INTERVIEW CROISEE : Pierre-Olivier SUR & Laurent MARTINET

Ils ont répondu à nos questions : le bâtonnier de l’Ordre de Paris Pierre-Olivier SUR et le vice-bâtonnier Laurent MARTINET nous livrent leurs impressions en ce début de mandat

Quel a été votre parcours ?

POS : J’ai d’abord fait des études de lettres avant de me diriger vers des études de droit. J’ai prêté serment en 1985 et commencé ma vie professionnelle auprès du pénaliste Olivier SCHNERB. J’ai suivi, en parallèle, les cours de l’Institut Etudes Politiques de Paris dont j’ai obtenu le diplôme en 1986.

En 1989, j’ai été désigné secrétaire de la Conférence et en 1997, j’ai été élu membre du conseil de l’Ordre. J’ai rejoint le cabinet Fischer Tandeau de Marsac pour fonder en 2000 le cabinet Fischer Tandeau de Marsac Sur & Asso- ciés (FTMS) et y créer un pôle pénal.

LM : Titulaire d’un DEA de droit privé général et diplômé de Sciences Po (1989), ma première expérience professionnelle s’est déroulée chez Baker McKenzie. J’ai prêté serment au barreau de Paris en 1991. La même année, j’ai intégré le cabinet Thomas & Associés, dans un pre- mier temps dans le département fusions-acquisitions, puis, comme associé en charge du développement du département contentieux – droit des affaires.

En 2003, j’ai rejoint le cabinet Jones Day à Paris au sein duquel j’ai créé un département Contentieux – droit commercial dont je suis en charge. J’ai été élu en 2008 au Conseil de l’Ordre. Par la suite, en 2010, sous le bâtonnat de Jean Castelain, j’ai été désigné comme secrétaire de la Commission internationale du Barreau de Paris, puis conseiller du Bâtonnier aux Affaires Internationales en 2011.

Quels sont vos objectifs pour ces années de bâtonnat ? Et en particulier, vos objectifs concernant les jeunes ?

POS : Notre maître mot est «ouverture» : ouverture du barreau de Paris à l’égard des confrères, ouverture à l’international pour permettre de conforter la place de Paris comme première place de droit, ouverture à l’endroit des pouvoirs publics et des acteurs de la société civile par la création, notamment, d’une direction des affaires publiques.

LM : Pour les jeunes en particulier, notre objectif concret a été de faire évoluer en profondeur l’Ecole de Formation du Barreau pour qu’elle devienne « l’école d’application du droit », assurant une meilleure adaptation aux attentes de la profession et du marché. Il s’agit d’abandonner un enseignement théorique, didactique, au profit d’un ensei- gnement ancré dans les réalités de la vie des entreprises et des particuliers et d’inciter, par ce biais, les élèves à une démarche entrepreneuriale et dynamique.

Notre programme totalement revisité et élaboré avec l’aide d’un comité scientifique composé de personnalités issues d’horizons professionnels divers repose sur cinq thématiques : la déontologie, le métier de l’avocat, le mana gement et développement des cabinets, le développement professionnel et douze enseignements électifs. L’autre axe majeur de notre réforme a été de promouvoir la dimension internationale.

Nous avons en particulier pris l’engagement de proposer, chaque année, 500 stages à l’étranger. Dans ce contexte, nous avons passé des nouveaux accords de partenariats avec des grandes écoles et universités dans le monde, sur une base de réciprocité, notamment en Chine, en Inde et aux Etats-Unis.

L’objectif est d’ouvrir le plus possible l’avenir des jeunes sur le monde et d’exporter notre droit continental au-delà de nos frontières.

Comment concilier bâtonnat et vie professionnelle ?

POS : Je me consacre essentiellement à mon mandat de Bâtonnier et je laisse à mes associés et collaborateurs le soin de suivre au quotidien les dossiers de mon cabinet.

LM : C’est la coexistence de deux vies, l’une au service de mes confrères et l’autre en tant que responsable de la pratique contentieux dans mon cabinet. Cela implique une bonne organisation et le soutien d’une équipe tant à l’Ordre, qu’au sein de mon cabinet.

Quelle est votre analyse sur l’affaire des écoutes ?

POS : En l’état, nous sommes convaincus que cette affaire a été un révélateur du fait que le droit applicable aux « écoutes », c’est-à-dire aux interceptions des conversations téléphoniques ne prévoit pas de garanties suffisantes pour protéger les citoyens et les avocats de la violation du secret professionnel et du droit au respect de la vie privée, principes essentiels de notre Etat de droit et de toute démocratie.

C’est pourquoi, nous avons proposé plusieurs solutions au Président de la République, lors de notre entrevue du 20 mars dernier. Pour améliorer le régime juridique des interceptions des communications décidées par un juge d’instruction, le régime actuel doit être modifié à l’égard tant de nos concitoyens, que des avocats.

Nous souhaitons que nos propositions soient rapidement discutées et adoptées par le Parlement. Il s’agit d’un enjeu de libertés publiques, de garantie du respect des droits de chaque citoyen au nombre desquels figure le secret professionnel.

Et sur le rapprochement juriste/avocat ?

LM : Le conseil de l’Ordre du Barreau de Paris s’est déjà prononcé en faveur de la présence de l’avocat en entreprise, ce qui ne correspond pas à une fusion entre les juristes d’entreprise et les avocats. Je suis pour ma part favorable à un rapprochement, dès lors que le respect des notions de secret et de confidentialité est assuré.

Cette position n’est pas toutefois représentative de ce que pense une grande partie de la profession qui considère que cela empiétera sur son terrain habituel d’intervention. Or, si on fait un parallèle avec l’ouverture de notre profession à des avocats étrangers, cela n’a en rien entravé la présence et l’importance de notre barreau.

Que pensez-vous de la possibilité de structures communes avocats/comptables, ce qu’on pourrait appeler « maison du droit et de la gestion » ?

LM : Pour ma part, je suis réservé quant aux sociétés de participations financières de professions libérales même si un récent décret les rend possible. À la lumière d’une expérience passée, je sais, qu’en cas de conflits, il y a un risque d’arbitrage important au profit du chiffre.

Nous devons réfléchir à l’accompagnement de nos confrères en matière de structures capitalistiques, d’emprunts et d’installation à l’étranger mais le fait de faire venir, dans leurs capitaux, des contributeurs de métiers différents me laisse dubitatif.

Selon vous, faut-il réformer l’accès à la profession d’avocat ?

LM : Le nombre d’élèves avocats ne cesse d’augmenter. Nous réfléchissons à une harmonisation au niveau national des examens d’entrée et de sortie mais ne sommes nullement favorables à l’instauration d’un numerus clausus.

Nous lui préférons une politique d’ouverture en favorisant la conquête par notre profession de nouveaux marchés internationaux et nationaux grâce, notamment, à la mise en place d’une formation initiale d’excellence et à la formation continue.

A quoi doit ressembler l’avocat du 21ème siècle ?

POS : La justice sera de plus en plus simplifiée, négociée, dématérialisée et internationale. Nous souhaitons que les avocats « accompagnent » les modes alternatifs de règlement des conflits (nous avons d’ores et déjà créé une Ecole de la médiation à l’EFB) mais sans jamais exclure le juge du dispositif in fine et en garantissant toujours l’accès au droit à tous les niveaux de la procédure, y compris dans la phase de médiation.

Une nouvelle génération d’avocats devra, par ailleurs, se former à la conquête de marchés à l’international comme Laurent MARTINET l’a précédemment évoqué.

Selon vous, y a-t-il trop ou pas assez d’avocats ?

LM : J’ai conscience des appréhensions ressenties par nos jeunes futurs confrères lesquels sont séduits par l’idée d’un numerus clausus. C’est oublier qu’en termes d’arbitrage, Paris est la première place de droit au monde…

Or, il y a proportionnellement moins d’avocats à Paris qu’à Londres ou à New York. En outre, le champ de nos activités s’est élargi et de nombreux nouveaux métiers du droit ont vu le jour : avocat lobbyiste, fiduciaire, agent sportif, agent d’artiste…

Sans oublier le droit numérique et les modes alternatifs de règlement des conflits. Il est également incontestable que la complexification du droit nécessite une présence accrue des avocats dans tous les domaines. Autant dire que les avocats ont encore un bel avenir devant eux.

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes professionnels du droit ?

POS : Je leur conseille précisément de se tourner vers ces nouveaux métiers du droit, de ne pas hésiter à s’ouvrir à l’international. Je leur recommande de faire cohabiter un exercice rénové, moderne de la profession avec le respect de nos traditions, de notre déontologie et de notre éthique.

Propos recueillis par Alexis DEBORDE

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