Déjudiciarisons les conflits !

Si le terme même de « déjudiciarisation » est difficilement prononçable, il n’en demeure pas moins un phénomène en pleine expansion. Cette tendance, encouragée par les pouvoirs publics, est confirmée par la convention sur l’accès au droit[1] signée le 30 novembre 2015 entre le Défenseur des droits, Jacques TOUBON, et  la garde des Sceaux, Christiane TAUBIRA.

Cette convention a ainsi pour but d’accentuer le travail du Défenseur des droits et de ses délégués au sein des Maisons de la Justice et du Droit (MJD) (I). Toutefois, elle doit également être envisagée dans le cadre d’une réforme structurelle plus large engagée par la chancellerie[2] (II).

 

  1. Vers une plus large ouverture des Maisons de la Justice et du Droit

 

Cet accord crée un partenariat direct et officiel entre d’une part, les délégués du défenseur des droits,  et  d’autre part, les agents du ministère de la Justice. Le communiqué ministériel nous informe que cette coopération passera par des actions communes de communication, d’échange et de diffusion d’informations. Le texte prévoit notamment la formation d’éducateurs capables d’expliquer le Droit aux justiciables et de faciliter la mise en œuvre des procédures désormais numérisées. On retrouve ainsi les missions confiées aux délégués du Défenseur des droits au sein des MJD.

En effet, ces établissements[3] offrent des permanences juridiques aux justiciables. La création d’une telle institution nécessite un consensus entre les acteurs  juridiques et judiciaires locaux. L’article R. 131-3 du Code de l’organisation judiciaire rappellent que doivent être parties à sa création : le préfet, le maire de la commune, le président du Tribunal de grande instance duquel il dépend, le Procureur qui y est rattaché, le bâtonnier de l’ordre des avocats[4] mais également les associations de défense des victimes. Le tout doit recevoir l’accord du garde des Sceaux.

Ce partenariat entre magistrats, services de police, avocats et associations est essentiel à l’accomplissement des missions qui leurs sont dévolues.

Tout d’abord, une information juridique gratuite y est délivrée, selon les cas, par des avocats, des experts ou encore des associations de consommateurs agréées.

Ensuite, en matière pénale, dans les infractions dites de « petite délinquance »[5], une médiation pénale peut être mise en œuvre. Cette procédure est initiée par le procureur de la République. Elle est destinée à permettre à l’infracteur de réparer le dommage causé à la victime et de participer à son reclassement sans poursuites pénales. La mesure a donc une visée pédagogique visant à prévenir la récidive pour le délinquant et une visée réparatrice pour la « partie civile ».

Enfin, en matière civile, le conseiller juridique doit aider les victimes en favorisant une résolution amiable des conflits de la vie courante : consommation, logement, pension alimentaire, …

 

L’accès au droit n’implique donc pas nécessairement le recours au système judiciaire. C’est pourquoi, l’objectif primordial des MJD est d’encourager les modes alternatifs de règlement des litiges du quotidien (MARC).

 

2. Vers une déjudiciarisation des conflits

 

Ces processus sont dits alternatifs par opposition à la procédure judiciaire. On distingue l’arbitrage, la transaction, la conciliation ou encore la médiation.

L’arbitrage nécessite une clause compromissoire dressée avant le conflit ou un compromis conclu lors du conflit. Cela consiste à faire appel à un tiers qui, après avoir écouté les parties, statue en amiable compositeur. Cette technique est rarement utilisée dans les litiges entre particuliers car trop coûteuse.

La transaction renvoie à un contrat synallagmatique entre les parties. Ce processus est largement mis en œuvre en droit social où les entreprises n’ont pas particulièrement intérêt à voir leurs noms cités devant un tribunal.

En matière de conciliation, le conciliateur est un auxiliaire de justice bénévole qui écoute les parties et les incite à négocier sans orienter le débat. Il établira un constat final pouvant être homologué par le juge. Ce mode de résolution est à encourager dans les litiges opposants un locataire à son propriétaire ou encore entre voisins.

La médiation exige également l’intervention d’un tiers mais le médiateur occupe un rôle actif dans la direction des débats. Cette technique sera privilégiée dans les rapports entre parents séparés afin d’une part, de rétablir un dialogue entre les parents, et d’autre part, de leur rappeler leurs devoirs respectifs. En matière pénale, le médiateur aura un rôle similaire (cf. supra). C’est ce dernier mode qui sera la plupart du temps mis en œuvre au sein des MJD.

 

Dès lors, il nous faut s’interroger sur les avantages résultant de ces MARC. Force est de constater qu’un accord émanant des parties est souvent mieux accepté qu’une décision judiciaire. La durée du processus permet également un gain de temps dans des situations où nul n’a intérêt à ce qu’elles s’enveniment. De plus, cette justice de proximité coûte moins cher tant aux parties qu’à l’Etat.

C’est sur ce constat que la Garde des Sceaux a obtenu 2 millions d’euros supplémentaires dans le projet de loi de finances 2016, portant à 7 millions d’euros le crédit des points d’accès au droit dont les MJD font partie. Cette augmentation inédite des dotations de l’Etat en matière judiciaire[6] devra à terme permettre de faire des économies budgétaires tout en désengorgeant les tribunaux.

 

 

Ainsi, il semblerait que la Chancellerie souhaite faire sienne cette citation : « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Cette expression pourrait être issue directement d’un cabinet d’avocat anglo-saxon où la transaction est souvent préférée au procès. Force est de constater, que cette phrase est attribuée à Honoré de Balzac, un auteur français donc.

Il paraitra alors loisible de conseiller aux futurs professionnels du droit, avocat ou médiateur, de se tourner vers ces modes alternatifs de résolution des conflits.

 

 

Léo OLIVIER

 

[1] http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-communiques-10095/archives-des-communiques-de-2015-12760/convention-de-partenariat-favorisant-lacces-au-droit-28514.html

[2] https://www.lepetitjuriste.fr/la-justice-du-xxieme-siecle/

[3] En 2015, on en dénombre 139 répartis dans la quasi-totalité des départements français

[4] Voir en ce sens : CE, 6 avril 2006, n° 279445

[5] Vol simple : art. 311 du Code pénal ; Dégradation : art. 322-1 du Code pénal ; Tapage nocturne : art. R623-2 du Code pénal; …

[6] https://www.lepetitjuriste.fr/laide-juridictionnelle-bientot-reformee/

 

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