L’avocature au sein de la Cour pénale internationale : une expérience novatrice

Régie par le Statut de Rome entré en vigueur le 1er juillet 2002, la Cour Pénale Internationale est la première institution internationale permanente créée par traité dont l’objectif est de contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs de génocides, crimes de guerre et crimes contre l’humanité ayant lésé la communauté internationale1. Dès lors que l’infraction est caractérisée, victimes, accusés et suspects se voient garantir le droit de se faire assister par un conseil. C’est dans cette perspective que « les avocats et les barreaux nationaux (…) ont un rôle important à jouer devant la CPI2 ». La représentation de l’accusation et de la défense lors du procès pénal au sein de la Cour reste toutefois soumise à de strictes modalités d’exercice spécifiques à cette juridiction. 

Afin de garantir la régularité et l’équité des procédures, la Cour a imposé des critères d’admission aux candidats en proposant une liste de conseils sur laquelle les avocats expérimentés devront être inscrits, et une liste de personnes assistant un conseil destinée aux avocats en début de carrière et à certains praticiens du droit3.

Une compétence en droit international ou pénal est requise, de même qu’une expérience aiguisée dans l’exercice d’une fonction judiciaire, une excellente connaissance de l’anglais et du français ainsi qu’une haute intégrité4. Les dossiers acceptés sont alors transmis aux trois membres d’un jury d’évaluation constitué au sein du Greffe, qui adoptera ensuite ses résolutions par consensus et communiquera sa décision aux candidats.

Si le principe de la liberté de choix d’un conseil est inscrit dans le régime juridique de la Cour, il est intéressant de noter que lorsque le suspect ou la victime souhaite engager son propre avocat, ce dernier devra tout de même démontrer qu’il vérifie les conditions exigées par la Cour.

Le Greffe de la Cour facilite toutefois l’exercice de cette liberté de choix en fournissant à l’intéressé la liste des conseils, lui permettant ainsi de procéder à une présélection. Après accord du conseil, la procédure s’achève par la confirmation de sa nomination, le Greffe prenant dès lors toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que le conseil choisi soit pleinement en mesure de remplir son mandat de représentation.

LA REPRÉSENTATION LÉGALE AU SEIN DE LA COUR

Les fonctions de conseil au sein de la Cour diffèrent selon les circonstances et la partie représentée au procès. Ainsi, le représentant de l’accusé, qui utilise souvent la stratégie visant à contester la compétence de la Cour5, est désigné par le terme « Conseil de la Défense ». S’il n’existe pas encore de suspect mais qu’une enquête est menée par le Procureur, un conseil ad hoc peut être nommé afin de recueillir un témoignage ou des éléments de preuve dans l’immédiat. Un conseil pourra aussi être désigné par une chambre de la Cour dans le cas où un accusé ne se montrerait pas coopératif.

Quant à l’avocat des victimes, désigné par le terme de « Représentant légal », il peut demander réparation de biens ou la compensation pour dommage corporel6. Maître Daoud souligne par ailleurs que la Cour reconnaît aujourd’hui « la nécessité d’accorder aux victimes la participation à la procédure d’enquête7 ».

Dans tous les cas, « l’intervention des avocats se fait souvent dans le cadre du programme d’assistance judiciaire8 ». À ce titre, le Bureau du Conseil public pour la défense9, la Section d’appui à la défense10, ou encore l’Unité des victimes et des témoins11 jouent un rôle non

négligeable.

Toutefois, en pratique, l’intervention des avocats est astreinte aux règles déontologiques et disciplinaires de la Cour12 et peut être rendue difficile par des contraintes que leur impose le déroulement de l’affaire, tels que des courts délais ou des conflits d’intérêts dans l’exercice de leur fonction13 .

Exercer cette profession au sein de la Cour est en réalité une véritable avancée dans la promotion des droits de l’homme puisque « les avocats, par l’intermédiaire des barreaux et des associations d’avocats, demeurent de précieux inter- locuteurs pour la Cour14 », comme en témoigne l’action du Barreau Pénal International15.

Vanessa LAHMY

Juriste – Spécialiste droit international public

1 Article 5 du Statut de Rome.

2 P. KIRSCH, « La CPI sera à la hauteur de ses ambitions » in Bulletin spécial de l’Ordre des Avocats de Paris, Le Barreau autour du monde : l’action internationale du Barreau de Paris, octobre 2006, p.3.

3 Guide à l’intention des candidats à l’inscription sur la liste des conseils de la CPI et des personnes assistant un conseil, disponible sur le site de la CPI.

4 Règle 22 par.1 du Règlement de procédure et de preuve.

5« Charles Blé Goudé à la CPI, une décision risquée », Le Monde, mars 2014, http:// www.lemonde.fr/europeennes-2014/article/2014/03/24/charles-ble-goude-transfere- a-la-cour-penale-internationale_4388906_4350146.html

6 Article 75 du SR et Règles 94 à 98 du RPP.

7 Me E. DAOUD, Interview, in Bulletin précité, p.22.

8 B. CATHALA, in Bulletin précité, p.5.

9 M.TAYLOR, « The role of the Office of Public Counsel for Defense », in Bulletin précité, p.11.

10 E. P LOSILLA, « Le support à la défense : un bref aperçu », in Bulletin précité, p.10. 11 F. MCKAY, « Responsabilité de la Cour envers les victimes », in Bulletin précité, p.18.

12 L. PETTITI, « La déontologie des Conseils devant la Cour Pénale », in Bulletin précité, p.14.

13 N. FAUVEAU-IVANOVIC, « Le droit au conseil », in Bulletin précité, p.17

14 P. KIRSCH, ibid.

15 Me J. FLAMME, « Interview : l’affaire Lubanga devant la CPI », in Bulletin précité, p.12.

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