Apple vs. Samsung: le procès aux Etats-Unis

 

 

 


 

 

Une ‘guerre des brevets’ sans précédents a débuté en 2010 entre les deux géants de l’industrie du smartphone lorsqu’ Apple a engagé plusieurs procédures contre Samsung sur trois continents.

 

 


 

 

 

Aux Etats-Unis, le procès a débuté le 30 juillet 2012 devant le Tribunal fédéral de San José en Californie, et s’est terminé le 24 août. Apple reprochait à Samsung d’avoir copié des brevets développés par lui et utilisés dans l’iPhone et l’iPad, pour développer les téléphones et tablettes Galaxy de la firme coréenne. En réponse à ces allégations, Samsung arguait de la contrefaçon par Apple de plusieurs de ses brevets relatifs à la fonction de communication du mobile.

 

Le jury populaire américain du Tribunal de San José devait déterminer si, au regard des critères de protection et de contrefaçon des brevets américains, Apple était en effet, victime de violation de ses droits de propriété industrielle par son concurrent.

 

1. Le droit américain des brevets


Le droit américain des brevets protège non seulement le brevet d’invention (‘utility patent’) mais également le dessin ou modèle (‘design patent’), alors que le droit français protège ce dernier via le droit des dessins et modèle, différent du droit des brevets.

 

Les règles relatives au brevet d’invention visent à protéger les fonctionnalités techniques d’une invention. A noter que cette invention peut prendre la forme d’un logiciel par exemple, alors que le droit français ne protège le logiciel que par le droit d’auteur.

Pour que l’invention soit protégée, elle doit être nouvelle1. Ainsi, elle ne doit pas avoir fait l’objet de publication dans un pays, d’usage par un tiers sur le territoire américain ou de demande de brevet américain avant la réalisation de l’invention. En outre, l’invention ne doit pas avoir été mise en vente, avoir fait l’objet d’un usage public, avoir été décrite ou brevetée plus d’un an avant le dépôt de la demande de brevet. L’invention doit également être utile2, sans qu’il y ait nécessairement un progrès technique. Enfin, l’invention ne doit pas être évidente au moment de sa réalisation et au regard de l’état de la technique à ce moment, pour l’homme du métier ayant une connaissance moyenne du domaine en cause3.

 

La contrefaçon du brevet d’invention est établie dès lors que les revendications du brevet prétendument contrefacteur sont similaires ou identiques à celles du brevet prétendument contrefait.

Quant au brevet de dessin (« design patent »), il protège tout modèle nouveau, non- évident et non-fonctionnel4. Le design est nouveau dès lors que son aspect d’ensemble se distingue de tous les designs antérieurs aux yeux d’un observateur averti. La non-évidence est établie lorsqu’un designer de talent ordinaire pour les articles concernés aurait trouvé le design en question à la date où l’invention a été effectuée.

Quant à la fonctionnalité, le design est fonctionnel s’il est dicté par la fonction du brevet.

La contrefaçon d’un tel brevet est établie dès lors qu’un observateur ordinaire confond le produit prétendument contrefacteur avec celui prétendument contrefait.

 

2. Les brevets dont Apple est titulaire


Apple est titulaire de plusieurs brevets d’invention constitués par des logiciels portant notamment sur les fonctionnalités de détection d’un numéro de téléphone, de défilement des pages et de zoom avec les doigts. Ces technologies sont utilisées tant pour l’iPhone que pour l’iPad.

Apple reprochait à Samsung de les avoir réutilisé pour ses produits.

 

Par ailleurs, Apple est propriétaire de brevets de dessin sur l’apparence esthétique de l’iPhone et de l’iPad, notamment la forme rectangulaire à bouts arrondis et l’interface utilisateur constituée par un écran totalement plat et tactile sur lequel sont présentées les applications.

La société demanderesse faisait valoir que plusieurs téléphones et tablettes de la gamme « Galaxy » commercialisée par Samsung contrefaisaient ces « design patents ».

 

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3. Les brevets du géant américain ont-ils été contrefaits par Samsung ?


S’agissant des brevets de dessin d’Apple, son concurrent sud-coréen se défendait en soutenant qu’Apple s’est inspiré de produits Sony pour les modèles de ses smartphone et tablette.

Cette attaque mettait donc en cause le caractère nouveau des designs du californien, condition nécessaire à la protection par le droit des brevets.

 

De même, le défendeur énonçait que les brevets de dessin de son contradicteur ne satisfaisaient pas au critère de non-fonctionnalité du fait qu’ils sont étroitement corrélés aux seuls besoins fonctionnels du téléphone.

Il s’agissait donc également de déterminer si d’autres formes auraient pu répondre aux fonctionnalités des produits concernés.

 

Quant aux brevets d’invention d’Apple, le coréen faisait valoir, entre autre, que ce dernier a méconnu certains aspects du droit américain de la concurrence qui étaient applicables à ces « utility patent ».

 

Il considérait en effet que la technologie contenue dans ces brevets devait faire l’objet d’une ‘licence obligatoire’ selon la théorie ‘Fair, Reasonnable and Non Discriminatory’ (FRAND), selon laquelle une entreprise qui développe des technologies standards -c’est à dire s’imposant en pratique au consommateur final- doit obligatoirement proposer une licence à prix raisonnable à ses concurrents sur les technologies en question, afin de permettre à tout consommateur d’avoir un accès à cette technologie standard.

 

Il s’agissait donc ici de déterminer si la technologie protégée par les brevets d’invention d’Apple devait être concédée en licence sur le fondement de la théorie FRAND, et le cas échéant si Apple s’est effectivement abstenu de proposer de telles licences, faisant preuve ainsi d’une attitude anti-concurrentielle.

 

Il appartenait donc à Apple de démontrer au jury populaire du Tribunal de San José que sa technologie n’est pas un standard, ou qu’il ne s’est pas opposé à concéder une licence sur cette technologie mais que Samsung a préféré copier, plutôt que négocier une telle licence.

 

Verdict…


Le 24 août 2012, le jury populaire a finalement tranché. Les brevets d’Apple ont été jugés valides. En outre, le Tribunal de San José a considéré que tous ces brevets avaient été contrefaits par le coréen, à l’exception d’un seul.

Samsung a donc été condamné à payer à Apple la somme d’un milliard de dollars, à titre de dommages et intérêts.

Toutefois, il semble que Samsung n’a pas dit son dernier mot… En effet, l’entreprise prépare une requête pour demander le renversement de la décision. S’il n’obtient pas gain de cause, il fera appel.

 

 

Margot Gaeremynck

 


 

 

Notes :

 

1 35 U.S.C. 102

2 35 U.S.C. 101

3 35 U.S.C. 103

4 35 U.S.C. 171

 

 


 

 

 

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