Droit des assurances : confirmation de l’exigence de bonne foi de l’assuré pour l’exercice de son droit à renonciation

Depuis la loi du 30 décembre 2014, la sanction de la prorogation du droit à renonciation de l’assuré est désormais soumise à la bonne foi de ce dernier. Alors que la Cour de Cassation, par un revirement de jurisprudence opéré le 19 mai 2016, exige désormais cette bonne foi même pour les faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, l’occasion s’est présentée pour elle de confirmer ou infirmer sa nouvelle position. Elle a fait le choix de la confirmation.

Par deux décisions du 27 avril 2017, la Cour de Cassation a refusé de soumettre sa jurisprudence du 19 mai 2016 sur l’abus de l’exercice du droit à renonciation au Conseil Constitutionnel, confirmant ainsi l’exigence de bonne foi de l’assuré pour l’exercice de son droit à renonciation. 1

En l’espèce, un particulier avait souscrit deux contrats d’assurance-vie en unités de compte. Quinze ans plus tard, il se prévaut du manquement de l’assureur à son obligation précontractuelle d’information et exerce la faculté prorogée de renonciation de trente jours que lui offre l’article L.132-5-1 du code des assurances lorsque l’assureur ne remet pas les documents et informations prévus par la loi, permettant en principe d’obtenir la restitution des sommes initialement versées. Devant le refus de l’assureur de verser ces sommes, l’assuré l’assigne en justice et pose une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour d’appel de Paris qui la transmet à la Cour de Cassation.

La question se présentait ainsi : l’article L132-5-1 dans sa rédaction issue de la loi du 24 janvier 1994 et l’article 132-5-2 dans sa rédaction issue de la loi du 15 décembre 2005 du Code des assurances et tels qu’interprétés par la jurisprudence de la Cour de Cassation (depuis le revirement du 19 mai 2016) sont-ils conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier au principe d’intelligibilité de la loi, au principe de la liberté contractuelle et du droit au maintien des conventions et contrats légalement conclus ?

La Cour de Cassation rejette la question. Selon elle, la jurisprudence du 19 mai 2016 à laquelle se réfère la question, qui conduit à priver d’efficacité une renonciation déjà effectuée lorsqu’il est établi que l’exercice de cette prérogative a été détourné de sa finalité, mais qui préserve les effets de cette renonciation lorsqu’elle est exercée conformément à sa finalité par un souscripteur qui, insuffisamment informé, n’a pas été en mesure d’apprécier la portée de son engagement, ne porte pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Pour rappel, la deuxième chambre civile avait opéré un revirement de jurisprudence le 19 mai 2016 en décidant que si la faculté de renonciation prorogée en cas de non-respect par l’assureur du formalisme informatif revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurances, son exercice peut néanmoins dégénérer en abus, de sorte que la jurisprudence n’opérant pas de distinction entre la bonne ou mauvaise foi de l’assuré ne saurait être maintenue. Il appartient aux juges du fond de vérifier que l’assuré exerce cette faculté conformément à sa finalité et qu’il est donc de bonne foi.

Dans cette affaire, un directeur financier avait souscrit un contrat d’assurance-vie en unités de compte et avait exercé deux ans plus tard la faculté prorogée de renonciation (qui faisait suite à la faillite de Lehman Brothers et une importante perte de son capital d’assurance vie) puisqu’il existait une légère différence entre l’encadré devant figurer dans le contrat prévu par la loi et l’arrêté régissant cet encadré. Si la cour d’appel a accepté la faculté de renonciation, la Cour de Cassation l’a rejetée, en exigeant la bonne foi de l’assuré et un exercice de la faculté de renonciation prorogée conforme à sa finalité.

Ce revirement de jurisprudence s’est opéré dans le but de protéger l’assureur contre un assuré de mauvaise foi qui, suite à des fluctuations du marché boursier et une baisse de son capital, exercerait cette faculté de renonciation prorogée afin d’obtenir l’intégralité des sommes initialement versées et ainsi se couvrir de l’aléa. En adoptant ce parti, la Cour de Cassation n’a fait que s’aligner sur la loi du 30 décembre 2014 qui avait modifié l’article L132-5-2 du Code des assurances afin que la sanction de la prorogation soit désormais dépendante de la bonne foi de l’assuré.

Ici, le rejet de la QPC s’inscrit pleinement dans la continuité de l’arrêt du 19 mai 2016 et confirme la position de la Cour de Cassation quant à l’exigence de bonne foi de l’assuré exerçant sa faculté de renonciation prorogée, exigence qui ne contrevient pas aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Il est à noter que cet arrêt reçoit la plus grande publicité, puisqu’il sera publié non seulement au Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation, mais également au rapport annuel de la Cour.

Rosa YILIGIN

1 : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/qpc_3396/687_27_36647.html

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