La place des femmes au sein de la profession d'avocat en 2014

En l’espace de dix ans le secteur juridique s’est largement féminisé. La profession d’avocat n’a pas échappé à la tendance. Ce sont pourtant toujours les hommes qui, en majorité, continuent de « tenir les rênes » au sein de la profession. Ainsi, des inégalités perdurent, dans un secteur pourtant en pleine recherche d’un meilleur « work life balance ».

UNE PROFESSION FÉMINISÉE MAIS EN CONSTANTE INÉGALITÉ

L’augmentation des femmes dans la profession est évidente. Depuis 1985, elles sont chaque années plus nombreuses que les hommes à prêter serment.  Le nombre croissant de femme n’empêche pas les inégalités entre hommes et femmes de perdurer. «  Alors que 65% des élèves de l’École de formation du barreau de Paris sont aujourd’hui des femmes, les différences de salaires entre les hommes et les femmes avoisinent le nombre édifiant de 67%. Ces statistiques sont alarmantes. Le barreau de Paris a tiré le signal d’alarme avec la réaction d’une charte de bonnes pratiques de la collaboration signée par plus de cent cabinets français et étrangers. D’autres initiatives ont également vu le jour, comme la création d’une commission à l’égalité professionnelle ainsi que le vote d’une immunité pour les collaboratrices suite à leur retour de congé maternité  » explique Anne-Charlotte Gros, avocate et membre de l’Union des jeunes avocats (UJA) pour le magazine Décideurs de mars 2014.

C’est également en matière de partnerships que les inégalités sont frappantes. Selon la radiographie 2013 des cabinets d’affaires réalisée par Juristes associés, les femmes représentent en 2012, 56% des collaborations, mais seulement 16 % des associés. La problématique de la mixité au sein des partnerships est une des préoccupations majeures de la profession. En décembre dernier notamment, l’ordre des avocats au barreau de Paris alors représenté par Christiane Féral-Schuhl, en partenariat avec l’association de directeurs juridiques du Cercle Montesquieu, a annoncé une charte de la parité avec la volonté de « porter la mixité au-delà des mots et notes d’intention  ». Plus récemment l’actuel bâtonnier Pierre Olivier Sur a annoncé que les structures qui ne respectent pas l’égalité professionnelle et notamment les règles encadrant l’exécution du contrat de collaboration, seraient convoquées devant les commissions déontologiques.

La question avait été soulevée en premier lieu par les jeunes avocats. « Nous avons été les premiers à aborder ces questions sous l’angle de l’égalité hommes-femmes alors qu’auparavant la problématique était traitée comme « le problème des femmes dans la profession », explique Valence Borgia, première vice-présidente de l’UJA de Paris et membre de la commission Egalite profession- nelle.

Ces inégalités expliqueraient que les femmes soient deux fois plus nombreuses que les hommes à quitter la profession au cours des dix premières années d’exercice, selon le rapport 2013 de l’Observatoire de l’Egalite du barreau de Paris.
Pour Frédérique Dupuis-Toubol, l’ancienne managing partner et membre du comité exécutif de Bird&Bird, « Les cabinets doivent travailler plus intelligemment, sinon ils courent le risque de voir les femmes partir vers des structures plus soucieuses de leur développement professionnel ».

UNE PROFESSION À  LA RECHERCHE D’UN MEILLEUR « WORK LIFE BALANCE »

Nombreux sont les cabinets à avoir longuement développé la culture du présentéisme. Cette habitude de légitimer des honoraires élevés par une grande quantité de travail est aujourd’hui dépassée. « Nous sommes aujourd’hui dans un système qui tend vers l’efficacité ren- du possible par l’avènement des nouvelles technologies : elles ont renversé le principe hypocrite du présentéisme en permettant de travailler à toute heure et en tout lieu », explique Laurent Choain, DRH Monde au magazine le Décideurs.

Cette mini-révolution s’explique par la présence des femmes mais également par l’utilisation de nouvelle technologie. Pour Lorraine Donnedieu de Vabres associée en concurrence chez Jeantet, et élue au Conseil national des barreaux,  « La remise en question de ce mode de fonctionnement, dont les hommes étaient eux aussi prisonniers, est liée à la montée en puissance des femmes, elles ont fait bouger les lignes en exprimant d’ailleurs ce que les hommes n’osaient pas dire (…) Elle est liées, aussi ,à la place du numérique et du travail à distance dans les cabinets ». En effet, nombreux sont les avocats qui ont aujourd’hui la possibilité de travailler en télétravail. « Les femmes managers ont un rôle particulier à jouer sur le terrain des nouvelles façons de travailler, qui rendent la présence physique moins nécessaire », explique Béatrice Delmas-Linel, associée gérante d’Osborne Clarke à Paris, pour le Magazine Mars/Avril 2014 de la LJA.

La question du meilleur « work life balance » n’est pas propre aux femmes. De plus en plus d’hommes sont aujourd’hui décomplexés par rapport à leurs contraintes parentales. En mars dernier, le barreau de Paris décidé d’augmenter le congé paternité pour les collaborateurs avocat libéraux de 11 jours, à 4 semaines. Cette durée de congé paternité n’a aucun équivalent dans aucune au- tre profession libérale, salariée ou de la fonction publique.

Malgré ces évolutions, certaines résistances demeurent. Pour Valence Borgia, « beaucoup de jeunes pères recon- naissent ne pas avoir pris leur congé paternité parce qu’on les en a dissuadés ».  Certains clichés restent à surmonter. « Il faut dépasser les modèles qui ont été mis en place par une génération de dirigeants masculins dont les mères et les femmes ne travaillaient pas. Les biais s’effacent quand les modèles féminins de la sphère personnelle du dirigeant sont mixtes » explique Frédérique Dupuis-Toubol.

Capucine COQUAND

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.