Accouchement sous X : lorsque le droit tourne le dos à l’équité…

 


 

Dans l’affaire tranchée par la première Chambre civile de la Cour de cassation le 8 juillet 20091, une femme donna naissance à un enfant en demandant que soit préservé le secret de son identité. L’enfant, placé en famille d’accueil, fit l’objet d’une requête en adoption plénière. Les grands-parents maternels de l’enfant intervinrent volontairement à l’instance pour s’y opposer.



 

 

L’arrêt d’appel déclare leur intervention irrecevable, et prononce l’adoption plénière. Les époux forment un pourvoi, rejeté par la Cour de cassation aux motifs que l’intervention principale suppose la réunion d’un intérêt et d’une qualité pour agir, et que cette dernière fait ici défaut, faute de lien de filiation établi.

 

Depuis la loi du 16 janvier 2009, qui a modifié l’article 326 du Code civil, l’accouchement sous X n’est plus une fin de non-recevoir à l’action en recherche de maternité. Toutefois, pour que l’enfant soit rattaché à la famille de sa mère, encore faut-il que soit exercée utilement une action en recherche de maternité. C’est ensuite seulement que des grands-parents maternels peuvent se prévaloir d’un lien juridique avec l’enfant.

 

Voici le syllogisme employé : la qualité pour agir des grands-parents suppose l’existence d’un lien de filiation les rattachant à la même famille que l’enfant ; en l’espèce, un tel lien fait défaut ; les grands-parents n’ont donc pas qualité pour agir et leur demande est irrecevable. Deux critiques peuvent être opposées.

 

 

 

 

D’abord et à l’instar du pourvoi, il pourrait être soutenu que l’intervention volontaire n’est pas une action attitrée, et ne supposait donc que la preuve de l’intérêt pour agir des grands parents. C’est ce que pourrait donner à penser la lettre combinée des articles 31 et 329 du Code de procédure civile. Sur ce fondement, les juges pouvaient admettre l’intervention. Ensuite, quoique le placement fît obstacle à la restitution, la demande des grands-parents eût peut-être pu prospérer sur le fondement de l’intérêt de l’enfant : aux termes de l’article 353 du Code civil, l’adoption plénière n’est prononcée que si elle y est conforme. Il est permis de penser que la possibilité pour un enfant d’établir un lien juridique (partant, affectif) avec ses grands-parents ressort de son intérêt… Sur ce fondement, les juges pouvaient refuser l’adoption.

 

Il est ainsi possible de critiquer le mauvais usage de la règle juridique. Reste à se consoler avec deux enseignements touchant aux sources du droit.

 

D’une part, concernant les rôles respectifs de la loi et de la jurisprudence. En l’espèce, cette dernière refuse d’agrandir la brèche récemment ouverte par la loi dans le mur de l’accouchement sous X. Elle fait une application (trop) rigoureuse des règles, rappelant qu’il n’appartient pas au juge de créer, mais d’appliquer. On a connu plus audacieux.

 

D’autre part, relativement aux rapports entre droit et équité. Les grands-parents, qui souhaitaient élever leur petit-fils, sont privés de cette possibilité, et se voient refuser l’enfant. Manifestement, la justice de Salomon n’a pas inspiré les Hauts magistrats. La seule décision potestative de la mère d’accoucher sous X paralyse le droit des membres de sa famille à établir des relations avec l’enfant. La morale de cette affaire pourrait être celle d’un conte du XXIe siècle : droit et équité vécurent séparés et heureux. Mais qu’en est-il des grands-parents et de l’enfant ?

 

 

N B

 


Notes

 

[1] Pourvoi n° 08-20.153, à paraître au Bulletin

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