Finance islamique en France : retour sur une problématique d'intégration

 

 


 

Par une décision du 14 octobre 2009, le Conseil constitutionnel censure des dispositions en faveur de la finance islamique, insérées dans le texte de la proposition de loi tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME). Retour sur les tenants et aboutissants de cette décision.

 

 


 

 

 

En plus d’être susceptible d’offrir une alternative éthique et morale à notre système financier, la finance islamique peut constituer un moteur pour notre économie, en attirant les capitaux des pays du Golfe. La finance islamique a dès lors fait une entrée progressive dans le paysage juridique français au cours des derniers mois.

 

 

Des initiatives1 précisant le régime fiscal applicable auxdites opérations de finance islamique ont été mises en place mais elles se révélaient insuffisantes à permettre l’émission de sukuk.
Les sukuk sont des titres qui sont émis pour une valeur identique et qui confèrent à leurs porteurs un droit de propriété indivis sur un actif ou un groupement d’actifs.
Dans la pratique internationale, l’émission d’un sukuk s’appuie souvent sur le trust, de droit anglo-américain, qui implique une dualité de la propriété (le trustee a la legal ownership, et le bénéficiaire du trust l’equitable ownership). Cette dualité de propriété permet de se conformer aux exigences de la finance islamique selon lesquelles le porteur de sukuk doit être titulaire d’un véritable droit de propriété sur les actifs sous-jacents.
C’est pourquoi les regards se sont tournés vers la fiducie considérée comme le véhicule juridique équivalent au trust, en droit français.
La fiducie est définie à l’article 2011 du Code civil comme l’opération par laquelle le constituant transfère des actifs à un ou des fiduciaires qui, «les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires».

 

 

Dans l’optique de se conformer aux exigences de la finance islamique, l’article 16 de ladite proposition de loi complétait l’article 2011 du Code civil en précisant que « le fiduciaire exerce la propriété fiduciaire des actifs figurant dans le patrimoine fiduciaire, au profit du ou des bénéficiaires, selon les stipulations du contrat de fiducie. »
Le fiduciaire serait ainsi titulaire de la propriété juridique des biens tandis que le bénéficiaire jouirait de la propriété économique des mêmes biens.

Une disposition censurée sur la forme et non sur le fond

Par une décision en date du 14 octobre 2009, le Conseil constitutionnel censure l’article 16 au motif que ses dispositions « ne présentent aucun lien, même indirect, avec celles qui figurent dans la proposition de loi ». 

 

Aussi ces dispositions – qualifiées de « cavaliers législatifs » – sont-t-elles contestées non pas sur le fond mais en raison de la procédure législative suivie.

 

Nonobstant ces quelques contrariétés, face à une demande importante2, la volonté politique de développer la finance islamique en France reste toujours aussi forte : le 3 novembre 2009, Madame la ministre Christine Lagarde a annoncé que ce dispositif d’amélioration de la fiducie devrait être prochainement réintroduit dans un véhicule législatif plus approprié afin d’éviter la censure du Conseil constitutionnel.

 

 

Néanmoins, de nouvelles pistes sont envisagées aux fins d’introduire la finance islamique dans notre système juridique. Pour les professeurs Crocq et Aynès, « la solution pourrait être trouvée dans le droit spécial des instruments financiers », et ce, « sans bouleverser le droit commun de la fiducie.» 3

 

 

Loubna ZRARI

 

Le Petit Juriste, en partenariat avec l’AIDIMM

 

 

 

Notes

[1] Fiches doctrinales et instructions publiées par la Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique les 18 décembre 2008 et 25 février 2009.

 

[2] Eu égard, notamment, aux résultats d’un sondage commandé à l’Ifop par l’association AIDIMM et le cabinet de conseil IFAAS en 2008, montrant que « plus de 500.000 clients potentiels seraient séduits par cette offre de produits éthiques ».


[3] Recueil Dalloz, 2009, p. 2559, « La fiducie préservée des audaces du législateur ».

 

 

Pour en savoir plus
www.agefi.fr
www.assemblee-nationale.fr
www.conseil-constitutionnel.fr

 

 

 


 

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