L’Affaire Snowden et le droit d’asile : un enjeu avant tout diplomatique

Suites aux révélations d’Edward Snowden concernant les écoutes de la NSA, ce dernier cherche la protection d’un Etat pour éviter la justice de son pays. La France a reçu une demande d’asile de la part de l’ex consultant de la NSA, qui aurait pu se voir reconnaitre le statut de réfugié politique selon le droit français, mais qui lui fut refusée en juillet 2013.

Une demande d’asile possible (I)

En effet l’asile constitutionnel semblait possible, l’OFPRA est compétent pour reconnaitre la qualité de réfugié «  à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté »[1]. Les critères essentiels d’admission au statut de réfugié sur ce fondement sont au nombre de quatre :

–          Existence d’une persécution effective et pas seulement d’une crainte de persécution,

–          Etre démuni de protection de la part de l’Etat dont le demandeur a la nationalité ou, à défaut de nationalité établie, du pays de résidence habituelle.

–          Un engagement actif en faveur de l’instauration d’un régime démocratique ou pour défendre les valeurs qui s’y attachent, telles que la liberté d’expression et d’opinion.

–          Un engagement dicté par des considérations d’intérêt général et non d’ordre personnel.

Le «  lanceur d’alerte » Edward Snowden semble remplir l’ensemble de ces critères. En effet,  ses déclarations démontrent une atteinte aux libertés fondamentales puisqu’il dénonce le programme de surveillance qui fut mis en place par les Etats-Unis pour suivre l’activité en ligne d’un très grand nombre de personnes. Il permet à la NSA (National Security Agency)  de collecter des informations comme le contenu des mails, chat, historique de connexion, auprès d’entreprises américaines. Cet accès est autorisé par le Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) qui permet, sans autorisation judiciaire, d’obtenir l’ensemble de ces données. Cependant, il faut rappeler que le programme Prism vise spécifiquement les non américains.  Ce programme est une application du Patriot Act voté sous l’administration Bush, afin de déjouer d’éventuels plans terroristes. Toute personne peut être mise sous écoute légalement sans contrôle judiciaire, excepté les américains qui bénéficient de la protection du 4ème amendement de leur Constitution.

II-Un refus semblant être motivé en raison de considérations diplomatiques.

 «  La France a reçu, comme beaucoup d’autres pays (…) une demande d’asile de Edward Snowden. Compte tenu des éléments d’analyse juridique et de la situation de l’intéressé, il n’y sera pas donné suite ».

Avant ce rejet, le ministre de l’intérieur Manuel Valls fut clair « Edward Snowden, est un agent des services américains, et c’est un pays avec lequel nous avons des relations (…) Si cette demande est faite, elle sera toutefois examinée ». Ces déclarations publiques démontrent que la question d’accorder l’asile politique à l’ex-agent de la NSA relève avant tout de considérations diplomatiques. En effet, si le ministère de l’intérieur avait accordé l’asile politique à M. Snowden, cela n’aurait fait qu’aggraver la crise de confiance entre les USA et la France, et plus généralement l’Europe en pleine négociations à propos du Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP)[2].

Cette affaire démontre également l’assujettissement des européens face au pays de l’oncle Sam. En effet, les grands acteurs américains d’internet stockant les données relatives aux citoyens européens  n’acceptent guère de se voir appliquer les normes européennes en matière de protection de données, normes issues de la directive n°95/46 du 24 octobre 1995 et transposées par la loi du 6 janvier 1978 modifié en France[3].

Par exemple, Google affirme que le droit d’opposition émanant de cette norme ne peut lui être appliqué, y compris quand ses services sont destinés à des internautes européens. Ce qui signifie que lorsque les autorités de son propre pays lui demandent de transmettre les données personnelles qu’elle a obtenu, cette société n’est pas tenue d’accorder une protection particulière aux Européens.

Face à cela, un projet de règlement est en cours d’examen pour modifier la directive n°95/46, afin de faire une application extraterritoriale du droit européen aux opérateurs collectent des informations sur les citoyens européens. Or, le Financial Times affirme que les autorités américaines auraient fait pression sur la Commission européenne pour faire disparaitre un article du projet de règlement «  anti FISA clause ». Cette disposition visait à prévenir toute communication de données vers un pays tiers à la demande d’une de ses autorités judiciaires ou administratives hors du cadre de la coopération internationale existant entre ce pays tiers et l’Union européenne.

Ici,  Le droit d’asile apparait dans le cas de M. Snowden détourné de son but premier, en raison d’enjeux diplomatiques.  Ce refus d’obtention du droit d’asile envoie un signal négatif fort à d’autres éventuels « lanceurs d’alerte ».

Antoine BERGEOT

Aller plus loin :

Recueil Dalloz 2013 p 1673, privés de vie privée, Félix Rome.

Recueil Dalloz 2013 p 1736, programme  Prism : les  citoyens européens sur écoute, Debet Anne.

http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/N106.xhtml

 


[1] article L711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dont la formulation est inspiré de l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946.

[2] http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/about-ttip/index_fr.htm

[3]http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460

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