Lorsque les pouvoirs publics poussent au développement de la protection sociale d’entreprise

Désengagement du public/Encouragement du privé : Lorsque les pouvoirs publics poussent au développement de la protection sociale d’entreprise



 

La sécurité sociale est malade, victime d’une longue boulimie [1]. Pour sauver leur patient, les pouvoirs publics ont prescrit en 2010 un « régime » budgétaire des plus draconiens. Pour autant, des effets secondaires étaient à prévoir, à savoir une réduction drastique de son activité et donc de ses prestations. Victimes collatérales de cette convalescence nécessaire, les salariés vont rechercher, par l’intermédiaire de leur entreprise, une béquille sur laquelle se reposer ; un soutien de taille, dont le rôle est joué par les trois organismes assureurs privés que sont les sociétés d’assurance, les mutuelles ou encore les institutions de prévoyance.

 


 

Pour rappel, la protection sociale d’entreprise peut donner lieu à négociation sur trois thèmes :

●         La prévoyance dite « lourde » à laquelle se rattache l’incapacité de travail, l’invalidité, et le décès ;

●         Les garanties « frais de santé » qui complètent les prestations en nature versées par la sécurité sociale ;

●         Et pour finir la retraite supplémentaire qui vient en complément du régime de base et des régimes complémentaires obligatoires.

 

I.   Les pouvoirs publics cherchent de plus en plus à développer la protection sociale complémentaire d’entreprise

 

Dans le but de pousser des entreprises souvent peu philanthropes au développement de la protection sociale complémentaire, les pouvoirs publics ont ingénieusement manié « la carotte et le bâton » en instituant de multiples dispositifs.

 

C’est le cas de certains mécanismes impératifs, tels que l’obligation annuelle pour l’employeur de négocier sur le thème de la complémentaire santé [2], mais aussi des mécanismes incitatifs qui établissent des modalités d’exonérations de charges sociales et fiscales sur les cotisations aux régimes de protection complémentaires [3].

 

Cependant pour être mis en œuvre, ces mécanismes incitatifs doivent répondre à certaines conditions. En effet, pour bénéficier de ces exonérations, l’entreprise doit souscrire des contrats d’adhésion obligatoire ayant vocation à couvrir la totalité des salariés ou, a minima, une partie d’entre eux [4].

 

Ces modalités d’exonérations sociales et fiscales appellent deux remarques :

●        La première concerne les modalités de mise en place de la protection sociale d’entreprise (PSE). En effet, celle-ci peut s’exprimer soit par voie de négociation collective ou d’accords référendaires, soit directement par la simple volonté de l’employeur. Or, le mode d’expression utilisé emportera des conséquences fondamentales sur la possibilité pour l’employeur de prétendre ou non au bénéfice du mécanisme incitatif. Le droit du travail et des relations collectives entre ici directement en jeu ; et pour cause, seul l’accord référendaire ou la négociation collective permettent d’assurer, s’ils le prévoient, une adhésion obligatoire de l’ensemble des salariés [5] ;

 

●         La seconde touche à la fragilité de certaines notions juridiques telles que celle de « catégorie de personnels objectivement définie » résultant de l’absence de décrets explicatifs. Ce « flou » juridique aboutit alors à une exposition importante des entreprises au risque de redressements aussi bien fiscaux que sociaux.

Malgré les aléas touchant ce dispositif, les entreprises ont été majoritairement convaincues. Cette réalité s’observe au travers du développement massif du nombre de conventions aboutissant à la mise en place de régimes de protection sociale complémentaire au sein des petites comme des grandes structures [6].

 

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II.   L’intérêt des employeurs comme des salariés au développement de la PSE

 

Les employeurs ont aussi remarqué les avantages intrinsèques s’attachant à la mise en place de tels régimes complémentaires. En ce sens, ils permettent de donner aux politiques RH de l’entreprise une certaine plus-value, dans la mesure où ils renforcent l’attractivité de la structure, tout en fidélisant les salariés déjà présents.

 

Quant aux salariés, ils y trouvent eux aussi leur compte. En effet, ils bénéficient du poids humain de leur entreprise pour que leur soit ouverte une couverture médicale plus étendue, à moindres frais, et sans risque d’exclusion.

 

Et pour cause, le mécanisme d’incitation oblige les organismes assureurs à intégrer l’ensemble des salariés de l’entreprise dans le régime de protection qu’elle propose (contrat de groupe à adhésion obligatoire). Cette situation interdit donc toute discrimination sur l’état de santé ou l’âge du salarié.

 

À l’inverse, l’entreprise peut tout à fait, si elle est prête à ne pas bénéficier du mécanisme incitatif, mettre en place un régime facultatif et/ou limité à une partie de son personnel tel que les cadres dirigeants.

 

III.   Des organismes assureurs dans les « starting-blocks »

 

En effet, le démantèlement de la sécurité sociale ouvre à l’ensemble des organismes assureurs une plus grande part de marché dans le domaine de la protection sociale complémentaire ; marché qui, faut-il le rappeler, offre des perspectives financières considérables. Seulement, la manne existante amène un nombre croissant d’acteurs et une concurrence exacerbée.

 

Aussi, nous pouvons voir aujourd’hui se développer une véritable opposition entre les différents types d’organismes assureurs, selon qu’ils ont ou non un but lucratif. Ce qui les oblige à développer de nouvelles offres, afin de répondre à la demande croissante des entreprises [7].

 

Pour finir, à l’heure où le défi de la dépendance se dessine, la participation de l’entreprise dans sa prise en charge fait débat. Même si chacun sait qu’elle y contribuera, il reste encore à savoir si sa participation se fera grâce à une nouvelle charge publique ou par une contribution au financement du secteur privé.

 

Olivier Breillat

Master Droit de la protection sociale d’entreprise

Université Paris I Panthéon-Sorbonne

 

 

Notes

 

[1] Le déficit de l’ensemble des régimes de sécurité sociale (Vieillesse – maladie – ATMP – Famille) en 2010 a été évalué à près de 27 milliards d’euros 

http://www.securite-sociale.fr/chiffres/lfss/lfss2011/LFSS_2011_en_chiffres.pdf

 

[2] Article 2242-11 du Code du travail – L’obligation concerne uniquement les entreprises non couvertes par un accord d’entreprise ou de branche.

 

[3] Les contributions de l’employeur sont par principe entendues comme une forme de rémunération normalement soumise à la fois socialement et fiscalement.

(L. 242-1 du Code de la sécurité sociale).

 

[4] Sous réserve de l’appartenance de ce groupe de travailleurs privilégiés à une « catégorie de personnels objectivement définie » – article D. 242-1 du Code

de la sécurité sociale et circulaire DSS 2009-32 du 30 janvier 2009

 

[5] La décision unilatérale n’emporte une obligation d’adhésion que pour les salariés qui entreraient dans l’entreprise, postérieurement à celle-ci ; L. 911-1 du Code

de la sécurité sociale.

 

[6] http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr/etudes-recherche-statistiques-de,76/etudes-et-recherche,77/publications-dares,98/dares-analyses-dares-indicateurs,102/

http://www.irdes.fr/EspaceRecherche/Colloques/ProtectionSocialeEntreprise/PSEPresentationHamonNaboulet.pdf

 

[7] Daniel Lenoir « La Mutualité face à ses enjeux » Revue de Droit Sanitaire et Social, mai/juin 2009, n°3, page 397.


 

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