Quand le droit souple franchit les portes étroites du prétoire : une nouvelle étape dans la « dilution des frontières du droit »* ?

      Par deux décisions, en date du 21 mars 2016[1], le Conseil d’État s’est estimé compétent pour connaître de recours en annulation formés contre des actes de droit souple, tels que des communiqués de presse ou des prises de positions d’autorités publiques. Si ces décisions s’inscrivent dans la continuité de la voie ouverte par le Conseil d’État depuis son étude annuelle de 2013 sur le droit souple[2], pour autant, elles marquent une profonde évolution substantielle du droit administratif.

  • Les origines de la soft law

      Avant d’imprégner différents domaines du Droit, le droit souple ou soft law, est d’abord apparu dans le domaine des relations internationales dans les années 1930. Les caractéristiques même du droit international en font une matière particulièrement adaptée à l’émergence du droit souple.

En effet, il est difficile d’adopter des dispositions contraignantes à l’échelle internationale, les États étant souvent réticents à s’engager. Ce faisant, avant de signer des traités ou conventions, ceux-ci vont dans un premier temps conclure des actes concertés non conventionnels qui ne vont pas créer d’obligations juridiques pour les États, mais qui constitueront simplement une invitation à agir dans un sens déterminé. Le droit souple joue alors un rôle de régulation des relations internationales.

  • De l’émergence du droit souple en droit interne à sa consécration par le Conseil d’État

         Les manifestations du droit souple n’ont par la suite cessé de se multiplier, conférant à ce phénomène une ampleur croissante. Il se manifeste désormais dans tous les ordres juridiques et dans presque toutes les branches du droit, et ce, à travers des instruments très divers : déclarations, recommandations, directives, avis, chartes, codes de conduite, etc.

En France, le droit souple a progressivement émergé en lien avec le développement des autorités administratives indépendantes (AAI). Celles-ci, dans le cadre de leur fonction de régulation, utilisent largement le droit souple sous forme de recommandations ou de lignes directrices. Par exemple, les autorités de marché, disposant d’un pouvoir de recommandation, vont pouvoir informer les acteurs du secteur concerné, sans pour autant créer d’obligation nouvelle. Malgré leur absence de caractère obligatoire, ces recommandations et instructions seront prises en considération par leurs destinataires du fait de l’autorité morale des autorités en cause, mais également car elles pourront être prises en compte lors de l’exercice de leur pouvoir de sanction par les AAI.

Pendant un temps, le Conseil d’État s’est montré assez prudent quant à la question du droit souple, qualifiant successivement ces normes de « droit mou » ou encore de « droit à l’état gazeux » [3]. Il s’inquiétait de voir des dispositions sans force normative être intégrées dans le droit dur. Or, aujourd’hui celui-ci a opéré un infléchissement et adopte une attitude de plus en plus favorable à l’égard du droit souple, admettant aujourd’hui que les recommandations, chartes, guides de bonne conduite, et autres textes, répondent à une fonction différente de celle des textes impératifs.

Dans son étude annuelle de 2013, le Conseil d’État s’attache à préciser les contours de cette notion en la définissant, et en précisant les conditions de « son utilité, de son efficacité et de sa légitimité »[4]. Ainsi, il définit le droit souple comme un ensemble d’instruments divers mais qui, tous, vérifient trois critères cumulatifs. Ce sont des instruments qui, comme le droit dur, « ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ». Mais, à la différence du droit dur, ces instruments de droit souple n’ont pas de force contraignante, « ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ». Enfin, ce qui distingue les instruments de droit souple du non-droit, est qu’« ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration ».

Le Conseil d’État reconnait ici plusieurs fonctions distinctes au droit souple. Tout d’abord, le droit souple a vocation à « se substituer au droit dur lorsque le recours à celui-ci n’est pas envisageable » et à « accompagner la mise en œuvre du droit dur ». Ensuite, le droit souple a une fonction d’ « accompagnement de la mise en œuvre du droit dur ». Il est enfin une « alternative pérenne au droit dur ».[5]

 

I- La recevabilité contentieuse des actes de droit souple : une reconnaissance progressive

 

       La reconnaissance du droit souple par le juge administratif est récente, mais ce dernier a néanmoins depuis longtemps accepté de contrôler la légalité de certaines formes originales de l’intervention publique. C’est le cas notamment des directives ou autres lignes directrices. Ces instruments permettent aux administrations, disposant d’un pouvoir d’appréciation, de définir les orientations générales suivant lesquelles ce pouvoir sera exercé (jurisprudence Crédit foncier de France).[6] Ces instruments entendent fixer une ligne générale de conduite aux agents, mais ne sont pas contraignants.

Progressivement se dessine, ainsi, une jurisprudence tendant à l’appréhension du droit souple par le juge administratif. En principe, pour qu’un acte soit considéré comme faisant grief, il faut qu’il crée des droits et obligations. Pour autant, il s’agit pour le juge administratif de reconnaître que, dans certaines hypothèses, des actes de droit souple soient considérés comme faisant grief au regard de leur formulation impérative ou de leurs effets.

Aussi, l’observation de la jurisprudence montre que le juge va être amené à contrôler le droit souple, ou encore à le prendre en compte dans son raisonnement juridique. La jurisprudence antérieure du Conseil d’État va dans ce sens : il a pu considérer qu’une recommandation de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé (HAS) pouvait être prise en compte pour apprécier l’obligation déontologique du médecin (affaire Formindep).[7]

Les deux affaires jugées par l’assemblée du contentieux, le 21 mars 2016, illustrent, à ce titre, l’importance du droit souple dans les nouveaux modes d’action des personnes publiques, et soulignent sa prise en compte progressive par le juge administratif.

La première affaire concernait des communiqués de presse diffusés par l’Autorité des marchés financiers sur son site internet, et mettant en garde les investisseurs contre des produits de placement immobiliers commercialisés par une société allemande. La société en question avait alors, par courrier adressé à l’Autorité des marchés financiers, demandé l’indemnisation du préjudice qu’elle estimait avoir subi suite à la publication de ces communiqués, et demandait la publication d’un communiqué rectificatif. L’Autorité des marchés financiers a refusé de faire droit à cette demande. La société, ainsi mise en cause, avait alors attaqué ces communiqués devant le Conseil d’État.

La seconde affaire était relative à une décision par laquelle l’Autorité de la concurrence avait autorisé le rachat de TPS et de Canal Satellite par Vivendi et le Groupe Canal Plus sous certaines conditions. L’une de ces conditions, dite « injonction 5 (a) », posait des difficultés d’application du fait du rachat de SFR par Numéricable. Le Groupe Canal avait alors interrogé l’Autorité de la concurrence sur la portée de cette dernière. L’Autorité de la concurrence a estimé que l’une des obligations en résultant était devenue sans objet. La société NC Numéricable avait alors demandé l’annulation de cette prise de position par l’Autorité de la concurrence.

La décision rendue ici par le Conseil d’État marque une avancée par rapport à la position traditionnelle du juge administratif. En effet, ces instruments de droit souple n’étaient habituellement pas susceptibles d’un tel recours en raison de leur absence de caractère décisoire. Néanmoins, l’ampleur croissante prise par le droit souple appelait l’intervention du juge administratif pour en préciser les contours. Les incertitudes inhérentes au droit souple étaient facteur d’une grande insécurité juridique.

Dans ces deux affaires, le Conseil d’État retient deux hypothèses :

  • Si l’acte en cause contient des dispositions générales et impératives, ou énonce des prescriptions individuelles dont son auteur pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance, il constitue alors une décision susceptible d’être portée devant le juge administratif. Sur ce point, le Conseil d’État reprend le principe déjà posé dans un arrêt du 11 octobre 2012, Société Casino, selon lequel « les prises de position et recommandations qu’elle formule à cette occasion ne constituent pas des décisions faisant grief ; qu’il en irait toutefois différemment si elles revêtaient le caractère de dispositions générales et impératives ou de prescriptions individuelles dont l’Autorité pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance »[8].
  • Toutefois, le Conseil d’État va plus loin et adopte désormais une conception plus large. Ainsi, si l’acte est de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou s’il a pour objet d’influencer de manière significative les comportements des personnes auxquelles il s’adresse, il peut alors également faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

 

II- La recevabilité contentieuse des actes de droit souple : un recours circonscrit et limité

 

L’ouverture du recours pour excès de pouvoir n’est toutefois pas sans limites.

A) Caractéristiques de l’acte

  1. Les actes de droit souple des « autorités de régulation »

Tout d’abord, le juge cantonne sa solution aux « avis, recommandations, mises en garde et prises de positions adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies ». Le Conseil d’État limite ainsi l’accès au prétoire aux actes des seules « autorités de régulation ». Les actes de droit souple des autorités de régulation peuvent s’avérer tout aussi efficaces qu’un véritable acte juridique contraignant, telle qu’une sanction. Il convient donc de garantir un recours effectif au juge contre de tels actes et d’en préciser les critères.

  1. Des requérants justifiant d’un intérêt direct et certain à l’annulation de l’acte

      Ensuite, les actes de droit souple ne seront susceptibles de recours que par des requérants justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation. Pour apprécier l’intérêt à agir, le Conseil d’État regarde si ces dispositions sont de nature à « produire des effets notables, notamment de nature économique » sur la situation du requérant ou s’ils sont susceptibles de modifier des comportements « de manière significative ».

Dans la première affaire rapportée, la publication par l’Autorité des marchés financiers de ces communiqués a eu pour conséquence une diminution brutale des souscriptions des produits de placement que la société allemande commercialisait en France. Dans la seconde affaire, la prise de position adoptée par l’Autorité de la concurrence a eu pour effet de permettre au groupe Canal Plus de concurrencer la société NC Numéricable sur sa plateforme. Dans les deux cas, le Conseil d’État admet donc la recevabilité des recours.

B) Le contrôle du juge

     Par ailleurs, le Conseil d’État apporte quelques précisions sur le contrôle opéré par le juge sur les actes de droit souple. En effet, si le droit souple est désormais susceptible de relever du contrôle opéré par le juge administratif, encore faut-il déterminer les modalités de ce contrôle.

Il apparaît, tout d’abord, que le juge porte une attention particulière au respect des règles de compétence et de procédure. Ainsi, dans l’affaire Société NC Numéricable, le juge contrôle que les droits de la société Numéricable ont bien été respectés dans la procédure suivie par l’Autorité de la concurrence, pour édicter sa prise de position.

Cette question avait déjà été soulevée par le Conseil d’État dans son étude annuelle de 2013 sur le droit souple : il était alors précisé que le droit souple présente des risques réels quant à la légitimité et la sécurité juridique. Le droit souple peut en effet voir sa légitimité compromise par l’insécurité juridique qu’il génère. L’insécurité juridique nait principalement de l’incertitude sur la portée des instruments, ses destinataires ne sachant pas s’il s’agit de droit dur créant des droits et des obligations ou de droit souple. Pour répondre à cette problématique, le Conseil d’État expliquait qu’il convenait d’abord de « veiller à ce que les auteurs du droit souple ne sortent pas de leur domaine de compétence ». La légitimité dépend ensuite des conditions d’élaboration qui doivent « respecter des exigences de transparence et d’implication des parties prenantes ».[9]

Ensuite, le contrôle exercé par le juge administratif sur les actes de droit souple est avant tout un contrôle de légalité. Le Conseil d’État précise, à cet égard, que le juge devra « examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation ». Le juge administratif contrôle donc l’appréciation portée par l’autorité avec une intensité variable selon les actes en cause. Concernant la publication par l’AMF d’un communiqué mettant en garde les investisseurs contre certains produits de placement, le juge de l’excès de pouvoir exerce ainsi un contrôle restreint.

En pratique, on peut penser qu’un instrument de droit souple qui ne produirait pas ou peu d’effets, ne sera pas considéré comme faisant grief, et donc comme étant susceptible de recours. Au contraire, un instrument de droit souple qui produirait des effets considérables sur les personnes visées, soulèvera immédiatement la question de sa légalité. En effet, les actes les plus contraignants, eu égard aux droits et obligations qu’ils créent, et aux effets qu’ils produisent, relèvent en principe du domaine du droit dur. Il s’agit donc pour le juge de déterminer les limites contentieuses du droit souple : lorsqu’un instrument de droit souple intervient dans le domaine du droit dur, est-il dès lors illégal ?

C) Détermination du type de recours en cause

  1. Le choix du recours pour excès de pouvoir : une inadéquation avec le type d’acte en cause

         La recevabilité contentieuse des actes de droit souple pose également la question des pouvoirs du juge et de son office. À cet égard, le Conseil d’État précise que le type de contentieux en cause est le recours pour excès de pouvoir, et non pas un recours de plein contentieux.

Le recours pour excès de pouvoir est un « recours par lequel le requérant demande au juge de contrôler la légalité d’une décision administrative et d’en prononcer l’annulation s’il y a lieu »[10]. Pour le recours de plein contentieux, au contraire, le juge dispose de larges pouvoirs, lui permettant notamment de réformer l’acte ou de lui en substituer un nouveau. La question du type de contentieux en cause est donc essentielle car les pouvoirs du juge et son office ne sont pas les mêmes selon le cas.

En ce sens, le choix du recours pour excès de pouvoir est donc approprié car « il aurait été difficile d’admettre que le juge, saisi de recours contre des actes de droit souple, disposerait de pouvoirs dépassant la seule annulation ». Toutefois, « le rattachement au contentieux de l’excès de pouvoir semble lui aussi imparfait car débouchant, en cas de succès du recours, sur l’annulation de l’acte contesté, il conduira ainsi à annuler des actes qui n’ont rien décidé ».[11]

Le Conseil d’État précise, par ailleurs, que le juge pourra, « si des conclusions lui sont présentées à cette fin, faire usage des pouvoirs d’injonction qu’il tient du titre 1er du livre IX du Code de justice administrative ». Il s’agira, par exemple, pour le juge d’enjoindre l’auteur de l’acte en cause à diffuser, par le même intermédiaire que l’acte annulé, un communiqué relatif à l’annulation de ce dernier. En pratique, l’effectivité et l’efficacité de cette mesure sont limitées : les milieux concernés garderont bien souvent en mémoire l’acte d’origine pris par l’autorité en cause.

  1. La subjectivisation du recours pour excès de pouvoir opérée

         Le juge administratif tend de plus en plus à opérer un rapprochement entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de plein contentieux. Il s’attache en particulier à modifier les conditions d’exercice et les effets du recours pour excès de pouvoir. Se dessine ainsi dans le contentieux administratif une forme de subjectivisation du recours pour excès de pouvoir.

Les deux décisions du Conseil d’État du 21 mars 2016 procèdent de ce mouvement de subjectivisation des conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir concernant les actes de droit souple. Dès lors, le recours pour excès de pouvoir n’est plus seulement envisagé comme un recours objectif visant, à titre principal, à l’annulation d’un acte en vertu du respect de la hiérarchie des normes, mais il doit également être envisagé de manière plus concrète. Il s’agit de prendre en compte les incidences de l’annulation de l’acte et d’apprécier les intérêts respectifs des parties.

Ce mouvement de subjectivisation s’est particulièrement développé parallèlement à l’importance croissante du droit public économique. Comme l’a souligné Marie-Anne Frison-Roche, « [la] principale raison en est que le droit économique donne la primauté aux buts recherchés par la loi par rapport à la teneur technique de la règle »[12]. C’est donc bien le résultat obtenu par la décision qui est au cœur de l’analyse du juge administratif, et non exclusivement « la conformité à la loi ou le suivi d’un syllogisme juridictionnel ».

Le juge administratif a alors dû s’adapter dans les années 1990 face à l’extension de sa compétence en matière de droit public économique, et particulièrement en matière de concurrence[13]. Sa compétence s’est progressivement étendue aux comportements anticoncurrentiels comme le démontre l’arrêt Société The Coca-Cola Compagny rendu le 9 avril 1999[14]. Le développement du droit souple n’est pas étranger au droit de la concurrence, en témoigne le fait que les AAI ont été principalement créées en vue de réguler la concurrence de manière globale (Autorité de la concurrence) ou de manière sectorielle (ARCEP, AMF, CRE).

Ainsi, en matière de droit souple, le juge devra déterminer dans quelle mesure l’acte peut influencer le comportement de ses destinataires. Les arrêts du 21 mars 2016 précisent que les actes de droit souple ne peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir que s’ils ont « pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent », ce qui caractérise bien la prise en compte de la situation des individus par le juge administratif dans l’appréciation de la recevabilité des recours pour excès de pouvoir.

La question de l’influence de l’acte sur le comportement de ses destinataires est particulièrement sensible concernant les actes de droit souple. Si la doctrine s’accorde pour définir le droit souple, par opposition au droit dur, comme un droit qui ne contraint pas, en revanche en pratique, la distinction est moins nette, et les destinataires de tels actes peuvent ne pas savoir s’il s’agit d’un droit contraignant créant des droits et des obligations ou non.

On constate ainsi une réelle adaptation du recours pour excès de pouvoir aux nouveaux modes d’action de l’administration.

 

         Finalement, la question posée au Conseil d’État était celle de savoir si les actes attaqués, en l’espèce, étaient, ou non, des actes faisant grief et qui, dès lors, étaient susceptibles d’être contestés devant le juge administratif. Le Conseil d’État répond positivement à cette question. 

Dans la première affaire, le Conseil d’État considère que l’autorité des marchés financiers était bien compétente, dans sa mission de régulation, pour adresser, via des communiqués de presse, de telles mises en garde aux épargnants ou investisseurs. Il rejette ainsi le recours de la société.

Dans la seconde affaire, le Conseil d’État juge que l’Autorité de la concurrence était compétente pour prendre une telle prise de positions, et ce, afin de veiller à la bonne exécution de ses décisions. Il a donc rejeté le recours de la société Numéricable.

Si, dans ces deux affaires, les recours déposés sont recevables, ils sont néanmoins, dans les deux cas, rejetés sur le fond. On peut voir ici la prudence habituelle du juge administratif quand il procède à un revirement de jurisprudence. Néanmoins, on peut aussi penser que les recours formés contre de tels actes soient, à l’image de ces deux décisions, souvent inefficaces.

Plus largement, on notera que l’ambition du Conseil d’État est de développer le recours au droit souple dans un but de simplification des normes et de qualité du Droit. Dans cette optique, le droit souple peut contribuer à lutter contre l’inflation normative.

Si le droit souple est parfois considéré comme un « symptôme de la dégradation de la norme »[15], le Conseil d’État entend bien prouver l’inverse en démontrant qu’il peut à terme permettre un renouvellement des modes d’action des personnes publiques. Aussi peut-on y voir un symptôme de l’évolution du Droit, marquée par son extension au-delà de la simple contrainte. Enfin, le droit souple apparaît comme un facteur d’harmonisation des droits et des règles de conduite, permettant une plus grande cohérence du Droit.

 

 

Marie-Enora MARTIN

 

 

Pour en savoir + 

  • Conseil d’État, Étude annuelle 2013, « Le droit souple », La Documentation française, 2013.
  • Conseil d’État, Étude annuelle 1991, « De la sécurité juridique », La Documentation française, 1991.
  • Bertrand Seiller, « Le contrôle du juge administratif sur les actes composant le droit souple » et « La recevabilité des recours contre les actes composant le droit souple », Gazette du Palais,n°22, 14 juin 2016.
  • Didier Girard, « Le recours pour excès de pouvoir confronté au « droit souple » : il plie mais ne rompt pas ! », Revue Générale du droit, 6 juin 2016.
  • Pascale Deumier, « Quand le droit souple rencontre le juge dur », RTD Civ. 2016, p. 571.

*Pascale Deumier, « Quand le droit souple rencontre le juge dur », RTD Civ. 2016, p. 571.

[1] CE, n°368082, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres. CE, n°390023, 21 mars 2016, Société NC Numéricable.

[2] Conseil d’État, Étude annuelle 2013, « Le droit souple », La Documentation française, 2013.

[3] Conseil d’État, Étude annuelle 1991, « De la sécurité juridique », La documentation française, 1991.

[4] Conseil d’État, Étude annuelle 2013, « Le droit souple », La Documentation française, 2013.

[5] Conseil d’État, Étude annuelle 2013, « Le droit souple », La Documentation française, 2013.

[6]  CE, n°78880, 11 décembre 1970, Crédit foncier de France .

[7]  CE, n°334396, 27 avril 2011, Formindep .

[8] CE, n°357193, 11 octobre 2012, Société Casino. Réitéré dans l’arrêt : CE, n° 360100, 17 juillet 2013, Comité des constructeurs français d’automobiles.

[9] Conseil d’État, Étude annuelle 2013, « Le droit souple », La Documentation française, 2013.

[10]  Vie-publique.fr ¦ Les quatre types de contentieux administratif.

[11] Bertrand Seiller, « Le contrôle du juge administratif sur les actes composant le droit souple », Gazette du Palais, n°22, 14 juin 2016.

[12] Marie-Anne Frison-Roche, « Brèves observations comparatives sur la considération des situations économiques dans la jurisprudence administrative », Revue internationale de droit économique, 4/2001 (t. XV, 4), p. 395-412.

[13] CE, n°169907, 3 novembre 1997, Million et Marais.

[14] CE, Section, n°201853, 9 avril 1999, Société The Coca-Cola Compagny.

[15]  Conseil d’État, Étude annuelle 1991, « De la sécurité juridique », La Documentation française, 1991.

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