Votée après des discussions passionnées, la loi du 17 mars 20131 offre une (r)évolution au droit de la famille : le mariage « pour tous ». Le législateur choisi en ce sens d’ouvrir l’adoption aux couples de même sexe, posant ainsi les premières pierres d’une reconnaissance de la famille homoparentale. Afin de garantir une égalité entre les couples homosexuels et hétérosexuels, le législateur a procédé à la désexualisation des règles de transmission du nom et à l’asexualisation de celles de la parenté. Cette égalité peut-elle s’étendre à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) ?
La deuxième évolution de la loi susvisée, confirmé par le conseil constitutionnel le 17 mai 20132, est l’adoption par un couple de même sexe. L’avancée juridique est incontestable mais compte tenu du faible nombre d’enfants adoptables en France, la mesure se révèle être en réalité presque exclusivement symbolique. L’adoption internationale est toujours envisageable mais un certain nombre de pays interdiront probablement l’adoption à des couples de même sexe3.
Face à ce faux cadeau, une alternative serait la PMA dans le cadre de l’adoption intrafamiliale. Or, le Code de santé publique dispose : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination »4.
Bien que cette nouvelle rédaction de l’article ait supprimé l’obligation de mariage ou de vie commune de deux ans entre les demandeurs, l’interdiction de double filiation monosexuée est maintenue. Ainsi, la PMA semble d’emblée inaccessible aux couples homosexuels et aux demandes individuelles5. La deuxième condition de l’accès à la PMA tient au caractère pathologique de l’infertilité6. Cette disposition se révèle aussi insurmontable pour le couple de même sexe, l’infertilité n’étant aucunement médicale. La PMA a bien pour objet de pallier une infertilité pathologique et non de répondre à un mal-être social. Ceci signifie que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes ne pourrait pas être envisagée sans une refonte de son objet.
Conscient de cette requête naissante, le gouvernement avait annoncé que la question de la PMA serait traitée dans une grande loi sur la famille annoncée fin 2013. Cependant, cette déclaration a été démenti le 11 septembre dernier à la sortie du Conseil des ministres par Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement. Le législateur préfère attendre l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique, prévu pour le premier trimestre 2014. Mais devant le souhait de certains députés de la majorité7, il est possible que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes se fasse par voie d’amendement.
Si le législateur retarde sa position à propos la PMA, c’est bien car l’enjeu le justifie. Un foisonnement de questions émane de cette nouvelle problématique : Est-il éthique de ne permettre qu’aux couples de femmes de devenir parent ? La PMA ne crée-t-elle pas des inégalités aux sein même du couple de même sexe ? Un nombre croissants de couples de même sexe franchissent les frontières de notre pays pour avoir accès à une parentalité interdite en France, faut-il les laisser « hors la loi »8 ?
Le débat de la PMA est probablement une étape avant celui sur la gestation pour autrui qui, seule, permettrait aux couples homosexuels hommes d’accéder à la paternité.
Thomas Chastagner
1Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
2Cons. const., déc. 17 mai 2013, n° 2013-669 DC, consid. 32
3H. Fulchiron, « Le mariage pour tous. Un enfant pour qui ? », La Semaine Juridique Edition Générale n° 23, 3 Juin 2013, doctr. 658
4Art. L. 2141-2 Code de santé publique
5Isabelle Corpart, « Le Mariage pour tous et ses incidences sur le sort des enfants », AJ Famille 2013 p. 340
6J. Hauser « Le projet de loi sur le mariage des personnes de même sexe . – Le paradoxe de la tortue d’Achille », La Semaine Juridique Edition Générale n° 44, 29 Octobre 2012, doctr. 1185
7A. Dionisi-Peyrusse, Actualités de la bioéthique, AJ Famille 2013 p. 532
8Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, n° 09-66.486 : JurisData n° 2011-005611 ;