Le Brésil, terre d’avenir, terre de réformes


 

Dilma Rousseff, présidente du Brésil depuis le 1er janvier 2011, devra s’acquitter d’une tâche difficile pendant son mandat : faire en sorte que le Brésil continue sur la pente ascendante qu’il suit depuis 15 ans. Le pays qui a tout pour devenir une des plus grandes puissances mondiale dans les années à venir, dispose d’une croissance toujours aussi impressionnante (7,5% en 2010). Mais la présidence de Dilma Rousseff sera aussi celle de l’adaptation du Brésil à ce futur statut.  

 


I.   Une puissance en devenir


Le Brésil, terre de contraste, a déjà beaucoup évolué en 10 ans. Les chiffres de la croissance brésilienne sont le plus souvent avancés pour appuyer les légitimes perspectives d’avenir du pays. Mais le Brésil dispose également d’un monnaie forte (2,23 réais pour 1 euro), d’une dette contrôlée et d’une inflation maitrisée. Poids lourd des ressources, le Brésil va devenir l’un des plus gros producteurs d’hydrocarbure au monde grâce aux gigantesques découvertes de pétrole au large de l’état de Rio. Plus encore, le pays tente d’imposer l’utilisation de l’éthanol comme carburant au niveau mondial. Autosuffisant en Energie, le pays-continent dispose d’une balance commerciale de qualité, d’une prospérité diplomatique croissante, d’une démocratie saine et d’investissements étrangers en augmentation.

 

Si les deux mandats de Lula sont incontestablement une grande réussite économique, sociale et politique, il ne faut pas oublier que le Brésil avait commencé son tournant vers le néolibéralisme sous la Présidence de Fernando Henrique Cardoso (Président de 1995 à 2003). La stabilisation économique du pays, suite au Plan Real de 1994 dudit Président Cardoso peut représenter le point de départ de l’émergence du Brésil comme puissance mondiale. Cependant, Lula da Silva a réussi ce dont le pays avait le plus besoin : fédérer un peuple si différent dans un pays si vaste en réussissant des réformes d’ampleur et des paris sociaux novateurs (avec notamment la Bolsa familia [1] [2]).

 

Le Brésil se présente aujourd’hui comme un pays d’avenir et d’accueil des investissements mondiaux. Mais il ne faut pas oublier qu’il reste un pays nourri de complexités structurelles et qui se doit de mettre en œuvre des réformes importantes : réformes de l’administration, de la fiscalité, du droit social et réforme industrielle principalement.

 

II.   Un cadre légal en mutation

 

Le cadre légal brésilien est déjà en pleine mutation depuis 2007 et la mise en place du Plan d’accélération à la croissance, dont Dilma Rousseff, désormais présidente, avait la charge pendant ces dernières années.

 

Le PAC, Programa de Aceleração do Crescimento [3] (Plan d’accélération de la Croissance) a pour objectif de soutenir la croissance brésilienne en stimulant l’investissement privé par des mesures administratives et fiscales, développant les infrastructures dans les industries réputées pour leur effet d’entraînement dans l’économie (transport, énergie, construction civile) et réduisant les inégalités régionales (les Etats les plus pauvres recevront plus de ressources) [4]. Le Plan d’accélération à la Croissance fait partie d’une série de grands Plans transversaux ayant pour but de régler les problématiques structurelles à l’accélération et à la pérennité de sa croissance, ainsi qu’à appuyer le développement de ses entreprises plus sure.

 

Car le Brésil reste un pays pleins d’antagonismes et de paradoxes. Bien que disposant de nombreuses richesses et d’une très forte croissance, il reste l’un des pays les plus inégalitaires du monde. Autre point négatif, la violence endémique et extrême que connait le pays. La pacification du Brésil sera un élément essentiel des prochaines années. Pour un pays se présentant sur les devants de la scène mondiale (organisation de la coupe du monde de football en 2014 et des Jeux Olympiques en 2016 à Rio de Janeiro), la logique du système de répression de la violence doit changer. Cela passe par la création de plus en plus d’unités de police pacificatrice (« UPP ») dans les favelas, par une diminution indispensable de la corruption dans la police et l’administration et par l’augmentation de l’efficacité de la justice.

 

La corruption fait également partie des points noirs du Brésil, si bien que les parlementaires brésiliens ont adopté en juin 2010 la première loi anti-corruption de l’histoire du Brésil. Cette loi fut baptisée ficha limpa (fiche propre). L’objectif est d’endiguer une corruption traditionnelle qui entraine népotisme, favoritisme ou clientélisme, et, de fait, ralentit les perspectives d’évolution du pays. Toute personnalité politique condamnée en première instance par un collège de magistrats pour corruption électorale, achat de votes ou malversation sera inéligible pendant huit ans. Cette loi s’applique également aux personnalités qui démissionnaient de leur poste pour échapper à la justice. La loi anti-corruption est l’exemple même que le Brésil à l’intention d’apporter des solutions légales à ses problématiques.

 

Ajouter à cela une administration procédurière et une complexité récurrente du système fédéral, et le Brésil pourrait rapidement ne pas offrir les garanties structurelles à son essor économique. Les lenteurs de l’administration, qui atteignent grandement la compétitivité et la productivité des entreprises, sont souvent décriées.

 

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III.   Un environnement des affaires à sécuriser


Les besoins croissants d’une classe moyenne en augmentation font la satisfaction des futurs investisseurs brésiliens et étrangers. La tradition civiliste du pays-continent rapproche nos deux systèmes. Le Brésil dispose, selon Charles-Henry Chenut (avocat au sein du cabinet Chenut Oliveira Santiago) d’ « un cadre opérationnel connu, puisque le droit romano-germanique a baigné le système juridique ». [5]

 

Le code Napoléonien inspire beaucoup le droit civil brésilien qui a subi une évolution récente en 2002 avec son Código Civil. Le Code civil du Brésil réunit les dispositions de droit civil et droit commercial. Il s’inspire du code civil allemand avec une partie générale et une partie spéciale traitant des obligations, des droits réels de la famille, des successions et de l’entreprise. La lésion et la révision pour imprévision sont des possibilités offertes par le droit des contrats brésiliens. Par ailleurs, le Code s’inspire largement de la bonne foi du droit des contrats français, tout comme le droit de la responsabilité. Il est donc remarquable que la proximité de nos deux systèmes civilistes tende à favoriser les investissements entre les deux pays.

 

Mais les lourdeurs administratives, la corruption et l’obligation de faire authentifier tout document sont des obstacles considérables pour implanter une structure au Brésil. D’autant qu’il est obligatoire  d’opter pour le statut de société brésilienne pour s’implanter dans le pays. Les réglementations rigides du droit social brésilien empêchent une flexibilité nécessaire pour tout chef d’entreprise.

 

Encore, les méthodes de règlement des conflits sont encore très critiquées. Bruno de Cazalet, avocat-associé chez Gide Loyrette Nouel, avance que « l’arbitrage existe mais il exige une procédure purement brésilienne », le pays n’ayant toujours pas signé la convention du Cirdi (centre international de règlement des différends relatifs à l’investissement) [6].

 

Selon une enquête de la Société financière internationale, il est nécessaire de compter une centaine de jours en moyenne pour créer une société au Brésil, pour remplir les 18 procédures différentes nécessaires. Le « coût Brésil » se fait également sentir avec l’établissement de l’imposition (2600 heures en moyenne par an).

 

Cependant la démocratie brésilienne n’a que 25 ans. Il est important d’avoir pour mémoire l’état de délabrement dans lequel la dictature militaire a laissé le pays en 1986. Ainsi, le bilan économique, social et culturel du Brésil est globalement extrêmement positif. Reste que le droit brésilien (en particulier le droit financier, le droit des biens, le droit commercial et fiscal et le droit social) est amené à changer en profondeur face aux enjeux du futur.

 

 

Adrien CHALTIEL

Elève-avocat, Intern au sein du cabinet Veirano Advogados, Rio de Janeiro

 

 

Notes


[1] Bolsa Família est un programme social brésilien, destiné à lutter contre la pauvreté et mise en place sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva.

 

[2] http://www.mds.gov.br/bolsafamilia

 

[3] http://www.brasil.gov.br/pac

 

[4] Site de l’ambassade de France au Brésil

 

[5] Source – article de Olivier Razemon, la lettre des juristes d’affaires, « au Brésil, savoir bien s’entourer »

 

[6] Source – article de Olivier Razemon, la lettre des juristes d’affaires, « au Brésil, savoir bien s’entourer »

 

Pour en savoir plus


Le site internet du Petit Juriste avec plusieurs articles sur le Brésil

 

Le Monde hors-série « Brésil, un géant s’impose »

 

 

 

 

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