De la nomination à la confiance : le parcours d’un nouveau Gouvernement

Le premier Gouvernement de Manuel Valls dit « Valls 1 » restera dans l’histoire comme l’un des Gouvernements les plus courts de la Vème République. Nommé Premier ministre le 31 mars 2014, Manuel Valls présente la démission de son Gouvernement au Président de la République en raison du désaccord de certains ministres sur la politique économique menée. Les ministres étaient, quant à eux, nommés  le 2 avril 2014 et les secrétaires d’État le 9 avril 2014. 147 jours plus tard Manuel Valls fut immédiatement renommé Premier ministre et un nouveau Gouvernement fut annoncé le surlendemain. Cette crise « politique et institutionnelle »[1] selon les termes du Professeur Rousseau nous donne l’occasion de nous intéresser aux règles constitutionnelles qui régissent l’entrée en vigueur d’un nouveau Gouvernement et les possibilités qui s’offrent à lui pour solliciter – ou non – la confiance du Parlement.

Le pouvoir de nomination du Premier ministre est un pouvoir propre du Président de la République (article 8 de la Constitution). Il prend la forme d’un décret ne nécessitant pas de contreseing. Si en théorie le Président est libre du choix de son Premier ministre, en pratique ce dernier étant responsable devant le Parlement, il est toujours issu de la majorité parlementaire.

L’article 8 alinéa 1er de la Constitution précise que le Président de la République met fin aux fonctions du Premier ministre « sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement ». Le Président ne peut donc pas révoquer le Premier ministre. Néanmoins, la doctrine parle parfois de « démission-révocation » tant cette démission a été exigée par le Président de la République. On peut citer le cas de la démission de Michel Rocard en 1991 ou d’Édith Cresson en 1992. Le Premier ministre peut bien sûr démissionner spontanément en cas de désaccord avec le chef de l’État (Jacques Chirac en 1976). Il doit le faire si une motion de censure est votée par l’Assemblée nationale (George Pompidou en 1962).

L’article 8 alinéa 2 de la Constitution prévoit que les autres membres du Gouvernement sont nommés par le Président sur proposition du Premier ministre. Ce décret nécessite donc le contreseing du chef du Gouvernement. Dans la pratique, l’influence du Président est très forte dans le choix des hommes et des femmes. « Nous avons joué à la Constitution »[2] raconte ainsi Michel Rocard, le Président refusant certaines de ses propositions.

La Vème République et le parlementarisme rationalisé ont mis fin au système de double investiture par l’Assemblée nationale du Président du conseil puis du cabinet ministériel qui prévalait sous la IVème République. Le Gouvernement existe aujourd’hui sans vote de l’Assemblée.

Le Gouvernement peut néanmoins faire une déclaration à caractère thématique (article 50-1 de la Constitution). Cette déclaration peut-être suivie d’un vote mais elle n’engage pas pour autant la responsabilité du Gouvernement. C’est le mécanisme que Manuel Valls avait décidé d’utiliser le 29 avril 2014 lors d’une déclaration sur le « pacte de responsabilité et de solidarité ».

Le Gouvernement peut également mettre en jeu sa responsabilité, ce qui constitue un « élément clé du régime parlementaire »[3]. Le Premier ministre peut poser la question de confiance à l’Assemblée (article 49 alinéa 1er) après délibération du Conseil des ministres, sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. La confiance est accordée ou refusée à la majorité des suffrages exprimés. Le Conseil constitutionnel dans une décision du 12 janvier 1977 a précisé que les expressions « programme » et « déclaration de politique générale » sont « analogues »[4]. La pratique institutionnelle de la Vème République montre que cette question de confiance fut posée de manière assez épisodique. Cependant, depuis 1993, tous les Premiers ministres y ont eu recours comme Manuel Valls le 16 septembre dernier.

Il convient aussi de préciser qu’une motion de censure peut être adoptée à l’initiative des députés contre le Gouvernement[5]. Une seule motion de censure a été adoptée en 1962 contre le Gouvernement Pompidou.

Enfin, le Premier ministre (article 49 alinéa 4) peut demander au Sénat le vote d’une déclaration de politique générale. Si le vote est négatif, le Gouvernement n’est pas dans l’obligation de démissionner.

 

Baptiste LE TENIER

 


[1] Libération, 25 août 2014

[2] L’enfer de Matignon, Raphaëlle Bacqué, Albin Michel, 2009

[3] Droit constitutionnel, Louis Favoreu, Dalloz, 2013

[4] Conseil Constitutionnel, décision n°76-72DC du 12 janvier 1977

[5] Article 49-2 de la Constitution

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