Exonérations de cotisations sociales : la preuve du caractère complémentaire de la garantie « perte de licence sportive » incombe à l’employeur

Par un arrêt du 10 octobre 2019 (1), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a statué sur les conditions d’exonérations de cotisation de sécurité sociale de la contribution patronale versée au financement de la garantie perte de licence sportive – qui a pour objet de couvrir le risque d’inaptitude en prévoyant l’indemnisation des sportifs professionnels se trouvant dans l’impossibilité de poursuivre leur carrière.

La Cour de cassation a jugé que l’employeur doit prouver que le risque afférent à la perte de licence est exclusivement lié à une inaptitude pour raisons de santé ou physique du salarié. A défaut, les contributions patronales au financement de cette garantie ne sont pas exonérées de cotisations de sécurité sociale.

En application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, sont exonérées de cotisations de sécurité sociales, dans certaines limites, les contributions patronales finançant des garanties de prévoyance garantissant aux salariés le versement de prestations complémentaires à celles versées par le régime général (2) en cas de maladie, maternité, décès et d’accidents du travail et celles destinées au financement des garanties ayant pour objet la couverture des risques énumérés à l’article L. 911-2 du Code de la sécurité sociale. Il s’agit notamment des risques d’inaptitude.

En l’espèce, la société SLUC Nancy basket avait souscrit un contrat d’assurance intégrant une garantie « perte de licence sportive » prévoyant le versement d’un capital pour les sportifs en cas d’inaptitude totale et définitive à la pratique du basketball dans les compétitions professionnelles, conformément aux stipulations de la convention collective de branche du basket professionnel (3).

L’enjeu de l’arrêt commenté était pour l’employeur de prouver que le capital versé en cas de perte de licence était une prestation de prévoyance complémentaire dont le financement patronal bénéficiait d’exonérations de cotisations de sécurité sociale.

En effet, à la suite d’un contrôle, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales (URSSAF) a notifié un redressement à la société soutenant que la participation de l’employeur au financement de la couverture complémentaire ne pouvait être exonérée de cotisations, que dans la mesure où elle concernerait des prestations complémentaires à celles servies par le régime général de sécurité sociale. En l’espèce, l’URSSAF a considéré que cette condition n’était pas remplie.

La société a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS aujourd’hui pôle social du Tribunal judiciaire) qui annule le redressement (4).

L’URSSAF interjette appel. Dans une décision en date du 11 avril 2018 (5), la Cour d’appel de Nancy a fait droit à la demande de l’URSSAF et a infirmé le jugement du TASS considérant que le capital versé en cas de perte de licence sportive ne constitue pas une prestation complémentaire à une de celles prévues par le régime général.

Prenant appui sur une circulaire du 30 janvier 2009 (6), les juges du fond rappellent qu’il est admis que la couverture du risque d’inaptitude professionnelle constituée par la perte de licence, s’analyse comme une prestation de prévoyance complémentaire si elle est limitée à la perte de licence pour raisons médicales. Constatant que la société ne fournissait pas le contrat de prévoyance permettant de prouver que la prestation prévue par la garantie était bien limitée au cas du retrait de licence pour raisons médicales, les juges du fond confirment le redressement.

La société a formé un pourvoi en cassation au motif que la convention collective de branche prévoit « le versement d’un capital en cas de perte de licence sportive consécutive à une inaptitude totale et définitive, qui renvoie à une inaptitude ayant pour origine la maladie ou l’accident ». La garantie se rattachait ainsi à des risques couverts par le régime général de sécurité sociale.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et rappelle que les prestations de prévoyance complémentaire, dont le financement patronal bénéficie d’exonérations de cotisations de sécurité sociale, doivent s’entendre de celles qui ont pour objet de couvrir les risques énumérés à l’article L. 911-2 du Code de la sécurité sociale.

S’agissant du risque d’inaptitude professionnelle, que la garantie perte de licence couvre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation précise dans l’arrêt présenté qu’elle doit se rapporter « exclusivement à la santé et l’inaptitude physique des salariés » et estime qu’il appartient à l’employeur de prouver ce rattachement en produisant le contrat d’assurance.

Or, en l’espèce, « la société ne rapportait pas la preuve que le risque afférent à la perte de licence était exclusivement lié à des raisons de santé ou d’inaptitude physique des salariés au sens de l’article L. 911-2 du code de la sécurité ». Dès lors, « la contribution de l’employeur pour le financement de cette garantie n’était pas exonérée des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales ».

Par cet arrêt inédit, la Cour de cassation considère que la production du contrat d’assurance par l’employeur est la preuve par excellence de la possibilité de prétendre à une exonération de cotisations sociales sur la part patronale du financement d’un contrat de prévoyance puisqu’il permet de définir précisément les garanties de prévoyance lorsque les stipulations de la convention collective de branche sont insuffisantes pour ce faire.

Hugo CHYNEL, étudiant en master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne, Université de
Paris 1, Apprenti chez Allianz.

Chloé DELECOURT, étudiante en master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne,
Université de Paris 1, Apprentie chez Gide Loyrette Nouel.

(1) Cass. Civ. 2ème., 10 oct. 2019, n° 18-18.175, F-PBI
(2) CSS. Art. L. 911-1
(3) Conv. collective de branche du basket professionnel, 12 juin 2005, avenant n°3, art. 18 b)
(4) TASS Nancy, 16 sept. 2015
(5) CA Nancy, 11 avr. 2018, n° 15/02830
(6) Circ. intermin., n° DSS/5B/2009/32, 30 janv. 2009

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