Le crédit inter-entreprises : la nouvelle exception au monopole bancaire

Si certaines mesures de la loi Macron ont fait l’objet d’une attention particulière, d’autres au contraire sont presque passées inaperçues. Tel est le cas de la nouvelle exception au monopole bancaire que constitue le crédit inter-entreprises.

La loi Macron entraîne la modification de l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier (CMF) auquel elle vient ajouter un nouveau paragraphe 3 bis[1].

Un monopole connaissant déjà de nombreuses exceptions

Le monopole bancaire est régi par le CMF à l’article L.511-5. Ainsi, par principe, une société autre qu’un établissement de crédit ne peut pas, de manière répétée, réaliser des prêts d’argent au bénéfice d’une ou plusieurs autres. La violation de cette interdiction fait encourir des sanctions pénales[2], disciplinaires et civiles.

Il convient toutefois de relativiser cette interdiction. Les articles L.511-6 et L.511-7 du CMF prévoient un certain nombre d’exceptions à ce monopole. Parmi elles, les crédits dits intragroupes (article L. 511-6 3° alinéa 3) définis comme des crédits consentis par une société au profit d’une autre et entres lesquelles existent des liens de capital conférant à l’une un pouvoir de contrôle effectif sur l’autre. Par conséquent, une société mère peut tout à fait consentir un crédit à l’une de ses filiales.

Le crédit inter-entreprises : nouvelle exception strictement encadrée

Faute d’existence de tels liens, un prêt entre entreprises indépendantes se révèle impossible pénalisant ainsi les TPE et PME souffrant souvent de problèmes de trésorerie et donc de financement. Cela s’explique notamment par le fait que les banques se montrent réticentes à octroyer des facilités de trésorerie : s’inscrivant dans un contexte à court terme, elles ne présentent, faute de rentabilité, que peu d’intérêt.

Jean-Christophe Fromantin, député, avait insisté sur cette difficulté lors de la présentation de son amendement. C’est donc pour faciliter l’accès au crédit de ces TPE-PME que l’amendement Fromantin a été adopté. Ce dernier élargit ainsi la brèche ouverte par le crédit intragroupe dans le monopole bancaire, et ce, en permettant à certaines sociétés de consentir des prêts à des entreprises avec lesquelles elles entretiennent des relations commerciales.

Cependant, le nouvel article L.511-6 3 bis a pris soin d’encadrer strictement cette mesure de désintermédiation bancaire en posant pas moins de treize conditions dont voici les principales : seules les sociétés anonymes et les SARL dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes pourront octroyer ces crédits. Les bénéficiaires de ces crédits devront relever de la catégorie des TPE-PME ou des entreprises de taille intermédiaire et devront entretenir avec la société prêteuse des liens économiques. Le prêt devra être consenti à titre accessoire à l’activité principale et pour deux ans au maximum. Il devra également être formalisé dans un contrat et être soumis à la procédure des conventions réglementées[3]. Face à la crainte d’une favorisation des abus de dépendance économique, certains ont avancé que la réglementation et la jurisprudence applicables permettraient de protéger efficacement l’entreprise qui emprunterait auprès de son donneur d’ordres. La mesure n’entrant en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2016, il faudra patienter pour connaître l’impact de ce nouveau crédit inter-entreprises.

 

Juliette Tramaille

[1] Modification issue de l’adoption de l’amendement Fromantin

[2] Article L. 571-3 du CMF

[3] Articles L.223-19 et L.225-38 du Code de commerce

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