L’amélioration de l’organisation et du fonctionnement de la justice des mineurs par la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle[1], modifiant l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante[2], a été publiée au Journal officiel le 19 novembre 2016[3]. S’intéressant à de nombreux aspects de notre législation, nous nous intéresserons uniquement aux dispositions relatives à la justice des mineurs, contenues dans le chapitre IV intitulé « Dispositions tendant à l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement de la justice des mineurs », composé des articles 28 à 33[4].


Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs (art. 29 L., applicable au 1er janvier 2017) – Mesure phare de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs entrera en vigueur « le premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi », à savoir le 1er janvier 2017. « Tous les mineurs renvoyés à cette date devant le tribunal correctionnel pour mineurs sont de plein droit renvoyés devant le tribunal pour enfants et tous les majeurs renvoyés à cette date devant le tribunal correctionnel pour mineurs sont de plein droit renvoyés devant le tribunal correctionnel, sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant cette date ». Il est à noter que le renvoi des majeurs, qui étaient mineurs au moment des faits, devant les juridictions pour majeurs s’accompagne du renvoi aux règles dérogatoires s’appliquant aux mineurs. Il s’agit d’une modification juridictionnelle transitoire étrangère aux règles qui gouvernent la matière en présence de mineurs. Aussi, « lorsque le renvoi est décidé par une juridiction de jugement ou d’instruction au jour de la publication de la présente loi ou postérieurement, les mineurs relevant de la compétence du tribunal correctionnel pour mineurs en application de l’ordonnance […] relèvent de la compétence du tribunal pour enfants et doivent être renvoyés devant ce dernier ».

Harmonisation des différentes mesures (art. 30, 1° L., applicable immédiatement) – L’article 30 de la loi a harmonisé certaines dispositions qui étaient réparties à divers articles de l’ordonnance en les déplaçant ou en les recopiant à l’article 2, qui fait désormais état de toutes les mesures répressives et éducatives à la disposition du juge. On peut ainsi citer à titre d’exemple la liberté conditionnelle (ancien article 19) ou les mesures éducatives (présentes encore à différents articles de l’ordonnance).

L’extension de la répression aux infractions politiques (art. 30, 4° L. mod. art. 20-2 Ord., applicable immédiatement) – Par l’adjonction des termes « détention » à ceux de « réclusion », le législateur a fait le choix d’ouvrir la répression des infractions politiques aux mineurs. Sans doute, en ces temps d’état d’urgence, l’intention des rédacteurs du texte était de rendre notamment applicable l’article 412-1 du Code pénal aux mineurs. Rappelons que celui-ci définit l’attentat comme « le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ». Sa nature politique se reflétant dans sa sanction : « l’attentat est puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d’amende », elle échappait jusqu’à lors à la répression, au profit d’une autre qualification moins symbolique, lorsque l’auteur ou le complice était mineur au moment des faits.

Une justice des mineurs limitée aux peines à temps (art. 30, 4° L. mod. art. 20-2 Ord., applicable immédiatement) – Désormais, lorsque l’infracteur est un mineur de plus de 16 ans et « lorsqu’il est décidé de ne pas [retenir l’excuse de minorité alors] que la peine encourue est la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité, la peine maximale pouvant être prononcée est la peine de trente ans de réclusion ou de détention criminelle ».

Présence obligatoire de l’avocat pendant la garde à vue (art. 31 L. mod. art. 4 IV. Ord., applicable au 1er janvier 2017) – La possibilité de recourir à un avocat dès le début de la garde à vue devient une obligation. « Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas désigné d’avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l’instruction ou l’officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu’il en commette un d’office » (nouvel alinéa). Cette disposition participe du renforcement de la garantie des droits du mineur et est corroborée par le nouvel article 8-1 I. qui fait « obligation pour le juge des enfants de constater l’identité du mineur et [de s’assurer] qu’il est assisté d’un avocat ».

La centralisation de la victime au cœur du processus pénal des mineurs (art. 31 L. mod. art. 5 Ord., applicable immédiatement) – De manière contestable, l’article 5 de l’ordonnance se voit affubler d’un nouvel alinéa énonçant que « la victime est avisée par tout moyen de la date de comparution du mineur devant le juge des enfants ». Alors qu’il ne cesse d’être affirmé ici et là que la victime a sa place dans le procès pénal, force est de rappeler que l’objectif du droit pénal est de répondre à un trouble à l’ordre public et non à un trouble causé à une personne déterminée.

Décision du juge des enfants (art. 31 L. créant art. 8-1 Ord., applicable immédiatement) – Si le juge des enfants constate que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont déjà été effectuées, il prononce soit, après avoir déclaré le mineur coupable, une dispense de toute autre mesure s’il apparaît que son reclassement est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé, et en prescrivant, le cas échéant, que cette décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire, soit le placement dans l’un des établissements visés aux articles 15 et 16[5]. Il peut encore ordonner une mesure ou une activité d’aide ou de réparation. Si le juge constate que les investigations sur la personnalité du mineur ne sont pas suffisantes, il renvoie l’affaire à une prochaine audience de la chambre du conseil. De la même manière, si les faits nécessitent des investigations supplémentaires, le juge des enfants peut demander un supplément d’informations.

Allongement des délais du renvoi de l’audience (art. 32 L. mod. art. 24-5 Ord., applicable immédiatement) – Du fait de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, il est à craindre une augmentation du nombre d’affaires à traiter pour le juge des enfants. Ainsi, au troisième alinéa de l’article 24-5 de l’ordonnance prévoyant le renvoi de l’audience à une date ayant lieu dans les six mois, le législateur a ajouté que « des renvois ultérieurs sont possibles mais, dans tous les cas, la décision sur la mesure éducative, la sanction éducative ou la peine intervient au plus tard un an après la première décision d’ajournement ».

Application des mesures prononcées (art. 33 L. mod. art. 43 Ord., applicable immédiatement) – « Les magistrats ou juridictions qui ordonnent ou assurent le suivi du placement d’un mineur en application de la présente ordonnance ou les magistrats qui sont chargés de l’exécution de cette décision peuvent requérir directement la force publique pour faire exécuter cette décision, durant la minorité de l’intéressé ».


Thibault Campagne

[1] Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle : accessible ici

[2] Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante : accessible ici

[3] Certaines dispositions n’ont vocation à entrer en vigueur qu’au 1er janvier 2017.

[4] L’article 28 ne sera pas étudié car il ne modifie que le Code de l’action social et des familles. De la même manière, certaines dispositions ne constituant que des ajustements à la marge ne seront pas abordées. Aussi, chaque disposition relative à la loi étudiée sera mentionnée par la lettre « L. » ou par l’expression « la loi », alors que les dispositions relatives à l’ordonnance se référeront aux expressions « Ord. » ou « l’ordonnance ».

[5] Si la prévention est établie à l’égard du mineur de treize ans : le placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle, habilité ; le placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ou le Placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire (art. 15). Si la prévention est établie à l’égard d’un mineur âgé de plus de treize ans : le placement dans une institution ou un établissement, public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle, habilité ; le placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ou le placement dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective (art. 16).

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