Coup de tonnerre électoral : un report est-il encore possible ?

      La date fatidique est désormais fixée : Le 23 avril 2017 se déroulera le premier tour de l’élection présidentielle, le second tour étant programmé pour le 7 mai (Décret n° 2017-223 du 24 février 2017).

Pourtant, face à la multiplication des affaires, l’élection est plus indécise que jamais. Et si l’un des principaux protagonistes venait à se retirer ? L’élection pilier de la Vème République pourrait-elle être reportée ?

 

I- L’évolution des hypothèses de report

 

         Par la loi constitutionnelle du 18 juin 1976, le constituant a pallié les insuffisances de la Constitution de 1958, pointées, dès le 24 mai 1974, lors de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle[1], par le Conseil constitutionnel qui avait relevé l’existence d’un « problème d’appréciation particulièrement délicat »[2] en cas de décès d’un candidat à l’élection présidentielle.

L’article 7 de la Constitution envisage désormais plusieurs hypothèses de report :

  • Dans les 7 jours précédant la date limite du dépôt des candidatures: Si une personne a, moins de 30 jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidate, et décède ou se trouve empêchée, le Conseil peut décider de reporter l’élection (35 jours maximum après sa décision). Il a donc une marge discrétionnaire.
  • Avant le premier tour: Le Conseil prononce le report de l’élection en cas de décès ou d’empêchement, il n’a donc pas de marge d’appréciation si les conditions sont remplies.
  • Entre les deux tours: Si l’un des deux candidats « les plus favorisés au premier tour » décède ou est empêché, une nouvelle élection est organisée.

Le Conseil constitutionnel, juge électoral, ne peut pour autant s’autosaisir, l’article 7 renvoyant à l’article 61 alinéa 2[3], mais également à une loi organique (LO 18 juin 1976) qui permet à 500 personnes ayant la qualité de « présentateur » de candidat de le saisir.

II- Un report est-il vraiment envisageable ?

 

        Le principal risque serait un retrait de F. Fillon, et ce moins de 7 jours avant la date limite de dépôt des candidatures, soit entre le 10 et le 17 mars. Cette hypothèse est probable eu égard à la convocation le 15 mars en vue d’une éventuelle mise en examen, une information judiciaire ayant été ouverte le 24 février notamment pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, complicité et recel de ces délits ». Le Conseil pourrait alors être saisi en vue d’un report de l’élection, le droit de participer ne pouvant être transféré à un autre candidat. Néanmoins, il n’est pas sûr qu’un tel report soit nécessaire, les parrainages affluant depuis l’annonce du maintien de la candidature de F. Fillon, mercredi 1er mars, pour celui qui pourrait être le candidat de substitution : A. Juppé.

Par ailleurs, la notion d’empêchement n’ayant jamais été définie, des incertitudes demeurent : une décision personnelle peut-elle constituer un empêchement ? Pour le constitutionnaliste J-P. Derosier, celui-ci doit être juridique, tel que la « condamnation à une peine d’inéligibilité ». Or, un candidat mis en examen peut juridiquement rester candidat.

Toutefois, le Conseil pourrait-il opportunément maintenir l’élection sans représentant de l’un des principaux partis ? Le rapport Foyer (n°2190) relatif à la loi constitutionnelle de 1976 laisse planer le doute : le texte « ne vise pas seulement […] l’empêchement d’un candidat, au sens strict et juridique du terme ». En ce sens, la Constitution n’évoque pas un empêchement définitif, ce qui peut ouvrir le champ des possibles. Le Conseil pourrait donc voir une mise en examen comme un fait générateur justifiant le report, l’objectif de la révision de 1976 étant de veiller au caractère disputé de l’élection.

Il reste néanmoins difficile de prévoir la voie qui serait privilégiée par les Sages compte tenu du caractère hautement politique de ce contentieux électoral.

Si le peuple devrait être le seul juge des prochaines élections, le risque de report n’est à pas à écarter, car « l’imprévu n’est pas l’impossible : c’est une carte qui est toujours dans le jeu » (Comte de Belvèze).

 

Laure MENA

 

[1] Décisions dites « PDR » pour « proclamation des résultats ».

[2] CC, Décision n° 74-33 PDR, 24 mai 1974.

[3] Article 61 alinéa 2 : « Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs ».

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