Récusation d’un juge : l’impartialité judiciaire face aux réseaux sociaux

L’utilisation des réseaux sociaux par le juge ne remet pas en cause son impartialité lorsque l’un de ses amis virtuels est partie au litige qu’il doit trancher (Civ. 2ème, 5 janvier 2017, n°16-12.394).

En l’espèce, un avocat faisant l’objet de poursuites disciplinaires, a déposé une requête en récusation contre certains membres de la formation de jugement du conseil de l’Ordre des avocats au motif qu’ils sont “amis” sur les réseaux sociaux avec l’autorité de poursuite dans cette procédure, à savoir le bâtonnier.

Ces liens issus de réseaux sociaux peuvent-ils être de nature à caractériser une partialité du juge faisant obstacle à l’exercice de ses fonctions ?

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond par la négative et rejette ainsi le pourvoi formé par l’avocat :

« le terme d’ « ami » employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme et l’existence de contacts entre ces différentes personnes par l’intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession »

Pour rappel, l’article L. 111-6 du Code de l’organisation judiciaire énumère limitativement les cas de récusation d’un juge :

« Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d’un juge peut être demandée :

[…]

8° S’il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l’une des parties

[…] »

La décision semble être ancrée dans une lignée jurisprudentielle. En effet, dans des décisions antérieures, le risque de partialité a ainsi été écarté, par exemple, lorsque les intéressés avaient simplement partagé un déjeuner en compagnie de tiers (CA Grenoble, 31 mai 1990). En revanche, le risque de partialité a été retenu en présence de liens familiaux entre les protagonistes (CA Rouen, 19 juin 1979).

Au regard des circonstances d’espèce, les juges du fond auraient pu être censurés si l’amitié virtuelle s’était accompagnée d’autres éléments de nature à établir une proximité, conformément à la méthode du faisceau d’indices. Autrement dit, le seul fait d’être amis sur Facebook n’est pas nécessairement suffisant mais peut constituer un indice parmi d’autres.

D’ailleurs, la Cour de cassation n’a pas pris de position de principe en se ralliant à l’appréciation souveraine des juges du fond. Cela signifie donc qu’une autre juridiction saisie de faits similaires pourra juger dans un sens différent en considérant que les relations créées par les réseaux sociaux constituent de réelles relations amicales témoignant d’une partialité du juge dans la résolution du litige.

Le réseau social utilisé en l’espèce n’étant pas précisé, les juges pourront adopter des solutions différentes, notamment selon qu’il s’agisse d’une demande d’amis devant nécessairement être acceptée (par exemple Facebook) ou non (par exemple Twitter).

En définitive, l’arrêt témoigne d’un intérêt certain et a le mérite de rappeler à tous les magistrats de rester prudents à l’égard de leurs relations sur les réseaux sociaux.

 

Manon VEZIN

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

“Récusation d’un juge : un « ami » sur les réseaux sociaux n’est pas un ami…” – Editions Francis Lefebvre. L’ami sur les réseaux sociaux devant la Cour de cassation” – Le blog du professeur Bruno Dondero.

L’amitié Facebook et l’impartialité – Zoom par Florence G’sell – La Semaine Juridique Edition Générale n° 4, 23 Janvier 2017, 74.

L’amitié en droit : Montaigne à la Cour de cassation – Pierre-Yves Gautier – D. 2017. 208

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