L’effet d’une transaction en cas de transfert d’entreprise

L’effet d’une transaction en cas de transfert d’entreprise

 

L’article 2044 du code civil définit la transaction comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Malgré l’instauration de la rupture conventionnelle en 2008, la transaction est fréquemment utilisée lors des contentieux opposant employeurs et salariés. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 novembre 2013 apporte une utile précision sur la portée d’une transaction en cas de transfert d’entreprise.

 

I- Le contenu de l’arrêt rendu le 20 novembre 2013

 

Dans cette affaire, un salarié protégé a été licencié pour motif économique après autorisation donnée par l’inspecteur du travail. La décision d’autorisation ayant été annulée, le salarié a demandé sa réintégration dans l’entreprise ainsi que le paiement de ses salaires depuis son licenciement. L’entreprise ayant été transférée à un repreneur, ce dernier a refusé de faire droit aux demandes du salarié en lui opposant la transaction conclue avec le précédent employeur.

La question ainsi posée à la chambre sociale de la Cour de cassation est de savoir si, en cas de transfert d’entreprise, le repreneur peut opposer à un salarié la transaction conclue avec l’ancien employeur.

La transaction est le contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître (article 2044 du code civil). Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu (article 2048 du code civil). La transaction étant un contrat, elle a en vertu de l’article 1134 du code civil, un effet obligatoire entre les parties qui doivent en respecter les termes et exécuter les obligations qui en découlent. La transaction a l’autorité de la chose jugée (article 2052 du code civil) et la partie la plus diligente (ou l’ensemble des parties) à la transaction peuvent même saisir le juge compétent pour connaître du contentieux objet de l’accord, par requête, afin que ce dernier homologue l’acte pour lui conférer la force exécutoire (article 1568 du code civil).

Or en l’espèce, la transaction avait été conclue avec l’ancien employeur, le repreneur étant ainsi tiers au protocole transactionnel conclu. Le salarié demandait que le nouvel employeur ne puisse se prévaloir du bénéfice de cette transaction, empêchant le salarié d’exercer toutes poursuites relatives à son licenciement pour motif économique.

La Cour de cassation rejette cette demande au motif que « si l’effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l’autorité d’une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction ». Le repreneur pouvait donc opposer au salarié la transaction conclue avec l’ancien employeur.

 

Obligation de loyauté

II- L’analyse de la solution rendue

 

Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Certes, par principe, le contrat a un effet relatif. L’article 1165 du code civil dispose en effet que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ». C’est également ce que rappelle l’adage « res inter alios acta ».

Toutefois, la Cour de cassation a construit une jurisprudence abondante concernant les exceptions à l’article 1165 du code civil. La Cour a ainsi jugé que l’article 1165 du code civil n’interdit pas aux tiers d’invoquer la situation de fait créée par les contrats auxquels ils n’ont pas été parties (Cass Com, 1er avril 1965, n°61-12952). De plus, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu le 14 mai 2008 (Cass Soc, 14 mai 2008, n°07-40946) une décision identique à celle du 20 novembre 2013.

Le repreneur se substituant automatiquement à l’employeur cédant en cas de transfert d’entreprise, par l’effet de l’article L.1224-1 du code du Travail, il apparaît opportun qu’il puisse bénéficier des transactions conclues entre les salariés et l’ancien employeur.

 

Romain TAFINI

Diplômé du Master 2 Droit et pratique des relations de travail – Paris II Panthéon-Assas

Étudiant au sein de l’IEJ de l’université de Nice-Sophia-Antipolis

 

Pour en savoir plus :

– Cass Soc, 20 novembre 2013, n°10-28582 :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028230665&fastReqId=1172381874&fastPos=1

– Cass Com, 11 avril 1965, n°61-12952 :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000006969099&fastReqId=2019688243&fastPos=1

– Cass Soc, 14 mai 2008, n°07-40946 :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000018808313&fastReqId=212428151&fastPos=1

 

 

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