Contentieux des antennes relais : d’intéressantes précisions contentieuses


En se prononçant, le 14 mai dernier, sur la répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et administratives en matière de contentieux des antennes-relais, le Tribunal des conflit.


Saisi sur renvoi de la Cour de Cassation, le Tribunal des conflits a été confronté, le 14 mai 2012, à une question de compétence relative au contentieux de l’installation et du fonctionnement des antennes relais. Sur les six contentieux pendants, un opposait une commune à un opérateur téléphonique, les cinq autres impliquaient des particuliers. Par six décisions[1], le Tribunal des conflits apporte une clarification contentieuse des plus utiles.

Il relève tout d’abord que les contentieux visant à obtenir le déplacement d’une antenne, l’interruption de son émission, ou son enlèvement définitif relèvent de la juridiction administrative dès lors qu’ils sont fondés sur l’impact potentiel de son fonctionnement sur la santé publique ou sur la qualité de réception des messages transmis par fréquences radioélectriques (télévision, radio, téléphonie…). Pour ce faire, le Tribunal des conflits rappelle l’appartenance du spectre hertzien au domaine public comme l’affirme l’article L2111-17 du code général des propriétés des personnes publiques. Dès lors, et en considération de l’article L2124-26 du même code, il en déduit que les autorisations accordées par l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) en vue d’utiliser certaines bandes de fréquences sont des autorisations d’utilisation privative du domaine public. Le juge rappelle que, pour la bonne gestion du spectre et pour prendre en compte les impératifs de santé publique, l’Agence nationale des fréquences (ANFr) peut s’opposer au projet d’implantation d’une antenne tel que proposé par un opérateur, en se fondant sur les dispositions du code des postes et communications électroniques. Le Tribunal en déduit, comme le Conseil d’Etat[2], l’existence d’une police spéciale des communications électroniques incluant une police de la salubrité publique adaptée aux émissions radioélectriques (santé publique et seuils d’émissions), et une police domaniale adaptée à la spécificité du spectre (recherche du fonctionnement optimal des réseaux, limitation des brouillages etc.). Les motifs de la décision relèvent que cette police spéciale a été confiée aux seules autorités publiques désignées par le législateur (l’ARCEP et l’ANFr mais également le Conseil supérieur de l’audiovisuel non cité dans cette décision). Dès lors, seul le juge administratif peut connaitre des questions portant sur l’application de cette police, et ce, sans prendre en compte le caractère public ou privé de la personne morale qui implante l’antenne.

 

 

conseil-dEtat

 

Le juge judiciaire ne pourra donc connaitre que les contentieux opposant des tiers aux opérateurs de téléphonie, lorsque l’antenne aura irrégulièrement été implantée ou fonctionnera au mépris des prescriptions techniques de l’autorisation d’implantation. Plus largement, il tranchera les troubles causés par le fonctionnement de l’antenne qui ne sont pas liés aux questions de santé ou de brouillage. Le juge judiciaire pourra donc prononcer l’indemnisation des plaignants pour trouble anormal de voisinage, ce qui n’est pas inédit, et pourra enjoindre l’opérateur à prendre toute mesure nécessaire à la cessation dudit trouble. Cependant, dès lors que l’antenne en cause sera régulièrement implantée, le juge civil ne pourra, semble-t-il, plus enjoindre l’opérateur à la démanteler en application du principe de précaution, puisque toute action tendant au démantèlement d’une antenne régulièrement installée sera de la compétence du juge administratif. La jurisprudence judiciaire contraire[3] semble donc remise en cause.

 

 

Morgan Reynaud

 

Pour en savoir plus


-FEVRIER (JM.), « Compétence du juge administratif en matière de contentieux des installations radioélectriques », DA 2012, n°8 p 47 ;

 

-Commentaire de la décision du Tribunal des conflits sur le site internet de la juridiction : http://www.tribunal-conflits.fr/PDF/3852_Commentaire_comm_tc_3852.pdf

 

 

Notes

 

[1] TC, 14 mai 2012, Orange France/SFR /Bouygues Télécom : Req n° : C3844 ; C3846 ; C3848 ; C3850 ; C3852 ; C3854

[2] CE, 26 octobre 2011, Req n° 326492

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