Victoire des organismes de placement collectif de valeurs mobilières contre les fiscs en Europe

 


 

Rappelons que les dividendes (ou les revenus) distribués à des sociétés non-résidentes, c’est-à-dire à des personnes physiques ou morales n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège dans le pays de résidence de la société distributrice, font, en principe, l’objet d’une retenue à la source s’apparentant à un prélèvement dans le pays de la source. Néanmoins, une directive mère-filiale du 23 juillet 1990 permet aux dividendes distribués à une société mère ayant son siège dans un Etat membre de la Communauté européenne, de bénéficier d’une exonération de retenue à la source, sous réserve du respect de certaines conditions.

 


 

 

En l’espèce, une société anonyme finlandaise, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy envisageait de verser un dividende à son actionnaire unique, une Sicav Luxembourgeoise (Nordic Fund Sicav). La difficulté découlait du fait que cette Sicav Luxembourgeoise ne figurait pas au nombre des sociétés visées par la directive mère-filiale permettant de bénéficier d’une exonération de retenue à la source (« RAS »). La question qui se posait était donc de savoir si une société ayant une forme juridique non prévue par la directive mère-filiale pouvait se prévaloir d’une exonération de RAS. La société finlandaise avait alors interrogé l’administration fiscale finlandaise afin de savoir si elle devait acquitter la RAS prévue par le droit interne finlandais pour les distributions de dividendes transfrontalières. Elle obtint une réponse positive de l’administration finlandaise qui estimait qu’une société non visée par l’annexe de la directive mères-filiales, ne pouvait bénéficier de l’exonération prévue par cette même directive. La société Aberdeen contesta cette décision en se fondant sur le principe de la liberté d’établissement posé à l’article 43 du TCE.

 

La liberté d’établissement telle qu’énoncée à l’article 43 du Traité CE, est une des libertés fondamentales posée par le Traité et essentielle au bon fonctionnement effectif du Marché Intérieur européen. Le principe de la liberté d’établissement est de permettre à un opérateur économique (que ce soit une personne ou un opérateur économique) de mener une activité économique de manière stable et continue dans un ou plusieurs Etats membres. Cet article veille à la libre circulation des personnes au sein de la Communauté européenne et permet de sanctionner tout comportement discriminatoire que pourrait avoir un Etat envers un autre Etat.

 

 

 

 

La société finlandaise s’est donc fondée sur ce principe pour argumenter du fait qu’une société anonyme ou un fonds d’investissement bénéficiaire du dividende établi en Finlande aurait été exonéré de RAS. Par conséquent, en interdisant le bénéfice de l’exonération de retenue à la source à une Sicav Luxembourgeoise, il en découlait une différence de traitement constitutive d’une atteinte à la liberté d’établissement.

 

La CJCE s’est donc prononcée dans l’arrêt Aberdeen du 18 juin 2009 (affaire C-303/7), dans lequel elle a adopté le raisonnement développé par la société finlandaise. La CJCE a pu juger comme contraire à la liberté d’établissement l’application d’une RAS sur les dividendes versés par une société finlandaise à une Sicav luxembourgeoise puisqu’aucune RAS n’aurait été due en Finlande si une société finlandaise distribuait des dividendes à une autre société finlandaise. Il ressort ainsi de l’arrêt que l’exonération RAS prévue par le droit interne pour des entités non couvertes par la directive mères-filiales doit normalement être étendue, sur le fondement du droit communautaire primaire, à des entités comparables situés dans un autre Etat membre. Par conséquent, cet arrêt laisse penser que les OPCVM européens pourront réclamer le remboursement des RAS payées dans de nombreux pays européens sur les distributions de dividendes, notamment en France. Néanmoins, les montants de RAS susceptibles d’être récupérés par les OPCVM restent encore difficiles à déterminer.

 

C’est donc avec une vive impatience que les praticiens attendent la position des administrations fiscales qui ne se sont toujours pas prononcées, suite à la publication de l’arrêt Aberdeen….

 

 

Tatiana Baudry

 

 

Pour en savoir plus :

L’arrêt Aberdeen sur le site de la CJCE

 

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