Un point sur la notion de portage salarial en France

                       Un point sur le portage salarial et l’intérim

 

1.  Définition du portage salarial

 

Le portage se définit comme une relation triangulaire entre une société de portage, une société cliente et un salarié pour l’accomplissement d’une prestation par ce dernier.

 

Consultant en portage salarial

Contrat de 
travail 

 

Exécution de la mission 

 

Société  de 
portage salarial

Contrat de prestations  

 

 

Société   
cliente

 

Ce type de contrat ne doit pas être confondu avec les contrats d’intérim. Il existe entre ces deux types de relations contractuelles de nombreuses différences :

 
  • Autonomie/lien de subordination : le salarié « porté », subordonné à la direction de l’entreprise de portage, est autonome dans l’accomplissement de sa mission vis-à-vis de la Société cliente alors que le salarié intérimaire est subordonné au supérieur hiérarchique du poste qu’il remplace dans l’entreprise cliente.
 
  • Rémunération : Contrairement à la rémunération du travailleur intérimaire, celle du salarié « porté » est directement négociée avec la Société cliente et ne rentre pas nécessairement dans les grilles de salaires de cette dernière.
 
  • Rapport commercial : le salarié « porté » est à l’initiative de la relation commerciale avec la Société cliente  et négocie les contrats de missions en coordination juridique avec l’entreprise de portage. Il est propriétaire de sa clientèle. En revanche, c’est la Société d’intérim qui est à l’initiative de la relation commerciale et qui négocie la prestation du salarié intérimaire.
 

2.  Position de la Cour de cassation sur des faits antérieurs à la Loi du 25 juin 2008.

 

La Cour de cassation s’est prononcée à de nombreuses reprises sur le portage salarial et a notamment refusé la qualification de contrat de travail à ce type de contrat.

 

Dans deux arrêts du 17 février 2010 (n°08-45.298 et n°08-40.671), elle a statué sur plusieurs problématiques relatives au portage salarial.

 

a.  L’obligation de fournir du travail au salarié

 

Dans la première affaire (n°08-45.298), la Cour d’appel avait condamné le salarié  au remboursement des salaires perçus au cours de plusieurs mois durant lesquels il ne démontrait pas l’exercice d’une activité et qu’à ce titre, aucune rémunération ne lui était due. 

 

Le salarié formait un pourvoi en cassation au motif qu’il incombait à l’employeur, au titre du contrat de travail existant, de fournir un travail au salarié et que le fait d’être privé de travail ne pouvait constituer pour le salarié une faute de sa part justifiant le licenciement.

 

La Société de portage soutenait que l’obligation de l’employeur de fournir un travail au salarié pouvait faire l’objet d’aménagements conventionnels compatibles avec les règles d’ordre public du Code du travail. Dès lors, en l’absence de travail, aucune rémunération n’était due au salarié.

 

La Cour de cassation accueillait le pourvoi du salarié en énonçant que « le contrat de travail comporte pour l’employeur l’obligation de fournir du travail au salarié« .

 

b.  Durée du travail prévue dans le contrat de portage

 

Dans le second arrêt (n°08-40.671), le contrat de portage fixait un horaire de travail minimum de quatre heures par mois, la rémunération étant fonction des heures effectuées par le salarié.

 

La Cour d’appel rejetait la demande de requalification de contrat de travail à temps complet effectuée par le salarié au motif que la conclusion du contrat à durée indéterminée à temps partiel avait été acceptée par les parties en toute connaissance de cause et en application des dispositions particulières d’une « charte de collaboration » fixant les dispositions contractuelles spécifiques à cette relation contractuelle.

 

Le salarié formait un pourvoi en cassation au motif que le contrat de travail ne prévoyait aucune durée précise de travail mais simplement une notion vague de durée minimale et qu’il incombait à l’employeur d’apporter la preuve de la durée du travail convenue et de sa répartition sur la semaine ou sur le mois.

 

Une fois de plus, la Cour de cassation accueillait le pourvoi du salarié en énonçant que « sauf exception prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l’employeur à l’obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois« .

 

Cette solution avait déjà été retenue à l’occasion d’un autre arrêt de la Cour de cassation en date du 4 février 2009 (n°07-42.498).

 

c. Prélèvement opérés par l’entreprise de portage sur la rémunération du salarié

 

Le salarié, dans la première affaire (n°08-45.298) contestait également les prélèvements effectués sur sa rémunération par la Société de portage.

 

La Cour d’appel visait une fois de plus la « charte de collaboration » jugée non contraire à l’ordre public, pour justifier ces prélèvements correspondant aux montant des cotisations sociales ainsi qu’à une commission au bénéficie de la Société de portage.

 

Il convient de rappeler qu’au titre de l’article L.3251-1 du Code du travail, « l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature« .

 

Or, l’article L.241-8 du Code de la sécurité sociale dispose que « la contribution de l’employeur reste exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit« .

 

La Cour de cassation accueillait donc le pourvoi du salarié et reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir vérifié si ces prélèvements étaient conformes aux dispositions légales.

 

    d. Situation du salarié porté à la suite de la rupture de son contrat de travail – Assurance chômage

 

Dans un arrêt  du 16 décembre 2009 (n°08-17.852), la question s’était posée de savoir si un salarié recruté par une entreprise de portage salarial par contrat de travail intermittent pouvait bénéficier d’un régime d’assurance-chômage à la suite son licenciement.

 

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’Assedic et a admis que les conditions d’exercice de l’activité salarié du salarié lui permettaient en l’espèce de bénéficier du régime d’assurance-chômage en raison de l’existence d’un lien de subordination.

 

Il convient de noter que ce sont les faits de l’espèce qui ont permis de retenir cette solution et qu’il n’est pas possible de déduire de cet arrêt que tout contrat passé entre une entreprise de portage salarial et un salarié « porté » est un contrat de travail. Les juges sont tenus, de vérifier au cas par cas si les éléments caractéristiques du contrat de travail sont réunis.

 

3.  Textes de la loi du 25 juin 2008

 

a) Vers une acceptation textuelle du portage salarial

 

Le portage salarial étant considéré comme répondant à un besoin social permettant à certaines catégories de demandeurs d’emploi de retrouver un travail, les partenaires sociaux ont souhaité sécuriser cette relation juridique. Ils ont notamment inscrit cette volonté dans l’article 19 de l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008.

Par conséquent, la Loi du 25 juin 2008 (n°2008-789) a apporté de nombreux changements sur le portage salarial.

 

Tout d’abord, l’article L.1251-64 du Code de travail a été adopté et définit le portage salarial comme étant « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle« .

 

Ensuite, L.8241-1 du Code du travail dispose que « Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1°  Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, au portage salarial aux entreprises de travail à temps partagé […] ».

 

Il convient de remarquer que ces articles prévoient que le régime de salariat est désormais appliqué aux salariés portés et que cette pratique ne fait plus partie des pratiques assimilées au prêt de main d’œuvre.

 

b) Une incitation à la négociation

 

L’article 8 de la Loi du 25 juin 2008 dispose que « pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la présente loi, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l’activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d’organiser, après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et par accord de branche étendu, le portage salarial« .

 

Dès lors, une négociation doit être engagée pour l’organisation de ces relations particulières de travail.

 

A ce jour, aucun accord national interprofessionnel n’a vu le jour.

 

4.  Position actuelle

 

A ce jour, la Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur les nouvelles dispositions découlant de la Loi du 25 juin 2008.

 

Néanmoins, il apparaît  à la lecture de ces textes que le portage salarial devient désormais une pratique admise qui confère au salarié « porté » le bénéfice du régime du salariat. Les salariés portés, à la rupture de leur contrat de travail, bénéficieront notamment de l’assurance chômage.

 

En l’absence de précisions du législateur et/ou de la Cour de cassation, le portage salarial ne bénéficie pas, à ce jour, d’une grande sécurité juridique.

 

Alexis VAUDOYER

 

 

Pour en savoir plus

  • Semaine sociale Lamy, 10-12-2007 n°1332 supplément « Conditions de travail et dialogue social dans le secteur du portage salarial ».
  • Arrêt Cass. Soc, 17 février 2010 (n°08-45.298 et n°08-40.671)
  • Arrêt Cass. Soc, 16 décembre 2009 (n°08-17.852)
  • Semaine sociale Lamy, 22-02-2010, n°1434 « le portage salarial face au contrat de travail ».

 

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