Le volet social de la loi Warsmann de simplification du droit

Le volet social de la loi Warsmann de simplification du droit[1]


 


 

 

Parce que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »[2], il faut en finir avec la logorrhée du législateur. Cet œuvre, auquel les citoyens sont désormais priés de contribuer (le portail www.simplifionslaloi.assemblee-nationale.fr permet aux plus avertis de signaler les renvois inexistants, doublons et autres contresens commis par le législateur), se traduit par une série de lois de simplification, dont la loi Warsmann est la dernière en date.



Paradoxalement, cette loi fût elle-même accusée de méconnaitre l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. La proposition de loi fût ainsi déférée devant Conseil constitutionnel au chef de sa complexité et du caractère hétérogène de ses dispositions. Les juges de la rue de Montpensier n’y ont pas vu d’atteinte à la Constitution au motif, notamment, que « la complexité de la loi et l’hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi »[3]. Les griefs portant sur le recours injustifié à la procédure accélérée ou l’absence de lien avec le texte de la proposition de loi de certaines dispositions n’ont pas davantage convaincu les juges.

 

Le volet social de la loi correspond à une vingtaine d’articles dont les plus significatifs sont ci-dessus exposés :

 

Article 45 : La mise en place de la modulation ne constitue pas une modification du contrat de travail. (L. 3122-6 C. trav.) Cette disposition vise à contrecarrer une jurisprudence récente de la Cour de cassation qui avait fait grand bruit en déclarant que « l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié »[4], ce qui annonçait, pour un auteur, la mort des accords collectifs d’annualisation du temps de travail[5]. Cette disposition, faisant prévaloir l’accord collectif sur le contrat de travail, a bien entendu été mise en cause dans la saisine du Conseil constitutionnel ; les juges ont néanmoins considéré qu’elle ne portait pas une atteinte injustifiée à la liberté contractuelle.

 

 

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Article 46 : Consécration législative du télétravail. (L. 1222-9 à -11 C. trav.) Le législateur transpose, par trois nouveaux articles, l’essentiel de l’Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 conclu sur le sujet. L’intégration du télétravail dans le Code se sera donc fait par une loi de simplification du droit adoptée par la procédure accélérée, ce qui peut surprendre ; ne s’agit-il pas d’un cavalier législatif ? Pour le Conseil constitutionnel la réponse est négative, considérant qu’ « aucune exigence constitutionnelle n’impose que les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi présentent un objet analogue ».

 

Article 47 : Le licenciement pour inaptitude non-professionnelle prend effet dès la notification. (L. 1226-4 C. trav.) Il n’y a plus de préavis pour le salarié qui par définition est inapte à l’effectuer, ni d’indemnité compensatrice de préavis à payer par l’employeur.

 

Article 48 : Modification de délais dans la procédure disciplinaire. (L. 1332-2 C. trav.) Le délai minimal entre l’entretien préalable et la notification de la sanction passe d’un jour franc à deux jours ouvrables.

 

Article 49 : Le maintien de salaire en cas de chômage des jours fériés est ouvert à un public élargi. (L. 3133-3 C. trav.) Désormais, il suffit pour le salarié de justifier d’une ancienneté d’au moins trois mois pour y prétendre.

 

Article 50 : L’ouverture du droit à congés payés n’est plus subordonnée à une période minimale de travail de dix jours. (L. 3141-3 C. trav.) Cette disposition tend à rendre le droit français conforme à la jurisprudence de la CJUE selon laquelle les Etat membres ne peuvent poser aucune condition à la constitution du droit à congés payés[6].

 

Article 55 : Obligation d’information de l’inspecteur du travail. (L. 8113-7 C. trav.) Celui-ci doit désormais, en plus de communiquer à l’employeur les procès-verbaux d’infractions relatives à la durée du travail, informer la personne visée au procès-verbal de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues et ce avant la transmission du PV au procureur de la République.

 

Article 56 : Réintégration du salarié mis à disposition. (L. 8241-2 C. trav.) À l’issue de la mise à disposition, l’employeur n’a plus besoin de reclasser le salarié à « son poste de travail » mais peut lui proposer « un poste équivalent ».

 

Stella Petersen

 

Notes

 

[1] Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité de droit, parue au JO n° 115 du 18 mai 2011 (rectificatif paru au JO n° 121 du 25 mai 2011). La loi est, pour la majeure partie des dispositions, entrée en vigueur le 24 mars 2012.

 

[2] Montesquieu, De l’esprit des lois

 

[3] Conseil constitutionnel, Décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012

 

[4] Cass. soc., 28 septembre 2010, no 08-43.161

 

[5] Françoise Favennec-Héry,  « Une mort annoncée des accords collectifs d’annualisation du temps de travail », Semaine sociale Lamy no 1464

 

[6] Not. CJUE, 24 janv. 2012, aff. C-282/10, Maribel Dominguez ; CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99, Bectu ; 20 janv. 2009, aff. C-350/06 Schultz-Hoff

 

 


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