas violer l’obligation  de mise en concurrence.

 

 

Benjamin DARGNIES

 

 

Notes


[1] Un livre vert est une communication publiée par la Commission sur un domaine spécifique. Il s’agit surtout de documents destinés aux parties, aux organisations et aux individus intéressé, qui sont invités à participer à un processus de consultation et de débat. Dans certains cas, un livre vert donne l’impulsion requise pour le lancement d’une procédure législative.

 

[2] L’insertion d’une clause sociale dans les accords remplit une double fonction : 1) Assurer la promotion de valeurs dont le caractère universel à été reconnu par la communauté des nations. 2) Renforcer la stabilité des relations commerciales en empêchant que le dumping social ne crée des avantages compétitifs artificiels ou déloyaux

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