Propriété intellectuelle et relance économique

 

  


Dans le contexte de la crise économique actuelle, suite à la dégradation de la note de la France par l’agence S&P, et face à une contestation grandissante, la propriété intellectuelle (PI) peut pourtant s’avérer être un levier important de la croissance économique .

On entend par « propriété intellectuelle » l’ensemble des droits de PI et des stratégies appliquées : non seulement les dépôts pour la constitution des droits, mais également la valorisation, l’exploitation, la défense par exemple en cas de contrefaçon, et aussi les recherches d’antériorités, les consultations juridiques, la rédaction d’actes sous seing privé, la formation et l’évaluation financière.

La mondialisation se traduit par l’internationalisation de la concurrence entre les pays industrialisés, ainsi que le faible coût de la main d’œuvre dans les pays émergents. La PI permet aux entreprises de protéger leurs créations, inventions, qui sont le moteur du progrès économique puis d’exploiter les avantages concurrentiels obtenus. Elle participe à l’identification, la protection et la valorisation de ces avantages que sont principalement les brevets, les marques et les droits d’auteur.

 


 

 

La propriété intellectuelle promeut la relance


En 2011, en dépit de la crise économique et financière, l’ Office Européen des Brevets (OEB) a délivré 7% de brevets de plus qu’en 2010. Cependant la majorité des dépôts, 62%, proviennent de pays non européens, et l’essor de l’Asie se poursuit1 . Parmi les pays européens, l’Allemagne, qui a déposé le plus grand nombre de demandes, est aussi le pays qui résiste le mieux à la crise et confirme ainsi son statut de première puissance économique de l’UE.

 

Les brevets servent à stimuler l’économie de plusieurs façons : l’information facilite le transfert de technologie et l’investissement ; ils permettent d’encourager la recherche-développement dans les universités et centres de recherche ; ils participent à la création d’entreprises et de nouvelles technologies ; et les entreprises peuvent stocker et utiliser des brevets dans le cadre de contrats de licence, de coentreprises ou d’autres transactions génératrices de revenus.

Le système des brevets joue un rôle manifeste dans la compétitivité de l’UE, mais celui-ci nécessite une harmonisation afin de profiter à chaque état. En effet, plusieurs pistes sont à l’étude  : – La mise en œuvre attendue du brevet communautaire, donnant la possibilité aux inventeurs d’obtenir un seul brevet juridiquement valable dans toute l’UE – La création d’une juridiction européenne commune sur les brevets  – La révision du Protocole de Londres sur la base de traductions élargies, à ce sujet Google a signé un accord,le 24 mars 2011, avec l’OEB.

Ces mesures sont en discussion depuis des années, et le président de la Commission européenne en appelle à un accord en ce début de présidence danoise de l’UE2.

 

Les marques jouent un rôle précieux sur le plan macro-économique car elles permettent de déterminer l’origine des produits et des technologies, de fidéliser les clients, constituer des partenariat, faire face à la concurrence déloyale,développer les franchises…

Depuis son entrée en vigueur en 1996, la marque communautaire offre la possibilité d’enregistrer une marque au niveau européen et d’obtenir ainsi qu’elle soit protégée de façon uniforme dans l’ensemble de l’UE. Titre de propriété industrielle, elle peut être concédée en licence, être cédée, ou faire l’objet d’autres droits réels.

 

Sous un autre angle, il ne faut pas perdre de vue que la PI européenne et française en particulier, attire les investissements des fonds souverains étrangers qui sont soucieux d’investir dans des biens immatériels à forte valeur ajoutée. Ainsi, cet afflux de capitaux a un impact bénéfique pour l’économie, et les entreprises qui peuvent financer la recherche-développement, et la gestion des droits de PI existants. Cependant, un contrôle strict doit être appliqué afin que ces fonds ne nous dépossèdent pas, sur le long terme, de ces mêmes droits3.

 

livres

 

La propriété intellectuelle : entre politique et polémique

 

Le droit d’auteur est la branche du droit qui protège les œuvres originales telles que livres, peintures, ouvrages d’architecture, compositions musicales et logiciels. La protection juridique octroyée à ces oeuvres permet à des industries culturelles, ainsi qu’à des entreprises de nouvelles technologies de se développer et de prospérer. La crise touche-t-elle les droits d’auteur ? Ceux qui le pensent, réclament plus de lois, plus de mesures contre les contrefaçons de toutes sortes, contre les attitudes déloyales. Certains affirment le contraire, et prétendent que la création est en danger face aux farouches défenseurs de la propriété littéraire et artistique.

 

Aujourd’hui, la principale crainte est internet, qui est vu comme un nouvel espace de non-droit. Pourtant les principes juridiques du droit d’auteur ne sont pas remis en question, la problématique se situe au niveau du contrôle des abus, il s’agit de trouver un compromis qui, tout en laissant aux internautes la liberté qu’ils réclament, respecterait les droits légitimes des ayants droit . Le mouvement du logiciel libre, prône un partage des idées, œuvres et connaissances, mais une solution plus mesurée est en voie de développement. En effet, la Sacem et Creative Commons ont signé un accord qui envisage de permettre aux créateurs d’autoriser l’utilisation non commerciale de leurs oeuvres sur le réseau des réseaux. Ainsi, il reviendra au créateur de prendre la décision de mettre ses œuvres sous licence libre, de fixer les limites de cet usage, et donc de définir dans quelles conditions l’oeuvre sera à nouveau commercialisée. Le rôle de la Sacem sera alors de collecter comme cela se fait en temps en ordinaire la rémunération correspondante à la consommation effective4 .

 

Harmonisation de la rémunération pour copie privée au sein de l’UE, simplification des processus d’obtention de licences pan-européennes dans la musique en ligne, révision de la directive IPRED sur la protection des droits de propriété intellectuelle… l’agenda européen des droits d’auteurs est plus que chargé en 2012. IPRED est une directive qui harmonise au niveau de l’Union européenne les sanctions civiles (et bientôt pénales) pour tout type d’atteinte à la PI : droit d’auteur, brevets, marques ..et vise à renforcer l’arsenal législatif mis en place pour faire face aux violations de copyright qui persistent sur Internet.

 

Cette année 2012 est résolument placée sous le signe de la lutte contre la contrefaçon et le piratage, l’actualité étant très chargée, un vent de contestation se soulève  : – polémique sur l’utilité de l’Hadopi en France  – le très controversé et secret ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement ), destiné à rendre plus sévères les dispositions protectrices de la propriété intellectuelle au niveau mondial, va être examiné par les institutions européennes – Emergence d’une cyber-guerre aux Etats-Unis autour des propositions de loi SOPA(Stop the piracy online act) et PIPA(loi de protection de la PI), lois qui comptent toucher à l’infrastructure même d’internet pour protéger les droits de PI – Fermeture de la plateforme de téléchargement sur internet MegaUpload par les autorités américaines …

 

 

Vincent PAQUOT

Doctorant Droit privé

 

Notes

1. www.epo.org

2. Brevet unique européen : Bruxelles tacle Paris, Londres et Berlin. LePoint.fr, 19/01/12

3. RLDI, nov.2011, p.75

4. www.electronlibre.info

 

 

En savoir plus

Revue Propriétés Intellectuelles , IRPI

 

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