Les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

 

 

 


 

 

Plus de 30 ans après la chute des Khmers rouges, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux Cambodgiens (CETC) ont pour objet de juger les plus hauts dignitaires du régime du Kampuchéa  démocratique (KD).

 

 


 

 

Le génocide des Khmers rouges fut un phénomène « d’auto-destruction » qui débuta le 17 avril 1975 avec l’instauration de la dictature du KD, ce qui mit fin à la guerre civile au Cambodge. D’une part, le Cambodge a choisi de se replier sur lui-même en excluant la Communauté Internationale et d’autre part, en instituant une société basée sur la paysannerie. Le peuple cambodgien paya un lourd tribut, 1,7 million de mort soit 20% de la population (exécutions arbitraires, dénonciations, faim, maladie…). Le 7 janvier 1979 les troupes vietnamiennes envahissent Phnom Penh provoquant l’effondrement du régime du KD et accélérant la mise en place de la République populaire du Kampuchéa.

 

L’irruption sur la scène internationale de juridictions pénales, outre la Cour Pénale Internationale qui est l’institution permanente, est un phénomène relativement récent ; la multiplication de leur forme et de leur nature est une manifestation qu’il faut appréhender dans la sphère du droit international. La particularité des CETC réside dans leur caractère mixte qui mêle des caractéristiques internationales et internes. Il s’agit de l’un des types de juridiction pénale internationalisée étant qualifiés comme « des organes judiciaires ad’hoc créés par l’ONU selon une logique de juxtaposition entre les deux ordres juridiques et dont la fonction est de juger les responsables de violations graves du droit international humanitaire ».

 

L’ambition des CETC prend ses sources dans la volonté politique officielle de réconciliation nationale, celle-ci ne fait pourtant pas l’unanimité. En effet, journalistes, auteurs, politiques ou victimes soulèvent de nombreuses questions, notamment, pourquoi seuls les cinq hauts dignitaires sont inculpés, pourquoi les poursuivre plus de 30 ans après, pourquoi avoir institué une juridiction mixte et non pas avoir recours à  une justice purement nationale (comme le fait remarquer François Ponchaud « la communauté internationale n’a absolument aucun droit de juger, vu qu’elle a soutenu les Khmers rouges ») ?

 

 

Tribunal Cambodge - Photo REUTERS/POOL New

 

 

Au-delà de ces clivages, la création des CETC résulte d’un processus long et riche en rebondissements. Peu de temps avant la fin de la guerre civile au Cambodge (1998), le Gouvernement cambodgien demande l’aide des Nations Unies afin d’ériger un tribunal pour traduire les hauts dirigeants du KD en justice. Après de nombreux désaccords, la solution finalement retenue entre les Nations Unis et le Gouvernement royal du Cambodge sera l’Accord de 2004 qui établit les CETC  «  chargées de traduire en justice les personnes responsables des crimes commis pendant la période du KD ».

 

Le caractère mixte des CETC réside également dans leur fonctionnement et dans leur personnel. Effectivement, le compromis se retrouve dans les trois chambres composées de juges internationaux (8) et de juges cambodgiens (11) lesquels sont majoritaires au sein de chacune des chambres tout en sachant qu’une simple majorité ne suffit pas à prendre une décision.  Leurs décisions doivent, en cas de lacunes des règles procédurales cambodgiennes s’inspirer des règles internationales. Afin de défendre les intérêts des 956 parties civiles, les inculpés, Kaing Guek Eav « Douch », Nuon Chea, Ieng Sary, Ieng Thirith et Khieu Sampham (Pol Pot ayant été condamné par contumace) seront jugés pour Crimes contre l’Humanité et Crimes de Guerre, en application « du droit et de la coutume humanitaire internationale et des conventions internationales reconnues par le Cambodge ».

 

Douch est le seul à avoir reconnu sa responsabilité dans les crimes commis dans le camp S 21. L’ouverture de son procès le 19 février 2009 marque le début de la procédure. De vives réactions ont été suscitées en novembre dernier lorsque son avocat cambodgien requit son acquittement. Au-delà des problèmes rencontrés par les CETC (lenteur, ingérence du pouvoir cambodgien, corruption…), cet épisode soulève un certain nombre de questions avant l’ouverture du « dossier n°2 », celui des autres inculpés début 2011.

 

 

Mélanie Dubuquoy

 

 

Pour en savoir plus

 

D. Boyle, « Quelle justice pour les Khmers rouges ? », Revue Trimestrielle des Droits de  l’Homme, Bruylant, Bruxelles, No. 40, octobre 1999, pp. 818-820

 

AC. Martineau, Les juridictions pénales internationalisées, un nouveau modèle de juridiction hybride, 2007 Paris, Editions Pédone, 300 p.

 

D. Luken-Roze, Cambodge : vers de nouvelles tragédies ? Actualité du génocide, 2005 Paris, L’Harmattan, 251 p.

 

www.cambodge.blogs.liberation.fr

 

www.cambodiatribunal.org.

 

 

 

One comment

  1. Bonjour,

    Je suis Lana CHHOR Franco Sino-Khmère et je souhaite vous informer qu’il ne s’agit pas du tout d’un phénomène d’AUTODESTRUCTION comme vous l’écrivez. Je me bats depuis plusieurs années contre cette thèse de l’autogénocide et vous invite à vous rapprocher de moi si vous souhaitez plus d’informations. J’ai publié et continue à écrire des articles de presse sur le Cambodge et un témoignage en 2018.

    Bien à vous

    Lana CHHOR

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