Saisi sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 décembre 2015, une décision concernant la constitutionnalité des controversées assignations à résidence prises dans le cadre de l’état d’urgence.
Si certains alertent contre le risque de dérive de l’État de droit, la multiplication des assignations à résidence ayant créé une véritable polémique dans le cadre de la COP 21, les Sages estiment que l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, modifié par la loi du 20 novembre 2015, ne porte pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Des assignations non synonymes de privation
Se posait en premier lieu la question de l’inconstitutionnalité des mesures par rapport à l’article 66 de la Constitution, qui dispose notamment que « [nul] ne peut être arbitrairement détenu ». Or, le Conseil estime que les dispositions fondant les assignations ne « comportent pas de privation de liberté individuelle ». En effet, ces mesures n’ont pour effet que d’imposer aux individus, constituant des menaces pour l’ordre public, de « résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d’une agglomération ». S’il y a une restriction de liberté, cette atteinte ne conduit nullement à une privation.
Cependant, les Sages mettent en garde contre les risques d’inconstitutionnalité que pourraient présenter certaines mesures inhérentes à la création de centres fermés. En effet, les mesures adoptées ne peuvent en aucun cas conduire à « la création de camps où seraient détenues les personnes », sous peine de violer l’article 66 du fait de la privation de liberté, cette fois caractérisée.
Des assignations ne rimant pas avec disproportion
Était également invoquée l’incompétence négative du législateur, l’article 34 de la Constitution disposant que la loi fixe « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Or, un tel moyen ne peut être invoqué au soutien d’une question prioritaire de constitutionnalité, à moins que sa méconnaissance « affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit »[1]. Etait alors parallèlement développée la violation de « la liberté personnelle »[2] garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.
Si le Conseil relève que les assignations portent indubitablement atteinte à la liberté d’aller et venir, il précise qu’elles ne peuvent être prises que s’il existe « des raisons sérieuses de penser [qu’une] menace pour la sécurité et l’ordre publics [est avérée] ». Par ailleurs, toute mesure doit être encadrée tant dans sa durée que dans ses modalités d’application, et ce sous le contrôle du juge administratif qui est « chargé de s’assurer [qu’elle est] adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit ». Il en résulte que les assignations ne peuvent perdurer au-delà de l’état d’urgence. Que par suite, si ce dernier était prorogé par le Parlement, pour une durée qui ne « saurait être excessive », les mesures d’assignation ne pourraient être prolongées à moins d’être renouvelées.
Si les juges de la rue de Montpensier ont conforté la légalité des assignations à résidence, le gouvernement devra néanmoins scrupuleusement veiller à ne pas outrepasser les possibilités constitutionnelles qui lui sont offertes – même si une révision apparaît définitivement se profiler – le risque étant que l’état d’urgence ne tourne à l’état d’exception.
[1] CC, n°2010-5 QPC, 18 juin 2010.
[2] CC, n°99-411 DC, 16 juin 1999.
Laure Mena
Pour en savoir + :
Site conseil-constitutionnel.fr >Décision n°2015-527 QPC, 22 décembre 2015