Lorsque des héritiers sont partis sans laisser d’adresse, la loi les déclare connus mais disparus. Le généalogiste se lance alors à leur recherche pour permettre au notaire de régler la succession.
Retrouver un héritier, pas toujours facile
Retrouver la trace d’un héritier absent n’est pas toujours facile. Surtout quand certains ont pris « la poudre d’escampette » sans prévenir quiconque. Depuis la loi du 23 juin 2006 portant sur la réforme des successions et des libéralités, « toute personne qui a un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession » peut mandater un généalogiste successoral.
En France, c’est généralement le notaire qui s’en charge :
- soit pour rechercher tout ou partie des héritiers légaux ;
- soit pour vérifier ou confirmer la dévolution successorale (ordre des héritiers) afin d’établir, avec certitude, l’acte de notoriété qui en découle. Et pas question d’oublier quelqu’un au passage !
Ainsi, en lui remettant le tableau généalogique après parfois des mois de recherches, le généalogiste* successoral engage sa responsabilité auprès du notaire en charge de la succession pour lui permettre d’être le garant de la sécurité juridique. À savoir que la réforme du 23 juin 2006 précise aussi qu’ « aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n’est dû aux personnes qui ont entrepris ou se sont prêtées aux opérations susvisées. »
Bon à savoir : les honoraires des généalogistes sont libres. Ils sont fonction du degré de parenté, de la complexité des recherches et de l’actif net successoral revenant à l’héritier retrouvé (déduction faite des droits de succession).
Les sources d’informations
Le généalogiste successoral croise d’abord les informations transmises par le notaire avec celles de sa base de données, qui en contient souvent des millions. Les nom et prénom(s) mais aussi et surtout le lieu de naissance constituent bien sûr de précieux indices.
Connaître la dernière adresse ou la dernière profession peut également permettre de localiser la personne recherchée plus rapidement. Les généalogistes interrogent ensuite les mairies, bénéficiant d’une dérogation officielle les autorisant à consulter les actes d’état civil (actes de naissance, de mariage et acte de décès) de moins de 75 ans. Cette invention de Napoléon constitue à la fois une mine d’informations pour tous les citoyens et la base du travail de recherche de tous les généalogistes. Bien sûr, plus un nom est courant, plus les recherches sont longues et fastidieuses… Les généalogistes successoraux ont aussi à leur disposition beaucoup d’autres sources, telles les fiches de recensement, les archives notariales ou militaires, les listes électorales… dont ils peuvent prendre connaissance auprès des archives départementales, des mairies, des greffes, etc. Enfin, le moindre petit détail donné par la famille (y compris par alliance), un voisin, un gardien, etc., peut se révéler d’une importance capitale. D’où la nécessité de se rendre sur place pour mener l’enquête.
À noter : pour retrouver les bénéficiaires d’une assurance vie ou d’une assurance obsèques, les choses ont considérablement changé avec la mise en place de services permettant de retrouver les bénéficiaires beaucoup plus facilement (Ficovie, Ciclade).
Au bout du monde
Ainsi, ce travail, nécessitant patience et méthode, conduit souvent le généalogiste à se déplacer dans une autre région de France, et de plus en plus fréquemment à l’étranger, pour poursuivre ses recherches. Fini l’époque où tous les héritiers légaux habitaient dans le même secteur que le défunt et où le notaire en charge de la succession les connaissait tous. C’est donc pour mener à bien ce travail de terrain que les études généalogiques multiplient les succursales dans l’Hexagone et à l’international. D’autant que, si l’héritier retrouvé est décédé, les recherches doivent se poursuivre, selon la loi française, jusqu’au sixième degré. Il n’est donc pas impossible d’avoir, au final, plus de cent héritiers pour une succession. A contrario, il s’avère plutôt rare que les enquêteurs ne trouvent aucun signe de vie ou de mort de la personne disparue. Mais, si c’est le cas, une déclaration de présomption d’absence doit alors être déposée auprès du juge des tutelles du tribunal judiciaire.
Une signature sinon rien
Dans le cas le plus fréquent où le généalogiste retrouve un héritier, la succession est toutefois souvent très loin d’être réglée. Ce dernier doit encore signer un, voire deux documents : le contrat de révélation de succession, s’il veut savoir de qui il hérite ; et une procuration, s’il accepte d’être représenté par le généalogiste au mieux de ses intérêts dans le cadre de la liquidation successorale devant le notaire. Le principal avantage consiste alors à ne pas avoir à se déplacer, le règlement d’une succession nécessitant souvent plusieurs rendez-vous. Et, évidemment, un dossier a plus de chance d’être rapidement clôturé avec un mandataire commun plutôt qu’avec une lignée d’héritiers.
Un juriste de l’étude généalogique aura, quant à lui, pour mission de veiller au bon déroulement du règlement de la succession, de la prisée d’inventaire à la vente aux enchères des biens mobiliers ou immobiliers, en passant par les arbitrages financiers ou la cessation de titres.
Choc ou cadeau ?
Même si les écarts s’avèrent importants d’une succession à une autre, la moyenne des chèques remis par les généalogistes s’élèverait à quelques milliers d’euros. Un choc pour ce fils qui n’avait pas vu son père depuis des années. Un cadeau tombé du ciel pour cet héritier lointain qui ne connaissait pas son oncle défunt. Car le métier de généalogiste consiste aussi à permettre à des familles de renouer contact, en les aidant à « recoller les morceaux » de vies qui se sont parfois éloignées, parfois jamais croisées.
Le conseil du petit juriste
Au moment de la signature de l’acte de notoriété, il est essentiel de dire toute la vérité au notaire. D’ailleurs, ce moment est un acte solennel, puisque les héritiers déclarent que, à leur connaissance, il n’existe pas d’autres héritiers qu’eux. Ainsi, si vous savez que votre père défunt a eu par exemple un autre enfant et même s’il s’agit d’un secret de famille, vous devez l’en informer.
Adrien Demoiseaux, en L2 de droit à la Faco (Faculté libre de droit et d’économie-gestion) de Paris
*Pour en savoir plus : le site des généalogistes de France, l’organisation nationale représentative des professionnels de la généalogie : http://genealogistes-france.org/