Les réformes de la fiscalité : bilan et perspectives en 2011-2012

 


 

Le contexte budgétaire actuel amène l’état à de profonds changements au sein du droit fiscal. Ces changements se font, pour la majorité, dans le sens de la rigueur et de l’économie budgétaire.

 

La loi de finances rectificative pour 2011 a été publiée au Journal officiel du 30 juillet. Celle-ci mérite qu’on s’intéresse à ses apports, car elle modifie plusieurs domaines de la fiscalité, et notamment l’ISF, le bouclier fiscal, mais aussi les donations, les droits de successions, la fiscalité des plus-values avec la création d’une « exit tax », et enfin un tout nouvel encadrement fiscal des trusts (I).

 

On s’intéressera ensuite aux grandes lignes issues du projet de Loi de Finances de 2012 que sont notamment la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, la réduction des niches fiscales, et le renforcement de la politique fiscale en faveur du logement (II).

 


 

I. Les réformes de juillet 2011

 

De nouvelles tranches pour l’ISF : allègement et simplification

 

Dès 2011, le seuil d’imposition à l’ISF est relevé. Ainsi, l’impôt n’est dû que par les personnes dont le patrimoine net taxable est supérieur ou égal à 1.300.000 euros, contre 800.000 euros auparavant.

 

Cela permet d’écarter 300.000 foyers « modestes » de l’ISF, (premiers bénéficiaires, en nombre, de la réforme), et répond à l’objectif de celle-ci, qui est d’alléger cet impôt et de le rendre plus équitable. Chaque foyer économisera donc en moyenne 1057 euros, d’après les derniers calculs de la Commission des finances de l’Assemblée. Le profil de ces foyers est connu : il s’agit des ménages propriétaires de leur résidence principale dont la valeur s’était envolée.

 

En revanche, les personnes dont le patrimoine est supérieur à 1.300.000 euros restent imposées en 2011 selon le barème existant.

 

Taux d’ISF applicable en 2011

 

 

 

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable (%)

N’excédant pas 800.000 €

0

Supérieure à 800.000 € et inférieure ou égale à 1.310.000 €

0,55

Supérieure à 1.310.000 € et inférieure ou égale à 2.570.000 €

0,75

Supérieure à 2.570.000 € et inférieure ou égale à 4.040.000 €

1

Supérieure à 4.040.000 € et inférieure ou égale à 7.710.000 €

1,30

Supérieure à 7.710.000 € et inférieure ou égale à 16.790.000 €

1,65

Supérieure à 16.790.000 €

1,80

 

Nouvelles tranches d’imposition

 

Le barème de calcul de l’ISF est le suivant et s’appliquera à l’impôt dû en 2012.

 

Montant de patrimoine

Taux d’imposition

Inférieur à 1.300.000 €

Exonération

Compris entre 1.300.000 et 3.000.000 €

0,25 % dès le premier euro

Supérieur ou égal à 3.000.000 €

0,50 % dès le premier euro

 

 

 

La progressivité de l’impôt est supprimée. Cela signifie que le taux s’applique non pas à la part de patrimoine supérieure au seuil, avec un système par tranches, mais dès le premier euro.

 

La suppression du bouclier fiscal

 

Le bouclier fiscal, mesure établie en 2007, plafonnait les impôts directs à 50% des revenus. Celui-ci sera supprimé à compter des impôts payés en 2012 (au titre des revenus 2011, donc).

 

C’est en quelque sorte le « financement », pour l’état de l’allègement du barème d’ISF.

 

Le bouclier fiscal qui plafonne les impôts directs à 50% des revenus a un prix : 700 millions d’euros par an.

 

Un bouclier sera par ailleurs maintenu pour les plus modestes non assujettis à l’ISF, quand leur taxe foncière sur la résidence principale dépasse 50 % de leurs revenus. Ce plafonnement s’appliquerait à compter des impositions établies au titre de 2012.

 

Donations : l’allongement des délais 

 

La loi permettait, depuis 2006, de transmettre un montant de 159 325 euros tous les six ans, en franchise de droits. Ce délai est augmenté par la loi de 2011 et passe désormais à 10 ans.

 

Un mécanisme transitoire de lissage a été mis en place pour les biens donnés entre six et dix ans avant l’entrée en vigueur de la loi.

 

Successions : un barème relevé

 

En ce qui concerne les successions en ligne directe, les deux dernières tranches du barème sont touchées : les taux des droits de succession sont relevés de cinq points chacun.

 

Les parts nettes taxables comprises entre 902.838 euros et 1,8 million d’euros seront donc taxées à 40 % et celles supérieures à 1,8 million seront taxées à 45 %.

 

En ce qui concerne les droits de succession sur les contrats d’assurance-vie, les sénateurs ont adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement qui aligne le régime fiscal du prélèvement acquitté par le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie au décès du souscripteur sur le barème des droits de succession, tel qu’il est modifié par le projet de réforme de l’ISF.

 

La création d’une « exit tax »

 

Le gouvernement instaure une « exit tax » (19%, plus les prélèvements sociaux) afin d’inciter les particuliers à établir leur résidence fiscale en France, et pour éviter que ceux-ci cherchent à échapper à l’imposition de leurs plus-values en France.

 

Le montant de la taxe porte uniquement sur la part de la plus-value ayant été réalisée en France.

 

Sont donc concernées par la mesure les personnes transférant leur domicile fiscal hors de France et détenant (avec les autres membres du foyer fiscal) une participation directe ou indirecte d’au moins 1 % dans une société, ou une participation dans une société d’une valeur supérieure à 1,3 millions d’euros.

 

A noter également que la plus-value sera exonérée au bout de 8 ans de détention, et que l’impôt sera dégrevé en cas de retour en France avant l’expiration de ce délai de 8 ans.

 

La nouvelle fiscalité du trust

 

Le trust, montage financier de droit anglo-saxon, permettait jusqu’alors à ses bénéficiaires de profiter d’une « zone d’ombre » du droit fiscal français pour échapper à l’impôt en France.

 

Rappelons brièvement que le trust est une relation juridique (et non une entité ou une personne morale) résultant d’une décision d’un constituant (settlor) de confier des biens à un tiers gestionnaire (trustee) qui les contrôlera de manière discrétionnaire ou d’une façon encadrée, avec pour objectif de les gérer dans l’intérêt d’un ou plusieurs bénéficiaires (beneficiary).

 

L’art 14 de la loi du 29 juillet 2011 fait entrer, sous certaines conditions, certains trusts dans le droit fiscal commun des mutations à titre gratuit, soit par  donation ou par  succession soit, ce qui est nouveau, par affectation globale ou/et conservation des actifs du trust dans le champ d’application de l’ISF.

 

niches-fiscales-rabotees

(1)

 

II. Les réformes à venir

 

Le Budget de l’Etat marque un premier pas vers la rigueur. Le PLF de 2012 vise à défendre la note de la France en ramenant le déficit à 4,5 % de PIB.

 

Une contribution sur les hauts revenus

 

La contribution proposée concernera les titulaires des plus hauts revenus, qu’il s’agisse de revenus du travail ou du capital, c’est‐à‐dire ceux des foyers dont les revenus excèdent 500 000 euros pour une personne seule ou 1 million d’euros pour un couple.

 

Le montant de la contribution sera égal à 3 % de la fraction des revenus qui excède les seuils de 500 000 euros et 1 million d’euros.

Cet effort de solidarité est exceptionnel et s’appliquera aux revenus perçus à compter de 2011 et jusqu’au rétablissement des déficits publics à 3 % du PIB, c’est‐à‐dire, a priori, en 2013.

 

La réduction des niches fiscales

 

Une nouvelle réduction de 10 % sur l’avantage en impôt procuré par les réductions et crédits d’impôt compris dans le champ du plafonnement global des niches serait mise en place en 2012.

Un « rabot » serait donc porté aux niches fiscales ayant déjà fait l’objet d’une réduction de 10 % dans le cadre de la loi de finances pour 2011, afin de poursuivre l’effort engagé.

 

Le plafonnement global des niches fiscales sera donc réduit une fois encore cette année, pour la 3è année consécutive.

 

Cette baisse devrait concerner les mêmes avantages fiscaux que ceux touchés par le premier coup de rabot, et dans la même proportion, c’est-à-dire, comme on l’a vu, une réduction de 10 % des avantages fiscaux s’appliquant à la fois à leur taux et à leur plafond d’imputation, lorsqu’il existe.

 

Renforcement de la politique fiscale en faveur du logement

 

Prorogation et adaptation des réductions d’impôt en faveur de l’investissement Locatif

 

Le Gouvernement propose de proroger les dispositifs en faveur de l’investissement locatif, dits « Scellier » et « Censi‐Bouvard », jusqu’au 31 décembre 2015, soit 3 ans supplémentaires.

 

Institution d’une taxe sur les loyers abusifs

 

Pour lutter contre la pratique de loyers abusifs dans les zones où la tension locative est la plus forte (Ile de France, Côte d’Azur principalement), une nouvelle taxe serait instaurée pour les logements d’une surface inférieure à 13 m² dont le loyer dépasse un seuil fixé par décret à 40 euros/m2.

 

Elle permettrait de lutter contre des abus dont sont principalement victimes des locataires modestes, au premier rang desquels les étudiants.

 

 

Simon MINTZ

 

 

Notes:


(1) Source Internet de l’image

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