Le métier d’agent sportif vu par Stéphane Dray

Le métier d’agent sportif fait rêver de nombreux afficionados de sport. Il représente pour bon nombre d’étudiants, le moyen idéal de combiner travail et passion du sport. Mais qu’en est-il réellement ? Le Petit Juriste est parti à la rencontre de l’un d’entre eux pour lui demander de nous dévoiler son quotidien.

 

Bonjour  Stéphane Dray, pouvez-vous nous raconter votre

Stéphane Dray : J’ai 37 ans et je suis dans le métier depuis 2005, je dispose des licences FFR/FFF et FFBB mais je suis dédié à 100% au rugby pour le moment. De formation gestion/finance au départ (Dauphine et Nanterre), je suis reparti me former en droit du sport en 2015 en formation continue au Centre de Droit du Sport de Marseille pour remettre un peu à jour mes connaissances. Face à des intervenants de qualité, j’ai pu confronter mon quotidien à ce qui se fait de mieux en pratique de droit du sport. Un régal !

 

LPJ – Pouvez-vous définir ce qu’est pour vous un agent sportif ?

Stéphane Dray : Un acteur du marché du sport professionnel à part entière qui est au cœur des discussions entre clubs et joueurs. La fonction a évolué ces dernières années. D’un simple acteur négociant un contrat et un salaire, l’agent a dû étoffer sa palette pour maîtriser d’autres aspects notamment juridiques et financiers, tout en intégrant la dimension humaine qui reste pour moi très importante : nous sommes là pour optimiser la carrière d’un joueur et faire en sorte que chaque partie prenante (le club et le joueur) puisse trouver un accord équilibré. Cela n’est pas toujours simple, car nous sommes au milieu d’intérêts parfois divergents. Notre métier a évolué en même temps que le sport professionnel s’est structuré. D’autres aspects peuvent ensuite intervenir comme l’image du joueur. Je ne parlerais pas « d’ingénierie » juridique dans notre métier mais nous devons faire face à des montages juridiques parfois risqués et l’agent, souvent pierre angulaire dans les discussions, ne peut appréhender ces thématiques avec légèreté, au vu des conséquences potentielles (juridiques et fiscales) de tel montages. Tous ces éléments pris en compte, on doit permettre au joueur et au club d’évoluer dans un climat propice à la performance sportive.

 

LPJ – Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Stéphane Dray : Pouvoir être au cœur d’un sport passionnant et mettre à disposition des acteurs mes connaissances et, après quelques années, un certain savoir-faire. Ne pouvant pas le pratiquer à haut niveau, je prends du plaisir à pouvoir apporter ma pierre à l’édifice, à mon petit niveau…

 

LPJ – Pensez-vous que le métier d’agent sportif s’apprend ? Si oui, comment ?

Stéphane Dray : Oui je le pense et j’en suis convaincu. Bien évidemment, le fait de disposer de certaines qualités (aisance relationnelle, etc.) au départ sera un plus, mais comme pour tout métier, il y a une forte dose de travail et donc d’apprentissage. Je pars du principe que chaque dossier est différent et ne peut être appréhendé comme l’a été le précédent. En tout cas, c’est ma façon de voir les choses. Le temps vous permet de mieux gérer le stress et la pression propres à certaines situations. Mais il ne vous immunise pas contre les erreurs d’appréciation. Comme pour tout, il faut se préparer à l’imprévu. Un de mes amis, acteur dans le sport a coutume de dire, au sujet du sport professionnel qu’il faut essayer de « rationaliser l’irrationnel »… Il y a souvent de la passion, de l’affectif, mais au final, il faut essayer, tant bien que mal, de structurer son travail.

 

LPJ – Une formation est-elle nécessaire ?

Stéphane Dray : A priori non. Mais avec le temps, je crois essentiel de pouvoir se faire une expérience dans d’autres domaines (marketing, juridique, financier) et dans des structures à tailles plus ou moins grandes. Cela permet d’appréhender le marché du travail sous plusieurs angles. Les structures d’agents sont, la plupart du temps, des structures « légères » mis à part deux ou trois agences en France. Il faut être complet. Je suis pour une forme de formation continue pour les agents. Cela nous donnerait plus de crédit. Un médecin, un avocat, doivent se former tous les ans avec un minimum d’heures à valider. Pourquoi devrions-nous y échapper ? J’essaie d’y travailler avec les personnes que j’ai pu rencontrer au Centre du Droit du Sport de Marseille et de réfléchir à quelque chose de complet et intéressant à destination des agents sportifs.

 

LPJ – Est-il nécessaire d’être titulaire d’une licence pour exercer le métier d’agent sportif ?

Stéphane Dray : En France oui, plus que jamais. C’est inscrit dans le marbre (code du Sport). Et exercer une telle activité, sans licence, peut vous amener à de lourdes sanctions. Est récemment apparue l’activité d’avocat mandataire sportif. Les avocats étant autorisés à intervenir pour le compte d’une des parties. Ce n’est pas, à proprement parlé, le même métier qu’agent sportif. L’avocat est plutôt là pour sécuriser les opérations d’un point de vue juridique ou fiscal. D’ailleurs, dans le cadre de mon activité, je n’ai pas de soucis à dire que j’y ai parfois recours. Nos activités sont parfaitement complémentaires.

 

LPJ – Quelle est la place du juridique dans vos activités ?

Stéphane Dray : Le juridique prend de plus en plus de place. De plus en plus de contentieux apparaissent et il est nécessaire de les anticiper. Le rugby étant finalement un sport professionnel « jeune », il essuie les plâtres tout comme le football l’a fait auparavant. Le sport professionnel découvre parfois qu’il doit respecter le Code du travail comme une entreprise lambda : durée du temps de travail, repos, congés, formalisme des contrats (CDD), le sport n’y échappe pas. Nous avons voulu le professionnaliser, monter des structures types SASP, etc. Le sport a dû s’adapter à tout cela, il n’est pas rare qu’il continue parfois à se comporter comme à l’époque ou les structures étaient de type « associatives ». Mais cela reste désormais assez rare. Les clubs, grâce aux formations professionnalisantes en sport (droit, management, ticketing, etc.) se sont staffés et structurés, il faut le reconnaître !

 

LPJ – Quelles sont les qualités personnelles requises pour exercer le métier d’Agent Sportif ?

Stéphane Dray : Travail, persévérance, organisation, résistance au stress, relationnel. Esprit de conviction. Et enfin, une forte dose de passion !

 

LPJ – Quelle est la semaine type d’un agent sportif pendant la période de transfert et en dehors de la période de transfert ?

Stéphane Dray : Il n’y a pas de semaine type, très franchement. J’essaie d’installer une forme de « routine » comme un sportif le ferait avant un match : revue de presse, petit tour des résultats et faits marquants du weekend. Les journées off des clubs, souvent le mercredi et le jeudi sont destinées à visiter les joueurs et/ou les clubs, faire un point sur les dossiers en cours, etc. Cela implique beaucoup de déplacements et pas mal de coups de téléphone. Et un peu de sport, pour garder la forme. C’est un bon exutoire !

 

LPJ – Quelles sont vos horaires de travail ? Travaillez-vous les week-ends ?

Stéphane Dray : Je ne peux pas dire à un club que je suis en weekend et qu’il peut me rappeler dans deux jours pour un dossier qui nécessite une prise de décision urgente et rapide. Bien-sûr, avec le temps, on apprend à évaluer ce qui est urgent de ce qui l’est moins. Mais quelques jours de l’année sont sacrifiés. Au final, si on fait le compte, et que l’activité est bien gérée, nous ne sommes pas à plaindre.

 

LPJQuel est selon vous l’avenir de votre profession ? Que diriez-vous à des jeunes étudiants en droit désireux d’être agent sportif aujourd’hui ?

Stéphane Dray : Un avenir incertain parfois. Il faut que notre « corporation » se batte un peu plus pour défendre notre profession trop souvent décriée, à tort ou à raison. Il faut reconnaître que les agents sportifs, sur ce que j’observe, ont du mal à mettre la concurrence quotidienne de côté pour tenter de faire avancer les choses. Cela changera peut-être, même si je n’en suis pas convaincu.

Je conseillerais aux jeunes étudiants de se faire les dents dans des domaines ou structures différentes, à taille plus importante. J’ai été à leur place, et on a envie de rentrer dans le vif du sujet rapidement. Mais il faut avoir un peu de patience. C’est aussi une question d’opportunités. Et parfois, on ne peut pas laisser passer certains trains. Dans l’absolu, pouvoir se développer dans un club, une fédération, un équipementier (adidas, Nike) me semble être une étape intéressante.

 

LPJ – Quelle est selon vous la meilleure formation pour exercer ce métier ?

Stéphane Dray : Un mix entre droit du sport et une formation en « Athlète Management » pour la dimension « plus commerciale » du métier.

Propos recueillis par Paul Messi

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