Rappel de l’AMF : Conséquences de la transposition du règlement (UE) 2015/2365 pour les sociétés de gestion

« La crise financière mondiale qui est apparue en 2007-2008 a été révélatrice d’activités spéculatives excessives, d’importantes lacunes dans la réglementation du système financier, de l’inefficacité de la surveillance, de l’opacité des marchés et de la complexité excessive des produits du système financier ». Voici l’entrée en matière du règlement 2015/2365, publié au Journal officiel de l’Union européenne en janvier 2016. Il paraît nécessaire de revenir sur les mesures mises en place par ce nouveau règlement, afin  d’apprécier son impact sur les sociétés de gestion.

I) Contexte général et objectifs du règlement

 

Le 12 janvier 2016, la transposition du règlement (UE) 2015/2365 dans l’ordre juridique interne est venue modifier les dispositions du règlement n°648/2012. Le contexte de crise économique globale implique un impératif d’encadrement, de régulation et de réglementation des activités des organismes financiers. Des initiatives en ce sens émanent, peu à peu, des instances nationales et supra-nationales, financières ou non. L’Union européenne a répondu à cette exigence en élaborant le règlement 2015/2365, relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et à la réutilisation des instruments financiers (Securities Financing Transactions Regulation ou SFTR).

L’objectif principal de ce nouveau règlement vise à limiter les risques des opérations financières initiées par les sociétés de gestion. En effet, les principales opérations visées par les dispositions du règlement dont il est question sont les financements sur titres, dont notamment les prises et mises en pensions, les prêts et emprunts de titres, les opérations d’achats et de ventes à terme, les prêts avec appel de marge. Les contrats d’échange sur rendement global sont également concernés, dont le Total Return Swap, qui est une technique permettant de transférer les revenus et le risque d’évolution de la valeur de deux actifs distincts, et le taux de rendement synthétique, indicateur utilisé par les entreprises afin de suivre le taux d’utilisation d’une machine.

Il s’agit aussi de permettre une bonne information des investisseurs, afin que tout investisseur puisse placer ses actifs en toute connaissance de cause.

Les sociétés de gestion, aussi nommées prestataires de services d’investissement (PSI) sont donc directement, et principalement, concernées par le règlement communautaire 2015/2365.

Aux termes de l’article L. 532-9 du Code monétaire et financier, « les sociétés de gestion de portefeuille sont les entreprises d’investissement qui fournissent, à titre principal, le service d’investissement mentionné au 4 de l’article L. 131-1 ». Il est également précisé que ces entreprises d’investissement peuvent aussi gérer un ou plusieurs OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières) des FIA (fonds d’investissement alternatifs), ainsi que d’autres placements collectifs. Les sociétés de gestion peuvent exercer leur activité de gestion sous mandat (gestion de portefeuilles individuels d’instruments financiers pour le compte de clients), ou bien de manière collective (gestion de portefeuilles collectifs, constitués de sommes mises en commun par des investisseurs).

Or, les sociétés de gestion doivent obligatoirement obtenir un agrément de la part de l’Autorité des Marchés Financiers, préalablement à tout exercice de services d’investissement. L’AMF contrôlant de près les activités financières de ces groupes financiers, celle-ci a mis à jour sa doctrine vis-à-vis du règlement 2015/2365. La transparence des opérations de financement sur titres et la réutilisation des instruments financiers (actions et obligations, principalement) nécessitent l’application de règles strictes à toute entreprise proposant des services d’investissement.

 

II) Un triptyque d’obligations

 

Le règlement communautaire 2015/2365 prévoit trois obligations principales à la charge des  sociétés de gestion.
Tout d’abord, l’obligation de déclaration des opérations de financement sur titres auprès de référentiels centraux de données. Cette obligation concerne toute contrepartie financière ou non financière située dans l’Union européenne, si cette contrepartie est accessoire à une opération de financement sur titres. Les succursales des entreprises exerçant des services d’investissement sont également visées par cette mesure de transparence, peu important leur lieu d’établissement, ainsi que toutes les succursales européennes des entreprises d’investissement établies dans un pays situé en-dehors de l’Union européenne.

Ensuite, l’obligation de publication d’informations sur l’utilisation des opérations de financement sur titres et des contrats d’échange sur le rendement global. Cette obligation vise spécifiquement les OPCVM et les FIA gérés par des gestionnaires agréés AIFM (directive sur les gestionnaires de fonds alternatifs, ou Alternative Investment Fund Managers). Il revient donc aux gestionnaires de fonds d’investissement de produire des rapports périodiques, lesquels doivent contenir diverses informations détaillées relatives aux opérations financières réalisées. Ces informations primordiales doivent également figurer dans les documents de préinvestissements (les prospectus) des gestionnaires de portefeuille.

Selon l’AMF, le règlement 2015/2365 « a des conséquences pour les sociétés de gestion, en termes de modification du contenu des prospectus ou documents précontractuels ». Selon l’article 14 du règlement 2015/2365, les OPCVM et les FIA gérés par des gestionnaires agréés AIFM doivent communiquer des informations comprenant une description générale des opérations de financement sur titres et des contrats d’échange sur rendement global, utilisés par l’organisme de placement collectif, ainsi qu’une justification de leur utilisation. Sont également requises les données générales pour chaque type d’opération, et les informations relatives aux contreparties, garanties et risques.

 

Enfin, le règlement 2015/2365 instaure un encadrement de la réutilisation des instruments financiers remis en collatéral (la réutilisation des instruments financiers étant une opération par laquelle un organisme financier transfère un actif reçu d’un autre organisme financier). Il convient de préciser qu’est considérée comme collatérale une opération financière portant sur des actifs remis en tant que garantie. Cet encadrement consiste en la mise en place de conditions restrictives, préalables à toute réutilisation des instruments financiers remis en collatéral. Ces conditions comportent notamment le devoir d’information des risques rattachés à la réutilisation d’actions et d’obligations à la contrepartie fournisseuse de collatéral, l’accord exprès de cette contrepartie, ainsi que le transfert, depuis le compte de la contrepartie fournisseuse de collatéral, des instruments financiers faisant l’objet de la réutilisation.

Il est utile de préciser que l’AMF ne juge pas nécessaire de contraindre davantage les opérations de réutilisation des instruments financiers, au vu de l’impact des restrictions imposées aux entreprises d’investissement sur la fluidité du marché.

En effet, si la réutilisation d’instruments financiers remis en collatéral tend à améliorer la liquidité du marché, elle constitue un risque pour la stabilité financière, d’une part puisque la réutilisation successive des mêmes instruments financiers risque de voir l’un des investisseurs de la chaîne se trouver en difficulté à un moment ou à un autre, d’autre part, parce que les législateurs sont parfois conduits à interdire toute opération de réutilisation d’instruments financiers remis en collatéral, ce qui dégrade l’offre de titres disponibles sur le
marché, ainsi que la qualité des transactions et du rendement des portefeuilles.

Pour conclure, la publication du règlement 2015/2365 au Journal officiel de l’Union européen le 12 janvier 2016 a eu pour effet de transposer les dispositions du règlement communautaire dans l’ordre juridique français. Cette transposition a été l’occasion pour l’AMF de rappeler aux sociétés de gestion les diverses obligations déclaratives et de transparence qui incombent à toute entreprise d’investissement. Face à la crise économique et financière, l’Union européenne a mis en exergue la nécessité d’améliorer le suivi dans le secteur bancaire traditionnel, mais également dans les secteurs d’activités de crédit non bancaire.

Le règlement (UE) 2015/2365 relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et de la réutilisation des instruments financiers énonce d’ailleurs qu’« afin de rendre le système bancaire plus solide et plus stable, l’Union a adopté un ensemble de mesures, notamment pour renforcer les exigences de fonds propres, les règles relatives à la bonne gouvernance et les régimes de surveillance et de résolution, et afin de garantir que le système financier remplit son rôle d’orienter les capitaux vers le financement de l’économie réelle. Dans ce contexte, les progrès accomplis en vue de la mise en place de l’union bancaire sont également déterminants ».

 

Clara Grudler

Faculté de droit et de science politique d’Aix-en-Provence

 

 

Pour en savoir plus :

www.amf-france.org → Actualités → Communiqués de presse → 2016 → « L’AMF attire l’attention des sociétés de gestion sur l’entrée en application des premières obligations du règlement européen sur la transparence des opérations de financement sur titres »

Réglementation → Dossiers thématiques → Marchés → Intermédiaires & protection des investisseurs → « Règlement européen sur les opérations de financement sur titres : entrée en vigueur le 12 janvier 2016 »

Dossiers thématiques → Épargne & prestataires → Divers gestion d’actifs → « Doctrine de l’AMF sur la gestion d’actifs : mise à jour d’instructions pour prendre en compte le règlement SFTR et la directive OPCVM 5 »

www.boursorama.com → Bourse → OPCVM → Actualités → Accueil → « L’AMF rappelle les obligations de transparence incombant aux sociétés de gestion »

Règlement (UE) 2015/2365 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et de la réutilisation et

modifiant le règlement n°648/2012

 

Articles L. 532-9 et L. 131-1 du Code monétaire et financier

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