Destiné à recevoir la plus large publication, l’arrêt rendu le 7 janvier 2014 par la chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur le sort du sous-cautionnement en cas de fusion-absorption de la sous-caution[1]. En d’autres termes, la société absorbante est-elle tenue de l’engagement de sous-cautionnement souscrit par la société absorbée ?
Sort du sous-cautionnement en cas de fusion-absorption de la sous-caution
En l’espèce, au terme d’une structure de cautionnement complexe, une sous-caution a été assignée en paiement après défaillance de la société débitrice. La sous-caution ayant été absorbée, la question s’est posée de savoir si la société absorbante était tenue par l’engagement de sous-cautionnement conclu antérieurement à la fusion par la société absorbée. La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel ayant condamné la sous-caution à payer par une argumentation en deux temps.
D’abord, elle prend le temps de rappeler les termes de l’article L. 236-3, I du code de commerce selon lequel « la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération ». La Cour de cassation en déduit qu’en cas d’absorption d’une société ayant souscrit un engagement de sous-caution, la société absorbante est tenue d’exécuter cet engagement dans les termes de celui-ci. Or, le contrat de sous-cautionnement ayant été conclu antérieurement à la fusion, la société absorbante était tenue de l’exécuter.
La transmission universelle de patrimoine, fondement de la solution
La décision est fondée sur la transmission universelle de patrimoine. A compter de la date d’effet de la fusion, la société absorbante possède la qualité d’ayant cause universel et recueille, de ce fait, l’intégralité du patrimoine – et tous les engagements – de la société absorbée. Néanmoins, dans le cas du décès d’une caution personne physique[2], la Cour de cassation avait jugé que la transmission des engagements souscrits au titre du cautionnement était limitée aux dettes nées antérieurement au décès. Transposé au cas de la fusion, cela signifierait que la société absorbante ne devrait pas être tenue de la dette puisque celle-ci est née postérieurement à la fusion.
Cet argument, avancé par le pourvoi, reprend la distinction classique entre obligation de couverture et obligation de règlement. La fusion mettant fin à la période de couverture, la sous-caution ne serait que tenue au règlement des dettes nées antérieurement à la fusion. Cette argumentation avait déjà été retenue dans le cas où la société bénéficiaire du cautionnement – le créancier – avait fait elle-même l’objet d’une absorption[3] et lorsque la société débitrice principale avait été absorbée[4]. Pourtant, en l’espèce, la Cour de cassation refuse d’étendre ce raisonnement au cas de la fusion de la sous-caution. Elle juge au contraire que le contrat de sous-cautionnement ayant été conclu antérieurement à la fusion, la société absorbante était tenue de l’exécuter – en d’autres termes, la date de défaillance du débiteur cautionné est sans importance.
L’absence de besoin de protection de la sous-caution
Cette solution marque donc une divergence de jurisprudence en fonction de la partie absorbée (créancier, débiteur principal ou caution) et en fonction de la qualité de la caution (personne physique ou morale). Concernant la première distinction, la doctrine s’accorde à la justifier par le risque pris en compte par la caution. En effet, un changement dans la personne du créancier ou du débiteur modifie les prévisions de la caution. A l’inverse, un changement dans la personne de la caution ne modifie en rien les prévisions de celle-ci. L’engagement de caution serait, à défaut, réduit à peu de chose et il serait aisé de s’en libérer. Quant à la deuxième distinction, celle-ci est davantage motivé par la finalité de protection des héritiers de la caution personne physique qui ne sont pas nécessairement informés de l’existence du cautionnement. Au contraire, dans le cas d’une caution personne morale, celle-ci a nécessairement eu connaissance des engagements pris par la société absorbée, en raison de l’annexion au bilan d’un état des cautionnements.
En absorbant une société engagée dans un sous-cautionnement, la société absorbante devient donc tenue d’honorer cet engagement[5]. Néanmoins, deux interrogations restent en suspens avec cet arrêt. Tout d’abord, si cette solution est rendue en matière de sous-cautionnement, ne pourrait-on pas étendre le même raisonnement à l’engagement de caution simple ? Deuxièmement, plutôt qu’instaurer une distinction entre caution personne physique et caution personne morale, cette solution ne préfigure-t-elle pas un revirement de jurisprudence et l’abandon de la protection des héritiers de la caution personne physique ?
Daniel DA CRUZ RODRIGUES