L’Accord de Paris sur le climat dans l’impasse du droit international public

Par une déclaration remarquée du 1er juin 2017, le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé le retrait des États-Unis de l’accord de Paris, conclu le 12 décembre 2015, seulement quelques mois après son entrée en vigueur. La pérennité de cet accord sur le climat apparaît donc plus que jamais incertaine.

Un accord prometteur dont la réalisation effective demeure en suspens :

Venant honorer une de ses promesses de campagne, le nouveau président Trump a ainsi annoncé le retrait des États-Unis de l’accord de Paris[1], au motif que celui-ci serait attentatoire à la croissance économique du pays.

Signé dans le cadre de la convention cadre des Nations-Unies du 9 mai 1992[2] sur les changements climatiques (ci-après désignée « CCNUCC ») laquelle institue à son article 7 une conférence des parties chargée du suivi et de la mise en œuvre de la convention, l’accord de Paris a pour objectif de contenir le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels, et même de tendre vers 1, 5 degré. Conclu le 12 décembre 2015 et entrée en vigueur le 4 novembre 2016, une fois le seuil de ratification atteint (selon l’article 21 de l’accord, après ratification par 55 États représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre), cet accord a déjà été ratifié par 155  des 197 parties signataires[3].

Ce qui est remis en question par le président, c’est précisément ce qu’implique cet accord : la limitation des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique (c’est-à-dire issue de l’activité humaine). En application du principe de responsabilités communes mais différenciées, consacré dans la convention cadre de 1992, les pays développés doivent assumer strictement les objectifs de réduction tandis que les pays en développement doivent poursuivre leurs efforts d’atténuation et de réduction, de manière progressive (article 4. 4. de l’accord). Le président des États-Unis estime cette mesure discriminatoire envers l’économie américaine, en ce qu’elle porte préjudice au développement d’une économie basée sur la consommation d’énergies fossiles. En effet, il est incontestable qu’en l’absence de transition vers des énergies moins génératrices de gaz à effet de serre, comme l’éolien, le solaire, la géothermie ou encore l’énergie marémotrice, la recherche de croissance économique induit une hausse des émissions.

Au-delà même de l’amoindrissement certain de l’effectivité de l’accord en l’absence du deuxième émetteur de dioxyde de carbone au monde, ce retrait risque d’avoir une portée symbolique bien dommageable : dès lors que la première puissance mondiale refuse d’agir sur ses émissions de gaz à effet de serre pour préserver sa croissance économique, liant inéluctablement ces deux notions, comment demander aux pays en développement d’accepter, malgré les mécanismes de différenciation et de compensation[4], d’agir sur les leurs ?

L’impact politique d’une telle décision sur les négociations futures ne peut donc pas être sous estimé.

Quelles solutions pour sortir de l’impasse ?

En droit international public, les États demeurent souverains, ils conservent donc la possibilité de dénoncer les conventions auxquelles ils ont préalablement souscrits. Cependant, en raison des modalités de l’article 28 de l’accord de Paris, cette dénonciation ne peut intervenir que trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord, ladite dénonciation ne prenant effet qu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date de la dénonciation. Dans les faits, les États-Unis ne peuvent donc se retirer qu’après le 4 novembre 2020.

Dans l’attente, le président Trump s’est déclaré ouvert à une renégociation de l’accord. Une telle possibilité n’est cependant pas prévue. Au contraire, l’article 4.3. de l’accord de Paris prévoit que les contributions des États ne sauraient être revues à la baisse, les nouvelles contributions devant constituer « une progression » par rapport aux contributions antérieures.

Plus problématique encore, le président a exprimé son souhait de ne plus respecter les engagements pris dans l’attente de la dénonciation de l’accord : il s’agirait donc manifestement d’une violation du droit international. Si la violation par un État de ses engagements internationaux l’expose à des sanctions juridiques, en pratique une telle procédure n’a que peu de chance d’aboutir en raison notamment du poids du contrevenant dans les relations internationales. Cependant, ainsi que le rappelle l’avocat Arnaud Gossement, les autres États parties à l’accord pourraient saisir le secrétariat de la CCNUCC, comme le prévoient la convention-cadre et l’accord de Paris, bien que limitées, les conséquences pratiques d’une telle action ne seraient pas anodines[5].

L’issue demeure ainsi incertaine, la dénonciation de l’accord ne pouvant prendre effet avant le 4 novembre 2020, soit au lendemain de la prochaine élection présidentielle américaine et, peut-être, d’un changement de président.

Clémence Radafshar

 

Pour aller plus loin :

 

[1] Accord de Paris du 12 décembre 2015.

[2] Décret portant ratification de la convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, conclue à New-York le 9 mai 1992.

[3] http://unfccc.int/2860.php

[4] V. à ce propos https://www.lepetitjuriste.fr/droit-de-lenvironnement/principe-responsabilites-communes-differenciees-climatiser-negociation-environnementale/

[5] http://www.france24.com/fr/20170602-etats-unis-trump-accord-paris-climat-difficile-quitter-plus-facile-ignorer-cop-21

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