La taxe carbone européenne est une nouvelle législation, en vigueur depuis le 1er janvier 2012, sur les émissions de CO2 des avions, visant à lutter, un tant soit peu, contre le réchauffement climatique. Une mesure qui devrait rapporter à l’Union européenne plus de 250 millions d’euros en 2012. Bonne aubaine, dira-t-on : l’Europe est crise, tout pécule est la bienvenue ! Toutefois, cette législation ne semble pas faire l’unanimité : les grandes compagnies aériennes et les grands Etats du monde s’y opposent vigoureusement.
On aurait tort de jauger ce problème uniquement à travers la loupe géopolitique et économique. La taxe carbone est, avant tout, un instrument juridique audacieux et, pour le moins, avant-gardiste. C’est une forme de fiscalité écologique au service de l’emploi.
Un dispositif juridique rigoureusement implacable
Entrée en vigueur le 1er janvier 2012, la nouvelle réglementation européenne oblige toutes les compagnies aériennes desservant les aéroports de l’UE à acquérir des permis d’émission pour un montant correspondant à 15 % des émissions de CO2 engendrées par chaque trajet à destination ou en provenance de ces aéroports. Non discriminatoire, puisqu’elle concerne indistinctement toutes les compagnies desservant l’espace européen, quelle qu’en soit la nationalité ou la résidence, cette obligation fondée sur la protection de l’environnement est dès lors parfaitement conforme à la Charte de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Elle est également bien entendu conforme aux traités européens mais aussi aux diverses dispositions du droit international en matière d’aviation civile, comme l’a rappelé, dans son arrêt du 21 décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne saisie par plusieurs compagnies aériennes américaines qui en contestaient la légalité.
Pourtant, la taxe carbone européenne provoque l’ire d’un certain nombre d’acteurs économiques non sans importance.
Une opposition virulente venant des grands Etats du monde
Cette nouvelle n’est pas bien acceptée au niveau international, notamment par la Chine, la Russie et les Etats-Unis. En effet, 26 des 36 membres de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) ont estimé que cette taxation ne peut pas être décidée de manière unilatérale.
Selon le Congrès américain, cette mesure est «non conforme à la Convention relative à l’aviation civile internationale» de 1944 et «contraire à la coopération internationale pour régler efficacement le problème des émissions de gaz à effet de serre par l’aviation». Pour le moment, leur recours déposé en Grande-Bretagne a été rejeté par la Cour européenne de justice.
En réaction à l’ETS, la Chine pense suspendre certains contrats avec Airbus, dont celui portant sur de nombreux gros porteurs, estimé à douze milliards de dollars. Certains pays prévoiraient de mettre en place des taxes spéciales et des restrictions de trafic aérien pour les compagnies aériennes européennes, selon l’avionneur européen. La Russie envisage d’interdire le survol de son espace aérien aux avions européens. Airbus estime que deux mille emplois sont en jeu.
Les réactions ont été vives : les PDG de neuf sociétés européennes, dont Airbus, Air Berlin, Air France, British Airways, Iberia et Lufthansa ont demandé aux chefs des gouvernements français, allemand, britannique et espagnol de faire pression sur la Commission européenne pour reconsidérer la position adoptée par l’Union Européenne.
L’Union européenne prête à négocier
Dans un entretien accordé au Monde, Mme Hedegaard, commissaire européenne à l’action pour le climat, atteste vouloir ouvrir des négociations avec les parties prenantes dans le cadre de l’OACI. Une nouvelle réunion est prévue en juin. « Nous voulons faire preuve d’ouverture », confie-t-elle, « mais le projet d’obtenir un accord à tout prix(…) ne suffira pas. Le texte devra contribuer réellement à la réduction des émissions de CO2 ».
Quoi qu’il en soit, il serait juridiquement inapproprié de rebrousser chemin. L’Europe doit être ambitieuse et tenace en la matière.
Rydian DIEYI