Réchauffement climatique et climat de terreur

Par sept ordonnances en date du 11 décembre 2015, la Section du contentieux du Conseil d’État, saisie sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative dans des affaires d’assignations à résidence prononcées à l’occasion de la COP 21, a refusé de prendre des mesures de sauvegarde en attendant que le Conseil constitutionnel réponde à la question prioritaire de constitutionnalité[1] qu’elle lui a renvoyée – pour la première fois, d’ailleurs, en référé.

La Section, non contente de déclarer la condition d’urgence remplie, a consacré une présomption d’urgence en la matière, avant d’affirmer qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale n’avait été portée à la liberté d’aller et venir – atteinte qui, au passage, ne se déduit pas du caractère sérieux reconnu à la QPC.

Elle en a profité pour placer le pouvoir de décision du ministre « sous l’entier contrôle du juge de l’excès de pouvoir », alors que celui-ci ne se livrait, depuis 1985[2], qu’à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation des mesures de police prises dans le cadre de l’état d’urgence.

Sur la conventionnalité des mesures d’assignation à résidence

Il ressort du contrôle de conventionnalité réalisé par le Conseil d’État, d’une part, que ces mesures d’assignation à résidence « ne [présentent] pas, compte tenu de [leur] durée et de [leurs] modalités d’exécution, le caractère [de mesures privatives] de liberté au sens de l’article 5 de la Convention européenne [des droits de l’homme] ». D’autre part, si elles constituent donc de simples mesures restrictives de liberté, elles ne « [sont pas] manifestement [incompatibles] » avec les stipulations de l’article 2 du protocole n° 4 additionnel à la Convention, dont elles entrent dans le champ d’application.

Sur les motifs fondant les mesures d’assignation à résidence

Prononcées à l’encontre de militants écologistes, ces assignations à résidence n’en ont pas moins pour base légale le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, déclaré quelques heures seulement après le début des attaques terroristes qui ont ensanglanté Paris. Pouvaient-elles donc être prononcées pour des motifs d’ordre public étrangers à ceux ayant justifié la déclaration de l’état d’urgence ?

L’article 6 de cette loi, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, prévoit simplement que le ministre de l’Intérieur peut, dans la zone couverte par l’état d’urgence, « prononcer l’assignation à résidence […] de toute personne […] à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics » ; rien ne s’oppose donc, dans la loi, à ce que ces motifs soient étrangers les uns des autres.

Ils sont cependant liés de manière évidente : si des troubles devaient être causés à l’ordre public dans le cadre de la COP 21, les forces publiques risqueraient en effet de se détourner de leur mission. La « menace que constitue le comportement de l’intéressé » est ainsi appréciée « compte tenu de la situation ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence ».

Mathilde Lemaire

Pour en savoir + :

Site conseil-etat.fr > Actualités > Communiqués > « Assignations à résidence prononcées à l’occasion de la COP 21 dans le cadre de l’état d’urgence »

 

[1] Le Conseil y a répondu dans une décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015.

[2] CE, 25 juillet 1985, Mme W…, Leb. 226.

 

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