La vente de produits marqués sur une place de marché en ligne

 


 

L’expansion du commerce électronique par le biais des places de marchés en ligne telles qu’eBay a fait apparaître de nouvelles formes de litiges relatifs à la vente des produits de marque.

 

 


 

Une place de marché électronique se compose d’un ensemble de services en ligne permettant le rapprochement entre des vendeurs et des acheteurs dans un processus de vente dématérialisé.

 

Elle constitue un « service de communication au public en ligne » régi par la loi pour la confiance dans l’économie numérique n°2004-575 du 21 juin 2004, dite « LCEN », transposant la directive européenne 2000/31 du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur

(«Directive sur le commerce électronique»).

 

Les produits marqués vendus sur ces plateformes d’e-commerce sont parfois des contrefaçons. Il est alors délicat de poursuivre le fabricant ou le vendeur pour atteinte au droit de marque, car il est souvent difficile à identifier (recours à des pseudonymes) et pas nécessairement solvable. C’est pourquoi les sociétés titulaires des marques en cause assignent l’intermédiaire de la vente : la place de marché en ligne.

 

La LCEN prévoit deux régimes de responsabilité distincts pour ces prestataires de l’Internet qu’on nomme hébergeurs et éditeurs de contenu. Les premiers sont soumis à une responsabilité atténuée, les seconds à la responsabilité délictuelle de droit commun.

 

L’hébergeur a pour fonction d’assurer, « même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».1

 

Il est soumis à un régime de responsabilité limitée, dérogatoire au droit commun, puisqu’il ne peut être responsable que dans l’hypothèse où il a connaissance du caractère manifestement illicite d’un contenu hébergé et qu’il n’agit pas promptement pour le retirer ou en rendre l’accès impossible.

 

 

 

CEDH

 

 

A l’inverse, un éditeur de contenu a pour fonction d’ « éditer un service de communication au public en ligne « ,2 c’est-à-dire qu’il met à disposition du public des pages sur internet : il sélectionne les contenus, les assemble, les hiérarchise, les met en forme et les rédige parfois.

 

Il est soumis au régime de responsabilité de droit commun.

 

La question qui se pose est de savoir à quelle qualification rattacher la place de marché en ligne.

La Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’arrêt du 12 juillet 2011 « L’Oréal c/ eBay » 3 vient d’y répondre. Elle considère que l’usage de signes identiques ou similaires à des marques dans des annonces affichées sur une place de marché en ligne est réalisé par les clients vendeurs et non par l’exploitant de la plateforme. La place de marché en ligne, eBay en l’espèce, ne fait donc pas un usage contrefaisant d’une marque.

 

Les vendeurs d’articles sur eBay ne sont par ailleurs susceptibles d’être considérés comme contrefacteurs que s’ils agissent dans la « vie des affaires ». Cette notion conduit à opérer une distinction entre les vendeurs particuliers non susceptibles de faire l’objet d’une action en contrefaçon et les professionnels qui se livrent à une activité commerciale.

 

L’arrêt permet aussi de savoir si les places de marché en ligne peuvent, à défaut de contrefaçon, être assignées en responsabilité délictuelle. Selon la CJUE, la place de marché en ligne bénéficie du régime de l’exonération de responsabilité prévu pour l’hébergeur, dès lors qu’elle n’aura pas joué un  » rôle actif  » dans la réalisation de l’acte litigieux lui permettant  » d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées « . L’appréciation de cette condition est laissée au soin des juridictions nationales.

 

La Cour précise que l’on parle de rôle actif lorsque l’intermédiaire en ligne « prête une assistance, laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci « .

 

L’exonération de responsabilité tombe si l’intermédiaire a eu  » connaissance des faits ou circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait du constater l’illicéité des offres à la vente en ligne, et n’a pas promptement agi pour retirer les données en cause de son site ou rendre l’accès à ses données impossibles « .

 

Il reste à savoir quelles sont les pratiques que les tribunaux considèreront comme caractéristiques de ce « rôle actif ». Une immixtion trop importante de la place de marché dans la rédaction de l’annonce est de nature à lui faire prendre la qualité d’éditeur de contenu.

 

 

Paul-Quentin Doillon

Antoine Schultz

Ralph Roggenbuck

Master 2 de droit du multimédia et des systèmes d’information Université de Strasbourg

 

 


 


1 Article 6-I-2. de la LCEN.

2 Article 6-III-1 de la LCEN

3 Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 12 juillet 2011, L’oréal SA et autres contre eBay

International AG et autres, affaire C-324/09

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