Condition d’ancienneté et régime de retraite supplémentaire à cotisations définies

Le régime de retraite supplémentaire à cotisations définies est l’un des deux types d’engagements de retraite proposés par l’employeur aux salariés. L’employeur s’engage à verser des cotisations régulières à un organisme gestionnaire, cotisations qui, augmentées du revenu de leur placement, seront versées sous forme de rentes aux salariés retraités.  Le montant de cette rente résulte de la gestion du régime toujours assurée par un organisme extérieur ; l’employeur n’apporte pas de garantie sur le niveau des rentes versées (engagement dit de moyens).

Ce régime bénéficie d’un régime social de faveur. En effet, les contributions patronales finançant ce type de régime sont exonérées de cotisations sociales jusqu’à une certaine limite [1].  Pour cela plusieurs conditions doivent être réunies. Parmi ces conditions, le Code de la sécurité sociale prévoit que le régime de retraite à cotisations définies doit présenter un caractère collectif et obligatoire [2].  

Un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies exigeant une ancienneté « continue » revêt-il le caractère collectif nécessaire pour avoir droit au bénéfice d’exonérations de cotisations sociales prévues à l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ?

C’est à cette question que répond la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin 2017. En l’espèce, une entreprise avait mis en place un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies qui était réservé aux seuls salariés justifiant au moins de douze mois d’ancienneté “continue”.

Après un rappel des règles d’exonérations des contributions patronales applicables aux régimes de retraite supplémentaire à cotisations définies [3] (I), la Cour de cassation juge que l’exigence d’une ancienneté continue remet en cause le caractère collectif d’un tel dispositif. (II). Cette décision oblige les entreprises qui ont mis en place des dispositifs de retraite supplémentaire à se mettre en conformité (III).

 

I-      Les règles d’exonérations des contributions patronales applicables au régime de retraite à cotisations définies

L’article L.242-1 alinéa 6 du Code de la sécurité sociale dispose que pour bénéficier du régime d’exonérations, le régime de retraite à cotisations définies doit respecter certaines conditions, notamment :

–       le caractère obligatoire : l’adhésion au régime doit être en principe obligatoire pour tous les salariés. Toutefois, ce principe n’interdit pas à l’employeur de prévoir dans l’acte fondateur du régime de retraite supplémentaire des cas de dispenses d’affiliation. Il ne s’agit pas d’exclure d’office certaines catégories de salariés. Une dispense d’affiliation est une faculté laissée à certains salariés, en principe couverts par le régime, de ne pas y adhérer ;

–       le caractère collectif :  le régime doit bénéficier en principe à l’ensemble des salariés de l’entreprise ou, par exception, à une ou plusieurs « catégories objectives » de salariés, à condition que cette catégorie couvre tous les salariés placés dans une situation identique au regard des garanties concernées. Une catégorie objective est définie en fonction de critères limitativement énumérés à l’article R.242-1-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l’article R.242-1-1 alinéa 3 du Code de la sécurité sociale autorise les employeurs à réserver le bénéfice du régime de retraite supplémentaire mis en place au sein de l’entreprise aux salariés remplissant une condition d’ancienneté, d’au maximum douze mois, sans que cela ne remette en cause le caractère collectif du régime.

En vertu de cet article, un régime de retraite supplémentaire réservé aux salariés justifiant d’une ancienneté d’au maximum douze mois reste collectif. Le régime est donc susceptible de bénéficier des exonérations de cotisations sociales même si des salariés en sont exclus du fait d’une clause d’ancienneté.

II- L‘absence de caractère collectif du régime de retraite à cotisations définies exigeant une ancienneté continue de douze mois.

En l’espèce, le régime de retraite supplémentaire à cotisations définies était réservé aux seuls salariés justifiant au moins de douze mois d’ancienneté “continue”. Lors d’un contrôle, l’Inspecteur du recouvrement avait constaté que l’entreprise décomptait l’ancienneté « contrat par contrat ».

L’URSSAF avait procédé au redressement du régime, considérant que l’exclusion des salariés justifiant d’une ancienneté de douze mois acquise de manière discontinue contrevenait au caractère collectif du régime. Le litige portait sur la computation de l’ancienneté. En effet, l’entreprise calculant l’ancienneté « contrat par contrat » , les salariés ayant un contrat à durée déterminée de moins de douze mois ne pouvaient bénéficier du régime de retraite à cotisations définies, même s’ils avaient été titulaires de contrats à durée déterminée antérieurement  au sein de l’entreprise.

Le point de départ du raisonnement de la Cour de cassation est « qu’est collectif un contrat qui bénéficie de façon impersonnelle et générale à l’ensemble du personnel salarié d’une entreprise ou à une partie d’entre eux appartenant à une catégorie objective établie à partir de critères objectifs, tous les salariés qui en bénéficient devant se trouver dans une situation identique au regard des garanties concernées ».

La Cour de cassation confirme le raisonnement de la Cour d’appel en relevant ensuite  que : « l’analyse de la convention démontre que le régime de retraite ainsi mis en place était réservé aux seuls salariés justifiant d’une ancienneté continue de douze mois et excluait, en conséquence, tous les salariés ayant bénéficié antérieurement d’une succession de contrats à durée déterminée au sein de l’entreprise dont le total cumulé s’élevait à douze mois ou plus, l’entreprise calculant l’ancienneté contrat par contrat ».

La Haute juridiction judiciaire en conclut  « qu’il s’ensuit une différence de traitement entre le salarié titulaire d’un contrat à durée déterminée d’une durée de douze mois et celui qui, justifiant d’un contrat à durée déterminée de moins de douze mois, mais ayant déjà travaillé, antérieurement, dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs, avec ou sans période d’interruption, ne bénéficie pas de la prise en compte, dans le calcul de son ancienneté éligible au dispositif, de la durée des précédents contrats”.

Pour la Cour de cassation, le fait pour l’employeur d’exiger une ancienneté continue pour avoir accès à un régime de retraite à cotisations définies était contraire au principe d’égalité de traitement et donc de nature à remettre en cause le caractère collectif du régime nécessaire pour ouvrir droit au régime d’exonération de cotisations sociales.

III- Les conséquences de cette jurisprudence

La décision de la Cour de cassation ne remet pas en cause la possibilité pour l’employeur d’insérer une clause d’ancienneté dans l’acte fondateur d’un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies. Cet arrêt apporte en revanche des précisions sur la formulation de la condition d’ancienneté susceptible d’être retenue dans ce contexte, celle-ci ne pouvant se limiter à une ancienneté continue.

Cet arrêt donne ainsi la possibilité aux URSSAF de remettre en cause le caractère collectif et objectif des dispositifs de retraite supplémentaire en cours prévoyant une condition d’ancienneté « continue » pour les salariés en contrat à durée déterminée.

Les entreprises concernées doivent donc se mettre en conformité avec cette nouvelle jurisprudence afin d’éviter tout redressement URSSAF.

 

Yasmina Bessah, Etudiante en Master Droit de la protection sociale d’entreprise à l’université Paris 1- Panthéon-Sorbonne, Apprentie chez Safran 

Manon Gautho, Etudiante en Master Droit de la protection sociale d’entreprise à l’université Paris 1 -Panthéon-Sorbonne, Apprentie chez Groupe B2V

 

[1] CSS, article D.242-1

[2] CSS, article L.242-1

[3] CSS, article L.242-1 et articles R242-1 à R242-6

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