Dossier du mois LPJ – La réforme fiscale

L’élection d’un nouveau Président de la République est toujours l’occasion d’une réforme fiscale d’envergure. La promesse de 2007 d’un « choc fiscal » porteur de croissance a laissé place au « redressement dans la justice ». Le Petit Juriste vous propose un tour d’horizon des réformes fiscales déjà mises en œuvre par le nouveau gouvernement et de ce qu’il y a à attendre pour la suite. Un éminent spécialiste de la discipline, le Professeur Daniel Gutmann (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), donnera son analyse. Alors entre volontarisme politique, rupture idéologique et impératif de réduction des déficits, les derniers soubresauts de la fiscalité française n’auront plus de secret pour vous.

A peine entré en fonction, le gouvernement s’est attelé à concocter une réforme fiscale et à faire plancher les parlementaires sur le sujet. Ayant pour but de mettre en œuvre une partie du programme développé pendant la campagne, la deuxième loi de finances rectificative (LFR) pour 2012 fut votée le 16 août 2012. Entreprise comme particulier, personne n’échappe au « changement ».

La fiscalité des particuliers

La réforme, quant à ses aspects relatifs aux particuliers, s’est voulue teintée de « justice sociale », thème si souvent revendiqué par François Hollande durant la campagne présidentielle. A ce titre, plusieurs dispositions caractéristiques sont à aborder afin que vous puissiez juger par vous-même du résultat.

La retouche de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune

L’une des mesures phares annoncée durant la campagne était le retour au barème de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) de 2011. Le seuil déclencheur de l’ISF avait précédemment été ramené de 800 000 € à 1,3 millions d’ € pour éviter que les classes moyennes ayant bénéficié de la forte inflation de l’immobilier de la précédente décennie ne se voient taxées de manière disproportionnée. Un barème d’imposition à deux tranches avait été également institué, et était dans la ligne de mire du candidat socialiste. Ce retour promis à l’ancien barème n’était pourtant pas chose si aisée.

Pour les contribuables s’étant déjà acquittés de leur ISF le 15 juin, un simple relèvement du barème ne pouvait pas être envisagé. C’est pourquoi une contribution exceptionnelle sur la fortune, qui n’a vocation à être appliquée que pour l’ISF 2012, a été instaurée. Elle vient compenser la différence existante entre le barème pour 2011 et celui pour 2012, abaissé par la précédente majorité. Le champ d’application ainsi que l’assiette de la contribution sont identiques à ceux de l’ISF 2012. Ainsi, les personnes dont le patrimoine net taxable au 1erjanvier 2012 est supérieur à 1,3 millions d’ € sont assujettis à la contribution, sur la valeur net du patrimoine pris en compte pour l’ISF 2012. Le barème d’imposition appliqué pour la contribution est identique au barème applicable pour 2011 et s’étale donc de 0,55% à 1,8%. L’ISF dû au titre de 2012 est imputable sur la contribution. Le paiement de la contribution devra être acquitté au plus tard le 15 novembre prochain.

Le Conseil Constitutionnel[1], saisi d’une demande d’examen de constitutionnalité de la loi, a validé cette contribution malgré l’absence de dispositif de plafonnement[2]. Toutefois, si le Gouvernement entend revenir au barème de l’ISF à 6 tranches, la mise en place d’un tel dispositif sera exigée. En effet, c’est uniquement parce que la contribution est « exceptionnelle », donc par définition temporaire, que les Sages ont pu tolérer une telle disposition.

L’alourdissement de la fiscalité sur les successions et les donations

Une autre mesure marquante de cette loi de finances rectificative a beaucoup divisé quant à la conception de justice sociale du Gouvernement actuel. En effet, « le durcissement des droits de mutations à titre gratuit »[3] applicable aux donations et successions est bien loin de faire consensus. Cet alourdissement de la fiscalité réside dans plusieurs dispositions.

Tout d’abord, l’abattement applicable sur la part de chacun des enfants dans le cadre de donations ou successions entre parents et enfants est abaissé de 159 325 € à 100 000 € par la réforme.

En outre, la loi dispose que le délai de rappel fiscal est porté de 10 à 15 ans. Ainsi, pour le calcul des droits de mutation applicables, la valeur des biens faisant l’objet de donations ou déclarations de succession ouverte ou consentie à compter de la publication de la loi, sont augmentées de la valeur des biens compris dans les donations déjà consenties par le donateur ou le défunt au même bénéficiaire dans les 15 années précédentes.

Enfin, les montants des abattements, tarifs et seuils ne seront désormais plus actualisés annuellement. En effet, ces montants étaient depuis 2007 actualisés chaque année parallèlement à la première tranche de l’IR.

La suppression de la « TVA sociale »

Considérée comme injuste par l’équipe de campagne socialiste, la TVA « sociale » ou « anti-délocalisation » a concentré de nombreuses critiques. Le relèvement du taux normal de la TVA devait entrer en vigueur le 1er octobre prochain pour permettre la réduction de certaines charges, mais c’était sans compter le basculement de majorité.

En effet, le taux normal de la TVA restera fixé à 19,6% au lieu de passer à 21,2% en octobre prochain, et ce alors même que des appels à renforcer la compétitivité française se font de plus en plus entendre des deux côtés de l’échiquier politique. Cette abrogation rétroagit au 1er janvier 2012.

L’assujettissement des revenus immobiliers des non-résidents aux prélèvements sociaux

Autre mesure notable de cette loi de finances ayant fait l’objet de nombreux commentaires : l’assujettissement des revenus immobiliers des non-résidents aux prélèvements sociaux. Concrètement, cette mesure alourdit le poids de la fiscalité pour les non résidents fiscaux (français ou étrangers non domiciliés fiscalement en France) s’agissant des revenus tirés de leurs biens immobiliers situés en France. Les revenus concernés sont les loyers, et revenus accessoires ainsi que les plus-values de cessions. Ces revenus étaient déjà soumis à l’impôt sur le revenu français avant la réforme, impôt sur le revenu auquel doivent donc dorénavant être ajoutés 15,5% de prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et contribution additionnelle à ce prélèvement). Nombreux sont ceux qui craignent une fiscalité dissuasive pour les non-résidents.

Voir sur ce point l’article de Said Bakir : « Revenus immobiliers des non résidents : aucune bourse n’échappe à l’effort contributif » publié sur notre site internet.

Pour terminer, l’objectif clairement annoncé de démanteler les mesures adoptées lors de la précédente Législature s’est également matérialisé par le biais de retours en arrières passés davantage inaperçus. A titre d’exemple, nous pouvons citer le rétablissement du taux réduit de TVA de 5,5% concernant les opérations portant sur les livres, contre 7% en début d’année. Nous pouvons également évoquer la suppression du droit de timbre annuel de 30 € exigé des bénéficiaires de l’aide médicale d’État. L’aide médicale d’État permet aux étrangers en situation irrégulière, résidant en France depuis plus de 3 mois et disposant de ressources n’excédant pas un certain plafond, de bénéficier de la prise en charge de leurs soins médicaux et d’hospitalisation par l’État. Par ailleurs, d’autres dispositions ont été adoptées pour faciliter l’accès à cette aide médicale d’État.

LPJ : Quels sont pour vous les principaux apports de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ? Sont-ils opportuns et pertinents ? Les mesures vous semblent-elles abouties ?

Professeur Gutmann : La contribution exceptionnelle sur la fortune est une réforme sans lendemain car il résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2012 que l’absence de plafonnement n’est acceptable qu’en raison du caractère exceptionnel de la mesure.

D’autres mesures pérennes sont plus intéressantes, notamment celles qui limitent l’utilisation par les sociétés de leurs déficits reportables ainsi que les règles anti-abus destinées à lutter contre l’utilisation de certaines failles du système fiscal. Ne pas oublier toutefois que dans le cas des déficits, il s’agit le plus souvent d’une codification de la jurisprudence et de la pratique du Bureau des agréments.

La réforme la plus intéressante me paraît être la taxe de 3% sur les distributions de dividendes opérées par les sociétés de capitaux à leurs actionnaires. Il s’agit d’une mesure très innovante dans la mesure où elle impose les distributions, non entre les mains de ceux qui en profitent (les actionnaires), mais entre les mains des sociétés distributrices. C’est une façon politiquement habile et économiquement subtile d’imposer en France les profits des sociétés qui réalisent l’essentiel de leurs activités à l’étranger et sont exonérées d’IS en raison du principe de territorialité. L’imposition est en quelque sorte décalée dans le temps. D’un point de vue budgétaire, le rendement de cette taxe est potentiellement très élevé, surtout si le taux augmente au fil des années. Evidemment, les entreprises ont de sérieuses raisons de redouter que cette taxe ne les pénalise.

La fiscalité des entreprises

La logique qui s’est imposée en matière de fiscalité des particuliers peut se décliner en ce qui concerne les sociétés. Le gouvernement a clairement annoncé la volonté de faire contribuer plus largement les grandes entreprises, dans une optique de répartition des efforts, quitte à risquer de décourager l’entreprenariat et faire fuir les créateurs d’emplois. Le Petit Juriste décrypte les principales réformes et vous donne les clés pour vous faire votre propre opinion sur celles-ci.

La fin d’un symbole : l’exonération des heures supplémentaires

L’exonération des heures supplémentaires « ne s’est pas avérée être pertinente dans un contexte de ralentissement économique (…) », a déclaré Pierre Moscovici au cours des débats parlementaires[4]. Cette loi symbolique de la présidence Sarkozy accordait aux salariés une réduction des cotisations salariales applicables aux heures supplémentaires ainsi qu’une exonération sur ces heures d’impôt sur le revenu. Elle permettait également à l’employeur de déduire un montant forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires réalisées par les salariés.

L’idée était à l’origine, par le biais d’une incitation fiscale, de favoriser le recours aux heures supplémentaires comme moyen d’adaptation de l’entreprise à ses besoins, tout en permettant par la même occasion une augmentation du pouvoir d’achat des salariés. L’approche du sujet par le gouvernement actuel est toute autre. Ce dernier perçoit l’exonération des heures supplémentaires comme un obstacle à l’embauche. La suppression de leur fiscalité avantageuse inciterait l’employeur, en cas de besoin, à recourir à l’embauche plutôt qu’aux heures supplémentaires.

Le législateur est donc revenu sur cette exonération. Désormais, la déduction des cotisations patronales est supprimée pour toutes les entreprises d’au moins vingt salariés. En outre, la réduction des cotisations salariales applicables aux heures supplémentaires est également supprimée dans toutes les entreprises, quelque soit leur effectif. Il en est de même pour l’exonération de l’impôt sur le revenu. Cependant, les heures supplémentaires, même dans les entreprises de plus de vingt salariés, conservent un avantage puisque la majoration de la rémunération de ces heures n’est pas remise en cause par la LFR.

La contribution additionnelle de 3% sur les dividendes distribués

La LFR instaure une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés sur les revenus distribués. Concrètement, les dividendes distribués aux associés d’une société, autre qu’une PME, subiront une imposition supplémentaire, s’élevant à 3% du montant distribué.

L’objectif de cette mesure est de favoriser le réinvestissement des bénéfices dégagés par la société au sein de cette dernière, en pénalisant la distribution de dividendes. Elle doit permettre également de renforcer les capitaux propres des sociétés concernées et partant, de limiter leur recours à l’emprunt considéré comme risqué lorsqu’il devient trop important.

L’augmentation de la taxe sur les transactions financières

Le secteur financier doit également supporter le coût de la crise. C’est dans cette logique que la première taxe sur les transactions financières (TTF) fût adoptée. La loi de finances rectificative de l’été modifie le taux de cette taxe pour le porter à 0,2%, soit le double de ce qu’il était auparavant.

La TTF, initialement instaurée par le gouvernement Fillon, sous l’impulsion de Bruxelles, avait pour but de stabiliser l’économie, en décourageant certaines pratiques à risques telles que le courtage à haute fréquence ou celles portant sur certains instruments financiers.

La réforme d’été porte donc le taux de la taxe sur les transactions financières, qui est exclusivement due par l’acheteur, à 0,2% de la valeur d’acquisition des titres. Cette taxe s’applique à toutes les transactions à titre onéreux portant sur des titres de capital admis aux négociations sur un marché règlementé, français ou étranger, émis par une société, quel que soit le lieu d’établissement de son siège social.

Voir sur ce point l’article de Stéphane Raison : « Taxe sur les transactions financières : entre efficacité fiscale et volontarisme politique » publié sur notre site internet.

Le durcissement du transfert de déficits en cas de restructuration

Le constat établi par le gouvernement est que les grands groupes subissent in fine une imposition moins importante que les PME. L’une des pratiques courantes de ces groupes est de compenser les bénéfices de certaines sociétés avec les déficits de certaines autres sociétés appartenant au groupe. Conscient de cela, le législateur est venu réduire les possibilités de transfert de déficits dans le cadre d’une restructuration.

Auparavant, en cas de fusion ou d’opération assimilée, les déficits antérieurs subis par la société absorbée et non encore déduits pouvaient être reportés dans leur intégralité sur les bénéfices ultérieurs de la société absorbante lorsqu’un agrément était délivré. En vue de l’obtention dudit agrément, certaines conditions devaient être satisfaites. L’opération devait ainsi être placée sous un régime dit « de faveur », être justifiée d’un point de vue économique, avoir des motivations autres que fiscales et l’activité à l’origine des déficits devait être poursuivie pendant au moins trois ans par la société absorbante.

La réforme estivale maintient ces conditions existantes et en ajoute une nouvelle : l’activité à l’origine des déficits ne devra pas avoir subi de changement pendant la période de constatation de ces derniers. Concrètement, au cours d’un exercice fiscal, l’activité de la société ne devra pas être modifiée pour que les déficits constatés à la fin de l’exercice puissent être transférés après l’opération de restructuration. L’objectif de cette réforme est clair : il consiste à éviter qu’une société ne soit transformée en « coquille vide », c’est-à-dire que tous ses actifs ne soient vendus de sorte qu’elle ne puisse plus exercer d’activité et  devienne ainsi déficitaire, et qu’elle ne soit alors absorbée par une société bénéficiaire afin de récupérer les déficits non encore déduits.

Sur ce point, voir l’article de Pierre Denizot : « Transfert du droit au report : la chasse au déficit continue sur notre site internet ».

LPJ : La politique fiscale menée vous paraît-elle en adéquation avec les impératifs économiques actuels ?

Professeur Gutmann : Je ne crois pas que la TTF affecte profondément l’attractivité de la France mais cela pourrait devenir le cas si cette initiative restait isolée en Europe. Les règles sur le report des déficits sont plus rigoureuses mais il y a pire à l’étranger et je serais étonné qu’elles aient une incidence sur le choix de la France comme pays d’implantation de sociétés étrangères ayant une activité créatrice d’emplois sur notre territoire. La contribution additionnelle à l’IS est davantage problématique car elle est de nature à dissuader les groupes étrangers à installer en France des holdings de participations françaises et étrangères.

L’alourdissement de la fiscalité des rémunérations des dirigeants

La nouvelle loi de finances rectificative pour 2012 vient modifier la fiscalité établie sur les stock-options ainsi que sur les attributions gratuites d’actions. Ces derniers étaient auparavant soumis à des taux préférentiels de cotisations patronales et salariales, s’élevant respectivement à 14% et 8%. En outre, la loi prévoyait des taux d’avantage minimisés sous certaines conditions.

La réforme vient rehausser le taux des cotisations patronales et salariales en la matière. Ces derniers s’élèvent à présent à 30% s’agissant des cotisations patronales et 10% s’agissant des cotisations salariales.

Les mesures repoussées

Vous l’aurez compris, fiscalement, le « changement » n’est pas pour maintenant mais pour 2013. Les modifications actées cet été n’étaient, en définitive, qu’un prélude. Il convient de s’intéresser aux principales mesures à venir pour 2013. Nous avons demandé au Professeur Gutmann qu’il faut attendre de cette réforme.

L’avis du Professeur Gutmann : Une augmentation de la CSG et un élargissement de son champ constitueraient une réforme profonde de la fiscalité. On peut également supposer que d’autres mesures seront adoptées pour élargir l’assiette de l’IS. Les plus redoutées par les entreprises concernent les restrictions supplémentaires que pourrait apporter le législateur à la déduction des intérêts d’emprunt. Du côté de l’ISF, pas grand-chose de substantiel à attendre : la pérennisation d’un barème progressif au taux marginal de 1,8% paraît mise en péril par la décision du Conseil constitutionnel du mois d’août, à moins que ne soit rétabli un système de plafonnement dont les modalités devraient éviter, pour d’évidentes raisons politiques, de ressembler par trop au défunt bouclier fiscal. Des réformes plus ambitieuses (dont on peut douter de l’avènement) consisteraient à fusionner IR et CSG (sans que le nouvel impôt ne comporte toutes les niches de l’IR), l’abolition pure et simple d’un certain nombre de niches ou encore l’augmentation de la fiscalité énergétique. Une réflexion de fond sur l’avenir de la TVA est également indispensable : compte tenu du potentiel de recettes budgétaires de cet impôt, un bilan rationnel des avantages et des inconvénients d’une augmentation de son taux et de son assiette doit être fait sans crainte des tabous qui empêchent une saine évaluation de la politique fiscale.

Depuis que nous avons interrogé le Professeur Gutmann, le projet de loi de finances a été présenté par le gouvernement en conseil des ministres. Les priorités avancées lors de la campagne présidentielles sont connues de tous : « taxe à 75% », alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, alourdissement de l’ISF et des impôts des grandes entreprises. La révélation du projet n’aurait donc pas dû surprendre. Mais les contraintes économiques et juridiques ont quelque peu forcé le gouvernement à revoir sa copie.

Classes moyennes et aisées mises au service du « redressement »

Comme prévu, la « taxe à 75% » figure au projet du gouvernement. Sa présence est une question de crédibilité pour l’exécutif. Elle doit prendre la forme d’une surtaxe qui ne doit exister que deux ans. Cependant, celle-ci est assez largement vidée de sa substance. Seuls les revenus du travail, au-delà d’un million d’euros, seront concernés, contrairement aux revenus du capital qui seront exonérés.

Une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu (IR) à 45% doit être créée pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part. Le barème de l’IR, quant à lui, ne sera plus indexé sur l’inflation pour les revenus de 2012. Cette non-indexation équivaut à une hausse générale d’environ 2% de l’impôt, même si un système de décote est prévu pour les moins aisés.

Par ailleurs, les revenus du capital doivent être intégrés au barème de l’IR. Le Prélèvement forfaitaire libératoire sera supprimé. Plus-values mobilières, dividendes, intérêts, stock-options seront soumis à la progressivité de l’impôt.

La révolte des pigeons

Le soir de la révélation du projet de loi de finances pour 2013 par le gouvernement, des entrepreneurs exaspérés, et tout particulièrement des créateurs de start-up, décident de dénoncer l’acharnement fiscal dont ils considèrent être l’objet. « Les pigeons, mouvement de défense des entrepreneurs français » venait de voir le jour.

L’alignement de la fiscalité du capital sur la fiscalité du travail est la cible principale de la revendication. Les plus-values après la vente d’actions, aujourd’hui taxées à 19%, devraient l’être au barème progressif de l’IR après adoption du budget. Avec la nouvelle tranche d’imposition à 45% et les 15,5% de prélèvements sociaux, on dépasserait les 60%. Il est difficile d’imaginer que des entrepreneurs ou des investisseurs puissent accepter de se risquer à investir dans des PME alors même que 60% de la valeur créée reviendra à l’Etat lors de la revente de l’entreprise. Les financements, tellement nécessaires aux entreprises en croissance et créatrices d’emplois, risquent d’être drainés ailleurs. In fine, le risque est que l’emploi et la croissance se trouvent lourdement pénalisés. Du coté de Bercy, on prétend cependant que ces calculs sont faux et qu’il faut prendre en compte d’autres données.

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Relayé par des personnalités importantes, ce mouvement a été un succès immédiat. Les médias français, et même certains médias étrangers, se font l’écho de la mobilisation des « pigeons ». Moins d’une semaine après la création du mouvement, le Gouvernement acceptait de procéder à des aménagements de son projet et d’aménagement la taxation des plus-values de cession d’entreprise.

A l’heure où nous mettons sous pli ce dix-huitième numéro, nous ne connaissons pas les arbitrages définitifs sur le projet de loi de finances. Le gouvernement maintient l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur les revenus du travail. Cependant, il a été annoncé la mise en place d’un régime spécifique pour les plus-values réalisées par les entrepreneurs qui cèdent leurs entreprises après une certaine durée de détention courte. Il s’agirait d’une imposition forfaitaire de 19% avec les 15,5% de cotisations sociales. D’autres concessions doivent aussi être accordées, par exemple en ce qui concerne l’exonération proportionnelle de la plus-value réinvestie dans une autre entreprise,  mais ces dispositions restent encore vagues.

Si la LFR pour 2012 a partiellement remodelé l’ISF, le retour en arrière est quasi-total avec le projet de loi de finances pour 2013. Le barème qui prévalait avant la réforme Sarkozy de 2001 s’appliquera à nouveau : les taux d’imposition s’échelonneront de 0,55% à 1,8%. Le seuil d’entrée à l’ISF restera fixé à 1,3 million d’euros de patrimoine cependant. Pour que cet alourdissement ne soit pas jugé confiscatoire par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement va introduire un plafond, au risque de faire renaître le spectre du bouclier fiscal.

La politique familiale sera également impactée, le plafond du quotient familial devrait être abaissé. Les niches fiscales seront touchées, un contribuable ne pourra plus réduire son IR au-delà de 10 000 euros par ans par le jeu de celles-ci, sauf exceptions. En matière d’investissement locatif, le « Duflot » remplacera le « Scellier », les conditions étant plus strictes mais la réduction d’impôt plus intéressante.

La mise à contribution des entreprises

Les entreprises payeront également l’addition. Les intérêts d’emprunt, totalement déductibles actuellement, ne le seront plus qu’à 85% pendant deux ans puis à 75%. Grâce à un dispositif spécifique, les PME échapperont à cette mesure synonyme de hausse de l’IS.

D’autres mesures toucheront surtout les grands groupes. Par exemple, la niche Copé, qui permet d’exonérer à 90% les plus-values des entreprises qui cèdent des titres de participation à d’autres sociétés, sera rognée. L’acompte de l’IS, qui est requis dès lors qu’une entreprise est soumise à l’impôt au-delà d’une certaine somme, sera relevé. Cependant, la modulation de l’IS a été repoussée à plus tard.

Les bouleversements sont donc bien actés, et la pléthore de nouveaux prélèvements est au rendez-vous. Le projet de loi doit maintenant suivre le chemin parlementaire. Il ne nous reste plus qu’à nous retrouver en décembre 2012, lors du vote de la loi, pour constater si les réformes envisagées seront bien prises et pour les détailler.

Julien KOCH, Lucile MARAIS, et Enguerrand MALOISEL

Avec la participation de Julien NOUCHI et Katia MEDJANI


[1]Décision du Conseil Constitutionnel n°2012-654 du 9 août 2012

[2]Le plafonnement « Rocard » qui limitait le total formé par l’IR et l’ISF à 85% des revenus du contribuable a été supprimé l’an dernier.

[3]Feuillets Rapides Francis Lefebvre 35/12 n°1 p 6

[4]Assemblée nationale – XIVe législature, Session extraordinaire de 2011-2012, Première séance du lundi 16 juillet 2012

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