Vers une consécration juridique du mariage homosexuel en Europe

 


« Etre entièrement libre et en même temps dominé par la loi, c’est l’éternel paradoxe de la vie humaine ». Oscar Wilde.

 En France, les couples de même sexe espèrent une intervention du législateur afin qu’ils puissent, au même titre que les hétérosexuels disposer du droit de se marier. Ce ne sera qu’une fois ce droit reconnu qu’ils pourront aspirer à une entière liberté fondée notamment sur une égalité devant la loi.

 


 

I.   La subsistance de divergences importantes

 

Le Conseil constitutionnel français vient d’énoncer, le 28 janvier dernier, qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l’opportunité du mariage homosexuel[1]. Selon cette décision, en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme « le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation (… ) apeut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille ».

 

Cette solution est conforme à la position de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a considéré que le fait de réserver le mariage aux couples hétérosexuels ne constituait pas une discrimination et relevait des prérogatives des lois nationales[2]. En l’absence de consensus européen, la Cour de Strasbourg se refuse en ce jour à consacrer le droit au mariage pour les personnes de même sexe sur le fondement de l’’article 12[3] de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH).

 

Le Parlement européen[4] a pris une position plus avancée, sollicitant que soit abolie « toute forme de discrimination législative ou de facto, dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfant »[5].

 

Ces divergences d’opinions n’ont cependant pas empêché certaines prises de position des législateurs nationaux. A l’échelle européenne, la France n’a pas encore emboité le pas de quelques uns de ses voisins européens, qui ont admis, malgré parfois une tradition catholique marquée, le mariage homosexuel. Ainsi l’Espagne en 2005 et le Portugal en 2010 ont-ils suivi l’exemple des Pays Bas, de la Belgique ou bien encore de la Suède.

 

II.   Une inégalité des droits

 

Les plus réticents à la consécration du mariage homosexuel font valoir que ces couples disposent de la possibilité de conclure un partenariat, ce qui constituerait une alternative équivalente au mariage. Les possibilités apportées par ces « partenariats » ne sont pourtant pas identiques à celles conférées par le mariage. Pour se borner à évoquer l’exemple français du Pacte civil de solidarité (Pacs), s’il permet de bénéficier d’une imposition commune, du même abattement en cas de donation (76 000 en 2008), des mêmes droits aux congés pour les salariés ou encore de droits identiques en matière d’assurance maladie de nombreuses différences subsistent. Le mariage crée davantage de droits et d’obligations à l’égard de chacun des époux. L’exonération des droits de succession n’opérera qu’en cas de testament en faveur de l’autre partenaire dans le cadre du Pacs alors que dans le mariage les époux sont héritiers l’un de l’autre sans condition. La pension de réversion n’existe pas dans le cadre du Pacs tandis qu’elle est versée aux époux[6]. Le partenaire pacsé ne peut en outre pas prétendre au droit du nom d’usage de l’autre.

 

Les couples homosexuels n’ont pas de droit d’adopter et peuvent seulement recourir à l’adoption séparément. Cette situation peut être préjudiciable aux enfants qui ne disposent légalement que d’un parent. La jurisprudence a pu remédier à cette situation dans certains cas en accordant une délégation d’autorité parentale à la partenaire de la mère biologique[7]. Depuis, la Haute juridiction est revenue cependant sur sa solution.[8]

 

Aucune sécurité juridique n’existe pour ces couples homoparentaux. Pourtant, la réalité démontre que ces couples peuvent être, et sont parents. La société française d’aujourd’hui dissocie sexualité et procréation, alliance et filiation ou encore parenté biologique et sociale.[9] Le triangle traditionnel « père, mère, enfant » se trouve aujourd’hui brisé avec une multiplication des familles monoparentales et des familles recomposées. Pourquoi ne pas reconnaître juridiquement l’existence de ces familles homoparentales? Dans ce climat de désaffection à l’égard du mariage[10], les partenaires homosexuels souhaitent que leur union soit reconnue juridiquement. Ils veulent consolider les liens affectifs et matériels déjà existants et apporter cette sécurité juridique qui manque à leur famille.  Le chemin vers la concrétisation juridique semble pourtant être encore long.

 

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III.   L’influence américaine


De l’autre côté de l’Atlantique, le Président américain Barack Obama vient d’annoncer qu’au nom du principe constitutionnel de non-discrimination le ministère public ne soutiendrait plus de loi définissant le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. Cette déclaration, dépourvue de force juridique, pourrait néanmoins apporter une dynamique en faveur des droits des homosexuels.

 

Cette prise de position des Etats Unis aura sans aucun doute des répercussions en Europe et plus particulièrement en France où la question du mariage homosexuel devrait largement être débattue lors de la prochaine campagne présidentielle. La décision revient aujourd’hui au seul législateur qui devrait examiner, au début de l’été 2011, une proposition de loi autorisant le mariage homosexuel déposée par le parti socialiste.

 

 

Cassandre Piffeteau

Master 2 de Droit européen et international des affaires

Paris Dauphine

 

 

Notes

 

[1] Décision n°2010-92 QPC du 28 janvier 2011

 

[2] Schalk and Kopf c. Autriche (Cour EDH, 1e Sect. 24 juin 2010, Req. n° 30141/04)

 

[3] Droit au mariage « A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ».

 

[4] Organe parlementaire de l’Union européenne

 

[5] Résolution de 2003 de l’Union européenne A5 0281/2003 al. 74-77

 

[6] « Pension versée à une personne sur la base de droits acquis par une autre personne avec qui elle était unie par certains liens de droit (mariage, filiation) ». Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, PUF, 2007

 

[7] Cour de cassation, 1ère civ. 24 février 2006, D.2006, p 897

 

[8] Cour de cassation, 1re civ. 20 février 2007

 

[9] Martha Mailfert, Doctorante en sociologie, IEP Paris

 

[10] La légalisation des couples homosexuels en Europe, Patrick Festy, 2006

 


Pour en savoir plus

 

Cons. const., 28 janvier 2011, Mmes Corinne C. et Sophie H, n° 2010-92 QPC, JO 29 janv., p. 1894 ; Cah. cons. const. n° 32.

 

Défenseur des enfants : rapport annuel de 2006, Dominique Versini.

 

Cour de cassation, 1ère civ. 24 février 2006, Com. Hugues Fulchiron, Recueil Dalloz 2006 p. 876.

 

Hier le rôle, le titre : pas encore ! Daniel Vigneau, Recueil Dalloz 2007, p. 1047

 

Article 365 et 377-1 du Code civil

 

La légalisation des couples homosexuels en Europe, Patrick Festy, 2006

 

Civ.1ère, 16 nov. 2010 ; D. 2011. 209 Roux.

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