Coronavirus : le droit de retrait en question

Face à la peur de la transmission du virus, certains salariés ont souhaité user de leur droit de retrait. Ce droit est défini par le Code du travail comme la possibilité pour le salarié de se retirer de (1) toute situation de travail dont il pense raisonnablement qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. 

Francis Kessler, éminent avocat en droit social, rappelle que :  « Le droit de retrait n’est pas une liberté publique mais un droit des salariés ». C’est pourquoi, ce droit ne pourra pas être suspendu (2) ou retiré par le projet de loi d’urgence adopté le 22 mars 2020. Ainsi, le droit de retrait pourra continuer à être exercé afin qu’il ne puisse créer une nouvelle situation de danger grave et imminent et il s’effectuera seulement si le risque concerne des personnes intérieures à l’entreprise. (3)

En ce sens, le droit de retrait ne s’appliquera que si trois impératifs sont remplis : la sécurité des salariés, le fonctionnement des entreprises et la continuité de la vie économique et sociale. Par exemple, les juges du Quai de l’Horloge trancheront en faveur du salarié exposé à des poussières d’amiante sans protection . En transposant cet exemple au COVID-19, il sera, sans aucun doute, (4) admis par le juge la sanction de l’employeur qui ne respecte pas les consignes sanitaires données par les pouvoirs publics.

Ainsi, si le retrait entrepris par le salarié est légitime, son salaire sera maintenu et il ne fera l’objet d’aucune sanction. Sinon, l’employeur sera en droit d’opérer une retenue sur salaire pour inexécution du contrat de travail. L’exercice non fondé de ce droit peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dans tous les cas, le salarié qui voudrait utiliser son droit de retrait devra informer l’employeur soit verbalement, soit par écrit ; tout en sachant que l’écrit n’est pas imposé.

Cependant, depuis la loi d’urgence sanitaire du 22 mars 2020, le premier ministre peut « ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens ». Quid du droit de retrait ? En fait, ce droit ne sera pas fondé si les personnes sont réquisitionnées pour maintenir les activités indispensables à la nation. Concernant le cas du COVID-19, c’est l’arrêté du 15 mars 2020 qui précise la nature de ces activités. Mais, devront être précisées dans les modalités de réquisitions « les mesures à appliquer en vue d’assurer la protection de la santé et la sécurité des travailleurs » .

En conclusion, dans le contexte actuel du COVID-19, si l’employeur a respecté les dispositions du Code et a mis en oeuvre les recommandations concernant la protection de la santé et de la sécurité de son personnel, ce droit ne pourra pas s’exercer par le salarié. Aussi, n’oublions pas que le droit de retrait est limité pour le personnel réquisitionné.

Valentine Léger, étudiante en M1 de droit privé

(1) Article L.4131-1 du Code du travail

(2) Anne Rodier, L’état d’urgence sanitaire ne limite pas le recours au droit de retrait, sauf pour le personnel réquisitionné, Le Monde, 25 Mars 2020.

(3) Article L.4132-1 du Code du travail ; CA Lyon n°13/035153

(4) Cass. soc., 11-05-2017, n°16-13.437

(5) Circulaire n°2007/185

 

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