Le contrat de travail à durée déterminée dans le sport professionnel : une espèce en voie d’extinction ?

Depuis 1973 et la rédaction de la première Charte du Football Professionnel (CFP), les footballeurs professionnels puis par extension, les autres sports collectifs professionnels, sont liés à leurs clubs-employeurs par un contrat à durée déterminée (C.D.D.) dit d’usage[1]. Cette contractualisation usuelle n’est pas le fruit du hasard puisqu’elle créé des garde-fous utiles à la fois au club employeur, au sportif professionnel salarié et permet à un système tout entier d’exister. En l’état actuel du droit, briser l’hégémonie du C.D.D. au sein du sport professionnel, reviendrait à signer son arrêt de mort.

Les bénéfices du C.D.D. au sport professionnel

 Tout d’abord, le CDD est la pièce maîtresse à l’adéquation entre la durée des saisons sportives et celle des contrats de travail. Il est également le garant de l’équité des compétitions. Une équipe débutant la saison avec un effectif déterminé ne doit pas pouvoir le modifier comme bon lui semble sous peine de modifier dangereusement l’un des piliers du sport : son aléa. La démission n’entrant pas dans les causes de rupture prématurée du C.D.D.[2], il est impossible pour un sportif professionnel de rejoindre les rangs de clubs plus prestigieux, mieux classés ou offrant un salaire plus confortable autrement qu’en patientant jusqu’au terme de son contrat ou bien en scellant un accord avec son employeur afin qu’il le libère de ses obligations. Cette interdiction permet donc un maintien nécessaire – bien que précaire et jonché d’exceptions – des effectifs au cours d’une même compétition.

Ensuite, le C.D.D. offre une sécurité juridique non négligeable aux cocontractants. Comme cité ci-dessus, l’interdiction de démissionner pour un employé sous C.D.D. oblige ce dernier soit à aller au terme de son contrat, soit à tenter de le rompre à l’amiable avec son employeur (celui-ci recevant en contrepartie une indemnité de transfert). Son pendant patronal lui, permet à l’employeur de ne licencier son employé sous C.D.D. qu’en présence d’une faute grave[3]. La qualification de faute grave étant complexe à démontrer, elle créé un solide rempart au monde impitoyable du sport professionnel. Les clubs employeurs tentent parfois de maquiller une volonté de changement (souvent au sein d’un staff technique suite à de mauvais résultats), en requalifiant des actes anodins en faute grave (insuffisance de résultats, incompatibilité d’humeur, changement de poste refusé …).

Enfin, de cette sécurité juridique inhérente au mode de rupture du C.D.D. découle le troisième avantage à son recours : l’existence d’un marché des transferts. Peu importe l’avis que l’on a sur la question, en rapport à ses dérives et/ou à ses montants… Il a le mérite de créer une redistribution verticale des sommes déboursées, tout aussi bien pour le club quitté, qu’envers les clubs amateurs ayant participé à la formation du joueur en question[4].

Le décor est donc planté : le C.D.D. parait être la solution idoine dans les relations sportifs/employeurs. Cependant, et malgré un usage constant et ancien, la Cour de cassation va remettre en cause au cours d’une année 2014 charnière, le caractère sacré de la relation déterminée.

La remise en cause d’une relation à durée déterminée

Le C.D.D. dit d’usage nécessite la réunion de trois facteurs inamovibles : un usage constant, au sein d’un des secteurs d’activité cité par l’article D. 1242-1 du Code du travail, ainsi que la nature temporaire de l’emploi pour lequel le contrat de travail est conclu.

Jusqu’en décembre 2014, les juges français semblaient enclins à une application quasi-aveugle du C.D.D. d’usage au sein du sport professionnel, sans même vérifier cette dernière condition[5]. En effet, la condition de la temporalité de l’emploi, exigée par le législateur, semblait automatiquement obtenue par la nature aléatoire des résultats sportifs. Autrement dit, les composantes de l’aléa sportif (résultats sportifs aléatoires sur une saison, condition physique, décisions sportives de l’entraîneur) étant déterminants à la présence d’un sportif/entraîneur au sein d’un club. Cela obligerait dès lors l’employeur à conclure successivement des C.D.D. d’usage.

Les juges ont tout de même souhaité encadrer cette notion en limitant le périmètre du salariat au sein d’un club. Pour ce faire, ils ont refusé dès 2001[6] la requalification en C.D.I. aux motifs que «  le salarié ne détenait aucune fonction d’organisation dans la mise en place des structures du club, ni aucun pouvoir propre de gestion ; dès lors, l’activité du salarié n’était pas liée à l’activité normale et permanente du club ». Une justification qui sera également reprise en 2013[7]. Il existait dans l’esprit des juges, une nette distinction entre des fonctions purement sportives qui seraient attribuables à l’activité temporaire d’un club et de ce fait éligibles au C.D.D. d’usage de par la temporalité de l’emploi ; et des fonctions structurantes au sein d’un club, qui elles conditionneraient ipso facto l’activité normale et permanente de ce dernier, et par ricochet son obligation à conclure une relation pérenne avec l’employé occupant ces fonctions.

Le virage jurisprudentiel va intervenir le 17 décembre 2014[8] lorsque la Cour de cassation va tout simplement écarter l’aléa sportif et le résultat des compétitions des motifs invocables pour conclure un C.D.D. d’usage. En l’espèce, Mr Padovani était entraîneur de football au sein du S.C. Bastia pendant dix-sept saisons consécutives. Il avait la charge de diverses catégories allant des U16 jusqu’à devenir entraîneur-adjoint de l’équipe première du club. Au terme de son dernier contrat à durée déterminée, lors de la saison 2009/2010, le club corse ne souhaitant pas le conserver. Ce dernier saisi la juridiction prud’homale aux fins de requalification de sa relation de travail en C.D.I. Le jugement de première instance tout comme celui d’appel allèrent marquer une reconduction de la jurisprudence classique, qui veut que l’aléa sportif caractérise la nature temporaire de l’emploi.

Mais contre toute attente, la Cour de cassation renversa ce principe gravé dans le marbre. Le plaidoyer de M. Padovani était simple, et plutôt de bon sens puisqu’il affirmait que « sa présence était bien justifiée tout au long de l’année ; que les postes d’entraîneurs étaient pourvus chaque année au club ; quel que soit le résultat de la saison sportive, un entraîneur étant désigné avec un adjoint ». De ce constat plutôt logique, les juges de la haute Cour affirmèrent dans un énoncé éloquent qu’en « se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l’aléa sportif et du résultat des compétitions […] l’utilisation de C.D.D. successifs n’était pas justifiée par l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ». A cela, l’avocat général auprès de la Cour de cassation a souhaité préciser la pensée de la Cour. Son avis tranché est sans équivoque et laisse peu de place à l’interprétation : « les joueurs et entraîneurs sont recrutés non pas pour faire face à un besoin ponctuel et temporaire, mais bien pour assurer l’activité permanente du club qui est de participer aux matchs. […] Ces emplois sont consubstantiels à l’existence même d’un club ; aucun club ne peut exister sans joueur ni entraîneur, et réciproquement ».

Cette nécessité de justifier la nature temporaire de l’emploi lors de la conclusion de C.D.D. successifs est récente. En 2006[9], l’arrêt Adeneler de la C.J.C.E. est venu préciser un accord-cadre européen[10] sur le travail à durée déterminée qui invitait les Etats Membres à introduire dans leur législation « des raisons objectives justifiant le renouvellement de contrats à durée déterminée ». Les juges européens ont défini ces raisons objectives comme étant « des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée, et partant, de nature à justifier l’utilisation de C.D.D. successifs ». La Haute Cour française avait pu transposer cette définition dans un arrêt de principe[11] en dehors du champ sportif en ajoutant quelques mots lourds de sens puisque le recours à l’utilisation de contrats successifs est dorénavant non seulement justifié par des raisons objectives qui s’entendent par l’existence d’éléments concrets, mais qui de plus doivent établir « le caractère par nature temporaire de l’emploi ». La haute Cour avait alors souhaité calquer la définition européenne à la législation française sur le C.D.D. qui veut que « quel que soit son motif, le C.D.D. ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » mais également qu’il « ne puisse être conclu que pour l’exécution d’une tache précise et temporaire »[12].

Par cet arrêt Padovani, les juges affirmèrent deux positions claires :

1) L’obligation de nouveau faite aux juges et aux clubs employeurs de revenir à la lettre exacte des textes du Code du travail, de rechercher les trois critères de conclusion du C.D.D. d’usage (l’usage, le secteur d’activité et la nature temporaire de l’emploi) ;

2) L’aléa sportif et le résultat des compétitions, sacro-saints prétextes de conclusion jusqu’alors, n’intègrent plus la liste des motifs invocables, rendant la formation du C.D.D. d’usage dans le milieu, très complexe.

On pouvait considérer que cet arrêt allait prendre une importance considérable dans un futur proche. En effet, même si cette définition des raisons objectives ne s’appliquait ab initio qu’à la succession de C.D.D., on ne pouvait imaginer qu’un emploi qui avait été catalogué comme relevant de l’activité normale et permanente d’une entreprise ne pouvait l’être exclusivement en cas de succession de contrats. La tâche confiée au salarié est soit de nature temporaire soit de nature pérenne mais dans tous les cas elle le sera dès la conclusion du contrat de travail. Et sa nature ne pourra pas se voir modifiée en fonction d’une succession ou non de plusieurs contrats. La temporalité de l’emploi peut-être primaire et le rester mais elle n’évolue pas en fonction d’une succession de contrats. De ce fait, et malgré les avantages liés à l’application du C.D.D. d’usage dans le sport professionnel, il fallait s’attendre à une requalification quasi-automatique des C.D.D. conclus par les clubs employeurs qui auraient souhaité se séparer de leurs employés. Devant cette situation d’urgence, Mr Thierry Braillard, secrétaire d’état aux Sports, a lancé en 2014 une mission de réflexion sur le statut du sportif professionnel (travail présidé par Mr Jean-Pierre Karaquillo). Cette mission s’est achevée par la remise de nombreuses recommandations, transformées depuis en une loi[13] qui créé notamment un C.D.D. spécifique pour les sportifs professionnels.

Créer un C.D.D. spécifique non requalifiable par les juges sous l’angle du droit national

La principale mission des rédacteurs de la loi relevait d’une idée simple : créer un C.D.D. unique qui ne s’appliquerait qu’aux sportifs et entraîneurs professionnels. Un contrat qui soit à la fois déconnecté de la législation nationale du C.D.D. de droit commun mais également en adéquation avec l’accord-cadre européen. Il fallait pour cela fabriquer un contrat unique, créer une famille à part, empreint des spécificités sportives. D’un point de vue hexagonal, il a fallu à la fois s’imprégner des réalités sportives mais également tenter de s’écarter des règles de droit commun applicables aux C.D.D. Afin de remplir cette mission, la nouvelle loi exclut de son champ d’application certains articles du Code du travail. Elle écarte notamment les dispositions du Code du travail qui fixent à 18 mois la durée maximale d’un C.D.D. ; ou encore celles qui limitent son renouvellement à deux fois et enfin celles qui imposent un délai de carence à respecter entre la signature de deux contrats. L’inapplicabilité de ces trois règles classiques auprès d’un sportif ou d’un entraîneur professionnel est aisément compréhensible. La durée maximale de 18 mois serait incompatible avec la durée des saisons sportives ; une limitation de renouvellement obligerait les employeurs à embaucher les salariés concernés sur de très longues périodes (là encore cela semblerait inapproprié avec le milieu sportif) ; le délai de carence imposerait par la force des choses au sportif, une période de chômage, ce qui semble inadmissible. Il est à noter que ces règles étaient dors-et-déjà admises à la fois par la jurisprudence et par les différentes conventions collectives du milieu. Elles sont dorénavant codifiées.

Par ailleurs, les rédacteurs de la nouvelle loi ont souhaité évincer du champ d’application du C.D.D. spécifique certains articles portant sur le droit commun du C.D.D. Ils excluent avec force les trois articles[14] qui introduisent la relation déterminée au sein du Code du travail. Ainsi, est exclu du champ d’application du C.D.D. spécifique, le recours principiel au C.D.I. dans la relation de travail, mais aussi l’énoncé de l’obligation du recours au C.D.D. uniquement dans le cas d’une tâche précise et temporaire qui ne serait pas liée à l’activité normale et permanente d’une entreprise. Cette démarche du législateur parait claire : il détache le C.D.D. spécifique de la famille du droit commun des C.D.D. pour créer un contrat à part, réglementé en partie par ses propres règles. D’ailleurs, il affirme avec force dans le futur article L. 222-2-3 du Code du Sport qui stipulera que « tout contrat par lequel une association ou société sportive, s’assure moyennant rémunération, le concours d’un sportif ou entraîneur professionnel, est un contrat de travail à durée déterminée » La règle est désormais posée, la requalification en C.D.I. ne sera envisageable (sur un plan national) uniquement par l’évocation de motifs de forme.

Cependant, comme son nom l’indique, le C.D.D. « sportif », reste une relation à durée déterminée, qui reste régie par les dispositions européennes et notamment l’accord-cadre de 1999 obligeant les Etats membres a une vigilance accrue quant à la succession de ces contrats.

Etre en phase avec le droit européen

Première précision, l’accord-cadre européen de 1999 sur le contrat à durée déterminée n’interdit en aucune façon son recours primaire ou successif dans certaines circonstances. Il tente simplement d’en limiter les abus et ses successions. Dans sa clause numéro 5, il appelle les Etats membres à introduire dans leur législation une ou plusieurs dispositions pour combattre ces abus. Il laisse le choix aux Etats, soit d’appliquer une durée maximale pour les C.D.D. successifs ; soit de limiter le nombre de ses renouvellements ; soit enfin, d’élaborer des raisons objectives justifiant le renouvellement des C.D.D. Nous l’avons évoqué, les deux premières mesures semblent particulièrement inappropriées au contexte du sport professionnel. Cela aurait pour effet de brider le marché mais également de ne pas remplir l’un des buts des législateurs : pérenniser la relation employeur/ salarié dans le temps. Il faudra donc se retrancher derrière l’ultime recommandation européenne soit, l’introduction de raisons objectives qui s’entendent je le rappelle comme étant des « circonstances précises et concrètes qui tiennent à la nature de l’activité et aux conditions de son exercice ».

Le législateur français a rédigé ainsi le futur article L. 222-2-4 du Code du sport : « afin d’assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l’équité des compétitions, la durée maximale de 60 mois, n’exclut ni le renouvellement ni la conclusion d’un nouveau contrat avec le même employeur ». Ces fameuses raisons objectives sont nommées de façon limpide dans le Code du sport. Est-ce pour autant suffisant ? La question n’est évidemment pas tranchée, la Cour européenne n’ayant jamais eu à appréhender cette question au regard du sport professionnel. L’exposé qui suit reste donc soumis à la plume des juges européens.

Il s’agit en introduction de rappeler que l’accord-cadre autorise le recours au C.D.D dans certaines branches d’activité, s’il est décidé par les acteurs comme étant la norme et s’il convient à la fois aux travailleurs et aux employeurs. L’accord européen combat par contre la succession de ces dits contrats ; et les raisons objectives citées doivent donc être mises en perspective avec la succession des contrats et non avec la conclusion primaire d’une telle relation. Cette précision importante établie, analysons ces motifs de succession.

L’équité des compétitions reste une des composantes les plus importantes du sport. La garantir équivaut à ne pas modifier les effectifs d’une équipe en cours de saison (en dehors des périodes autorisées bien évidemment). Les mécanismes de rupture du C.D.D. représentent les garde-fous de cette notion. Dès lors, en quoi la succession de C.D.D. garantirait l’équité des compétitions ? Cette succession de contrat ne permet d’aucune manière au sportif de démissionner de son poste puisqu’il reste dans une relation à durée déterminée. Dans tous les cas, eu égard aux conditions de rupture du contrat, ce dernier irait à son terme qu’il y ait renouvellement ou non, et la garantie d’équité ne serait pas impactée. C’est en réalité l’un des mécanismes de rupture de la relation qui génèrent l’équité, et non sa succession intempestive et inconditionnelle, chassée et réprimée par l’accord-cadre européen.

Réflexion similaire concernant la référence faite à la protection des sportifs et entraîneurs professionnels. Là encore, la conclusion successive de C.D.D. au fil du temps ne permet pas de protéger les salariés. C’est bel et bien les mécanismes de rupture du C.D.D. qui remplissent cette fonction et non sa succession qui reste surveillée par la réglementation européenne.

Je veux bien concéder une relative mauvaise foi dans mes développements. J’imagine bien que l’idée primaire des rédacteurs, était d’opposer cette succession de C.D.D., à l’impossibilité de faire place – eu égard à ses conditions de rupture – à un quelconque recours au C.D.I. En d’autres termes, le législateur préfère autoriser la succession de C.D.D. sur la base de raisons bancales à mon sens, que d’autoriser la conclusion d’un C.D.I. Il a opté pour le maintien d’un système teinté d’hypocrisie plutôt que de se risquer à une révolution juridique non désirée par les acteurs du monde du sport (sportifs, entraîneurs, clubs, fédérations). Si l’on reprend l’exemple de M. Padovani, la succession de C.D.D. conclus pour une ou deux saisons n’a jamais permis de solidifier sa situation étant chaque saison pendu à la décision discrétionnaire de son employeur de le conserver ou non.

Vers un nouvel ordre mondial ?

On pourrait néanmoins imaginer placer le système sous un autre modèle. En effet, afin de rappeler que le C.D.I. est la relation de principe dans le monde du travail, certains auteurs imaginent cette possibilité. Les outils juridiques existent dors-et-déjà. Nous pourrions imaginer introduire dans le C.D.I. des sportifs et entraîneurs professionnels, une clause dite de « stabilité d’emploi ». Celle-ci obligerait l’employeur à conserver son employé durant la durée stipulée et l’astreint également à payer une indemnité forfaitaire couvrant la période garantie en cas de rupture prématurée du contrat.

De sus, la Cour de cassation a jugé que « le contrat comportant une telle clause, ne peut être rompu pendant la période couverte par la garantie, qu’en cas d’accord des parties, de faute grave du salarié ou de force majeure »[15]. Coïncidence troublante, on retrouve par cet énoncé, l’ensemble des conditions de rupture du C.D.D. Les clubs n’auraient alors plus la possibilité de licencier leurs salariés pour des raisons économiques ou d’insuffisance professionnelle, raisons aujourd’hui invocables dans le cadre d’un C.D.I. classique. La protection juridique des sportifs et entraîneurs professionnels serait bel et bien assurée par cette mesure.

Concernant la seconde raison invoquée par la loi, à savoir l’équité des compétitions ; nous le savons, elle serait mise en danger par la possibilité donnée aux sportifs et entraîneurs professionnels de démissionner en cours de saison et ainsi changer d’employeur.

Deux solutions s’offrent à nous :

-La clause de stabilité pourrait être bilatérale : les sportifs et entraîneurs seraient alors sanctionnés du paiement d’une prime forfaitaire en cas de rupture prématurée du contrat de travail durant la période de stabilité.

-Dans le cas d’une bilatéralité contestée, la clause ne resterait pas en soi un frein à l’équité des compétitions. Il existe déjà des garde-fous au sein des réglementations sportives internationales puisqu’elles n’autorisent pas la mutation de nouveaux joueurs en dehors de périodes dites de « mercato ». Un sportif démissionnaire n’a aujourd’hui pas la possibilité de rejoindre le club de son choix en dehors des dites périodes de mutation. En sus, pourquoi ne pas ajouter un règlement qui interdirait à ces sportifs démissionnaires en cours de saison de ne muter vers un autre club avant le terme de celle-ci ? Cette règle trouverait grâce auprès des fidèles de l’équité sportive mais aussi auprès des instances européennes puisque si elle entrave certainement la liberté de circulation des travailleurs, elle serait aisément justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, proportionnelle au but poursuivi qui est l’équité des compétitions (spécificité sportive reconnue par l’article 165 du Traité de Lisbonne).

Bien sûr, dans le cas où la démission puisse être acceptée, le système actuel des transferts disparaîtrait. Néanmoins, il pourrait rester d’actualité durant la période de stabilité, puisque l’accord des parties reste une cause de rupture (et qui est un préalable essentiel à toute opération de transfert également sous le régime du C.D.D.). D’autre part, le football se taillant la part du lion dans ce système, les autres sports ne seront que très peu impactés par ces mouvements de main d’œuvre rétribués par le nouvel employeur. La clause de stabilité d’emploi résout finalement l’ensemble des problématiques liées à la volonté de maintenir le recours au C.D.D. au sein du sport professionnel.

Il faut néanmoins rester conscient de l’utopie de la mise en place d’un tel système. Il nécessiterait une volonté mondiale quant à l’instauration d’un tel contrat. Pour illustrer mon propos, il est intéressant de noter que l’Article 13 du règlement F.I.F.A. du Statut et du Transfert du Joueur impose qu’un « contrat entre un joueur professionnel et son club, ne puisse prendre fin uniquement à son échéance ou d’un commun accord ». Les fédérations nationales étant affiliées à leur jumelle internationale, la F.F.F. se retrouverait alors devant un dilemme insoluble ; coincée entre l’obligation de se conformer aux règlements de sa fédération tutrice et celle d’ordre national d’autoriser la conclusion du C.D.I. Les enjeux politiques, sportifs et économiques sont tels, qu’une pareille situation ne se présentera certainement jamais [16].

   Nicolas STRADY

 

Pour en savoir plus :

[1] C. Trav., Art. L. 1242-2 al. 3 et Art. D. 1242-1.

[2] C. Trav., Art. L. 1243-1.

[3] En réalité, les Articles L. 1243-1 et L. 1243-2 du Code du Travail, énumèrent également le commun accord, la force majeure, l’embauche prochaine sous C.D.I. et l’inaptitude.

[4] Règlement du Statut et du Transfert des joueurs de la F.I.F.A., Art. 20 et 21.

[5] Cass. Soc. 26 nov. 2003, n°01-44.263 « l’office du juge […] est seulement de rechercher si pour l’emploi concerné, il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir à un tel contrat ; que l’existence de l’usage doit être vérifié au niveau du secteur d’activité ».

[6] Cass. Soc. 20 juin 2001, n° 99-43.793.

[7] CA Dijon, 7 nov. 2013, n° 12/00267, Royer.

[8] Cass. Soc. 17 Déc. 2014, n° 13-23.176.

[9] C.J.C.E., 4 juil. 2006, Adeneler, n° C-212/04.

[10] Accord-Cadre sur le travail à durée déterminée mis en œuvre par la Directive 1999/70/CE.

[11] Cass. Soc. 23 janv. 2008, n° 06-43.040.

[12] C. Trav., Art L. 1242-1 et 1242-2.

[13] Loi n° 2015-1541 du 27/11/2015, publiée au J.O. du 28/11//2015.

[14] C. Trav., Art. L. 1221-2, Art. L 1242-1 et Art. L. 1242-2.

[15] Cass. Soc. 15 avril 2015, n° 13-21.306.

[16] Pour en savoir plus, voir Nicolas STRADY, Le Contrat de travail à l’épreuve des spécificités sportives, Editions Connaissances et Savoirs

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