Près de 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl, l’accident nucléaire de Fukushima relance la controverse quant aux dangers liés à ce type d’énergies et nombreux sont ceux qui avancent des arguments juridiques pour demander un moratoire. Retour sur les grands principes du droit de l’environnement invoqués dans ce débat.
Le nucléaire civil avait connu un renouveau depuis quelques années. La Chine, l’Inde, Abou Dhabi, l’Arabie Saoudite, pour ne citer qu’eux, ont récemment fait le choix de cette énergie. L’Italie, qui y avait renoncé par référendum en 1987, a affirmé en mai 2008 qu’y revenir était inévitable. L’Allemagne envisageait de prolonger de 12 ans en moyenne la vie de certains de ses réacteurs (en dépit de la loi passée en 2002 qui prévoyait leur fermeture progressive). A présent l’Italie hésite et l’Allemagne a décidé d’un moratoire sur les prolongations.
En France, pays comptant 58 réacteurs nucléaires produisant près de 80% de l’électricité consommée, cette énergie jouit d’un statut particulier. Des années 1960, où l’aventure du nucléaire civil a débuté sous l’impulsion du général De Gaulle, à 2006, la création de telles installations était en effet régie par un simple décret. Cependant, des principes tels la participation du public, l’information, la précaution ou encore la prévention sont désormais garantis et s’appliquent au domaine du nucléaire.
Les principes de participation et d’information
L’article L.110-1 du code de l’environnement affirme que : « chacun a accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ». La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, qui a inspiré la rédaction de cette définition, énonce en son principe 10 que la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est de favoriser la participation de tous les citoyens, ce qui nécessite une information préalable. Le principe de participation, qui va de pair avec celui d’information, a été renforcé par la loi dite « Grenelle 2 ».
Ces principes sont également protégés à l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004 qui a été intégrée au bloc de constitutionnalité français par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. L’accès à l’information en matière d’environnement est garanti au niveau européen par la directive du Conseil du 7 juin 1990 et sur le plan international par la convention d’Aarhus du 25 juin 1998.
Le principe de précaution
Le principe de précaution est également énoncé à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Il s’agit du principe « selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ». Ce principe est aussi consacré à l’article 5 de la Charte. Au niveau communautaire, il est affirmé à l’article 174-2 du Traité d’Amsterdam, tandis qu’au niveau international, il est prévu dans de nombreuses conventions et au principe 15 de la Déclaration de Rio.
Le principe de prévention
Le principe de prévention enfin implique la mise en œuvre de règles et d’actions pour anticiper toute atteinte à l’environnement. Il requiert des mécanismes tels l’étude d’impact, l’autorisation préalable, la correction à la source ou les éco-audits. Il est énoncé à l’article 130-R-2 du traité de Maastricht ainsi qu’à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Il n’est pas nommément cité dans la Charte mais l’article 3 y fait indirectement référence.
La tendance est donc au renforcement de cet arsenal juridique et il est fort probable de voir dans les années à venir de nombreux contentieux liés à l’application de ces différents principes.
Charles HUARD
Pour en savoir plus Loi n° 2006-686, 13 juin 2006, relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « TSN »
Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1 mars 2005 relative à la Charte de l’environnement
Revue environnement et développement durable ; LexisNexis ; Mars 2011 n°3, article de Marie-Béatrice LAHORGUE |