Flodor / Unichips : les filiales du groupe ne sont pas tenues d’une obligation de reclassement.

 

 


 

La Cour de cassation s’est prononcée, le 13 janvier dernier1 , sur la responsabilité des sociétés d’un groupe international en matière de reclassement des salariés d’une filiale en difficulté.


 


 

 

Cette décision n’est pas le premier épisode de la très médiatique affaire Unichips / Flodor. Elle opère toutefois un « rappel à l’ordre » décisif par rapport aux motivations exposées par la cour d’appel.

 

Le liquidateur judiciaire de la société Flodor, devenue Péronne Industrie, avait entrepris une action dirigée contre les sociétés étrangères du groupe Unichips, auquel appartenait Péronne Industrie, afin qu’elles lui communiquent les informations sur la situation du groupe et lui procurent les informations nécessaires au reclassement des salariés menacés de licenciement. Parallèlement, les salariés licenciés ont exercé une action visant à obtenir la saisie conservatoire des marques françaises et communautaires Flodor, afin de garantir leur possible créance à l’égard du groupe, résultant d’un manquement à l’obligation de reclassement.

 

Les juges du fond avaient fait droit à cette demande des salariés, position qui avait été confirmée par la cour d’appel2 : les intéressés justifiaient bel et bien d’un principe de créance dès lors que « chacune des sociétés du groupe, même établie à l’étranger, apparaît tenue de mobiliser ses moyens et ses propres possibilités de reclassement sur demande du liquidateur, peu important qu’elle n’ait avec la France aucun autre rattachement que celui de son appartenance au même groupe ». C’est précisément cette motivation, par ailleurs vivement critiquée par une partie de la doctrine3, qui entraîne la cassation de la Chambre sociale.

 

 

Obligation reclassement

 

 

L’attendu de la décision est clair : l’obligation de reclassement et celle d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi n’incombent qu’à l’employeur. La seule appartenance d’une société au même groupe que la filiale en difficulté ne suffit pas à la rendre débitrice de celle-ci et à lui imposer de répondre des conséquences d’une insuffisance des mesures de reclassement mises en place par l’employeur. En l’espèce, les salariés ne justifiaient donc d’aucun principe de créance à l’égard des sociétés du groupe.

 

Il convient néanmoins de rappeler que l’obligation de reclassement, si elle ne pèse effectivement que sur l’employeur, doit s’exercer au niveau du groupe4. De la même façon, la validité du plan social s’apprécie en considération des moyens dont dispose ce groupe5. On comprend alors la volonté des juges du fond qui, pointant le caractère excessif de ces obligations pesant sur l’employeur par rapport au faible pouvoir qu’il peut avoir sur les autres filiales du groupe, ont tenté d’étendre l’obligation de reclassement à ses sociétés sœurs.

 

Le raisonnement ne convainc pas la Cour de cassation. Des salariés licenciés ne peuvent invoquer une créance contre une société sœur au titre d’un manquement à l’obligation de reclassement ou d’une insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi que s’ils démontrent que cette entité s’est comportée en coemployeur6, qu’elle s’est substituée à l’employeur en s’immisçant dans la gestion de l’entreprise, ou encore si elle s’est expressément engagée à garantir aux salariés l’exécution des obligations prises par l’employeur dans le plan pour favoriser un reclassement dans le groupe7.

 

Les salariés de Péronne Industrie avaient également obtenu des juges du fond, par action séparée, que la société mère du groupe soit condamnée au paiement de dommages-intérêts8 au titre du manquement à l’obligation de reclassement. La motivation des juges étant similaire à celle exposée par la Cour d’appel de Paris il y a dès lors fort à parier que cette décision, qui a fait l’objet d’un appel, subira à terme le même sort que la précédente.

 

Manon Lamotte

 

 

Notes

 

[1] Cass. Soc. 13 janvier 2010, n° 08-15.776

 

[2] Cour d’appel de Paris, 10 avril 2008, n° 07/10060

 

[3] P. Morvan, « L’étrange action en justice Flodor », JCP S n° 44, 27 octobre 2009

 

[4] Cass. Soc. 4 décembre 2007, RJS 2/08 n° 158

 

[5] Article L. 1235-10 du Code du travail

 

[6] Cass. Soc. 19 juin 2007

 

[7] Cass. Soc. 27 novembre 2007

 

[8] TGI Péronne, 18 août 2009

Pour en savoir plus

 

P. Morvan, « L’étrange action en justice Flodor », JCP S n° 44, 27 octobre 2009

 

M. Hautefort, « Reclassement : seul l’employeur est débiteur de l’obligation« , Semaine Sociale Lamy – 2010  – n°1432

 

A. Bugada, « Saisie conservatoire et reclassement au sein d’un groupe international« , Procédures n° 3, mars 2010, comm. 76

 

Fidal, « L’obligation de reclassement et d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi dans un groupe de sociétés« , Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 8, 25 février 2010, 1206

 

 

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