Plus-values de cession de titres : la réponse de Hollande aux pigeons


Lors de son discours de clôture des assises de l’entrepreneuriat, le 24 avril dernier, le Chef de l’Etat a enfin renoué avec ces entreprises qui créent des emplois et de la richesse dans notre pays. Le projet de réforme des cessions de titres avait ainsi donné naissance au mouvement des « Pigeons ». Si on peut raisonnablement considérer que le mouvement des Pigeons constitue le point de départ de ce projet de réforme, il convient tout de même de se souvenir pourquoi ils se considèrent comme des « Pigeons ». Selon eux les plus values issues d’une cession de titres seraient taxées à 60,5% depuis le 1er janvier 2013. Qu’en est-il vraiment ?


L’article 10, I-E de la loi 2012-1509 du 29-12-2012 à modifié les articles prévoyant le régime d’imposition des plus-values mobilières (art. 150-0A du CGI). Cette modification est à l’origine d’un mouvement d’entrepreneur contestant la politique fiscale menée par le gouvernement. Selon eux, le nouveau régime, en soumettant les plus-values au barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR), celles-ci seraient taxées à hauteur de 60,5% contrairement au taux proportionnel de 34,5% précédant. Si techniquement le taux de 60,5% aurait pu être atteint, en pratique celui-ci aurait été exceptionnel.

Comment arrive-t-on à 60,5% ?

L’article 150-0 A du CGI dans sa nouvelle rédaction prévoit que les plus-values sur valeurs mobilières et droit sociaux doivent être soumises au barème de l’impôt sur le revenu qui, autre nouveauté, sera doté d’une nouvelle tranche d’imposition à 45% pour la partie des revenus dépassant 150.000 euros par an. D’où l’apparition du chiffre tant décrié de 60,5% voire plus, notamment lorsque la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est exigible. Il s’agit de 45% d’impôts sur le revenu, dans le cas où la plus-value tombe entièrement dans la nouvelle tranche, auxquels s’ajoutent des cotisations sociales de 15,5%.

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Les plus-values mobilières sont-elles toutes imposées au taux de 60,5% ? (Non)

Si depuis le 1er janvier 2013 ces plus-values sont en principe soumises au barème de l’IR, elles peuvent néanmoins sur option et sous conditions être soumises au taux promotionnel de 19% auquel s’ajoute 15,5% de cotisations sociales.

Seules les sommes supérieures à 150.000 euros seront soumises au taux 45%. Le taux de 60,5% sera en conséquence bien souvent un taux marginal et non pas le taux réel d’imposition. De plus, toute la plus-value n’est pas de facto soumise au barème progressif. En effet l’article 10 prévoit des abattements pour durée de détention (150-0 D, 1 du CGI)

  • 20 % de leur montant lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession ;
  • 30 % de leur montant lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de six ans à la date de la cession ;
  • 40 % de leur montant lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins six ans.

Plusieurs régimes d’exonération

Il existe par ailleurs plusieurs régimes d’exonérations qui seront maintenus et qui réduisent parfois à zéro la taxation des plus-values:

  • de l’exonération totale applicable aux dirigeants faisant valoir leurs droits à la retraite et qui cèdent leurs participations (Article. 151 septies et septies A CGI) pour les petites entreprises/PME à l’IR et avant le 31 décembre 2017 (CGI art. 150-0 D ter) pour les PME à l’IS ;
  • de l’exonération prévue en faveur des cessions réalisées au sein du groupe familial (article 150-0 A-I-3 du CGI) ;
  • du report d’imposition, pouvant se transformer en exonération définitive, applicable en cas de réinvestissement d’au moins 50 % de la plus-value de cession des titres dans une ou plusieurs autres sociétés (CGI art. 150-0 D bis) ;
  • de l’exonération prévue à l’article 238 quindecies du CGI  en faveur des PME (à l’IS ou IR) dont les éléments transmis n’excèdent pas 300 000 euros pour une exonération totale ou 500 000 euros pour une exonération partielle.

Il en résulte qu’affirmer, qu’avec l’article 10 de la loi de finance pour 2013 les plus-values sur valeurs mobilière et droit sociaux sont imposés à hauteur de 60,5%, est un raccourci qui peut être discuté dans la réalité. Suite à cette levée de boucliers, à l’occasion de la clôture des Assises de l’entrepreneuriat, le 29 avril, le chef de l’Etat a annoncé une réforme de l’imposition des plus-values sur valeurs mobilières. La réforme devrait avoir un effet rétroactif au 1er janvier 2013 ce qui signifie que le régime de l’article 10 de la loi de finances pour 2013 ne s’appliquera pas.

Les propositions du Chef de l’Etat en la matière vont conduire à une profonde réforme du régime de taxation des plus-values de cession d’entreprises dont voici les grandes lignes. La réforme envisagée poursuit deux objectifs : simplifier le régime d’imposition des plus-values et favoriser la prise de risque et l’investissement à long terme.

Les dispositifs existants seraient remplacés par deux régimes de référence : un régime de droit commun et un régime « incitatif » qui se substituerait aux dispositifs dérogatoires actuels. Dans le cadre de ces deux régimes, toutes les plus-values seraient soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu, sans faire de distinction entre les associés d’une même entreprise. Mais les mécanismes d’abattement, variables selon la durée de détention des titres, seraient renforcés par rapport à ceux mis en place par la loi de finances pour 2013.

Régime de droit commun

Les plus-values seraient imposées au barème progressif après application, à partir de deux ans de détention, d’un abattement de :

  • 50 % entre deux et moins de huit ans de détention ;
  • 65 % à compter de huit ans de détention.

Régime « incitatif »

Destiné à favoriser la création d’entreprise et la prise de risque élevée, il s’appliquerait :

aux plus-values de cession de titres de PME de moins de 10 ans ;

aux plus-values actuellement exonérées : plus-value réalisées lors du départ à la retraite du dirigeant, JEI, cessions au sein d’une même famille.

Pour ces plus-values, les taux d’abattement seraient majorés et fixés à :

  • 50 % entre un et moins de quatre ans de détention ;
  • 65 % entre quatre et moins de huit ans de détention ;
  • 85 % à compter de huit ans de détention.

Par ailleurs, pour que la simplification du régime fiscal ne pénalise pas les chefs de petites entreprises qui partent à la retraite, un abattement complémentaire de 500 000 € serait pratiqué sur le montant de leur plus-value.

Pour en savoir plus, voir le dossier de presse du ministère du redressement productif.

Elies SAUVAGE

Master 2 Stratégie fiscal de l’entreprise

Université de Nice

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