L’articulation entre le mariage et le PACS en droit français

Si le droit français a fait le choix de permettre à un couple de s’exprimer et de vivre son union à travers plusieurs formes juridiques que sont le concubinage, le PACS et le mariage, c’est pour reconnaître officiellement la diversité des aspirations des Français et pour leur offrir des règles de droit adéquates à la nature de leur engagement.

 

Cependant, si le concubinage constitue une union de fait qui est reconnue par le droit et plus précisément définie à l’article 515-8 du Code civil, deux institutions du droit français  permettent de célébrer juridiquement une union et de lui offrir un véritable régime: il s’agit du pacte civil de solidarité (PACS) et du mariage.

 

Au départ, dans l’esprit des promoteurs du PACS, cette dualité visait à permettre l’ouverture d’une union réservée aux homosexuels ; cependant, la loi du 15 novembre 1999 a présenté le PACS comme un contrat ouvert à toutes sortes de couples, quelle que soit la nature de leur orientation sexuelle. Mais de cette loi, de l’interprétation qu’en a faite le Conseil constitutionnel, et de la loi du 23 juin 2006 qui l’a complétée, il ressort que le PACS est en réalité une institution proche à bien des égards du mariage. Cette neutralité à l’égard de l’orientation sexuelle et la proximité de ces deux unions ont nécessairement entraîné une concurrence entre elles.

 

Toutefois, la conjonction d’une part du choix du PACS par des couples hétérosexuels et d’autre part de la revendication par des couples homosexuels de l’accès au mariage révèle que l’articulation entre ces deux institutions est complexe et que de nombreuses différences demeurent entre ces deux types d’unions.

 

Sans prétendre à l’exhaustivité, et sans aborder la question sous l’angle d’un réquisitoire quant à l’évolution future du droit, il est actuellement nécessaire de revenir sur la manière dont il convient d’appréhender en l’état du droit positif l’articulation entre le PACS et le mariage.

 

I.   La proximité des deux institutions permettant l’union d’un couple en droit français

 

La proximité entre le PACS et le mariage se retrouve à la fois dans l’application de dispositions communes et dans leur signification axée autour de la notion de sentiment.

 

A.   L’application de dispositions communes au PACS et au mariage, reflet de leur proximité

 

Cette proximité entre le PACS et le mariage se révèle à la fois dans l’accès à ces institutions et, dans une certaine mesure, dans le régime qui doit leur être attaché.

 

1.   La proximité des conditions du PACS et du mariage

 

Si l’arrêt Korosidou c/ Grèce rendu 10 février 2011 par la Cour européenne des droits de l’Homme a qualifié le mariage et le PACS de « contrats », il convient de nuancer considérablement cette appréciation. En effet, en droit français, ces deux unions ne peuvent exister sans des formalités préalables et par simple application du principe traditionnel du consensualisme.

 

Existent en effet des conditions de fond et des conditions de forme importantes qui révèlent la dimension comparable de ces deux unions..

 

Or, il est incontestable que les conditions de fond du PACS sont calquées sur celles du mariage. Ainsi, le PACS et le mariage supposent tous deux une union exclusive du point de vue juridique : le PACS ne peut être conclu qu’entre deux personnes à peine de nullité absolue, ce qui nous semble évident mais en dit long sur sa nature réelle. Et de la même manière que la monogamie est exigée pour la célébration d’un mariage, l’existence d’un premier PACS ou d’un mariage encore en vigueur fait obstacle à la célébration d’un second PACS.

 

Cette ressemblance entre ces deux institutions est encore accentuée par la reprise des conditions de fond relatives à la prohibition de l’inceste : les interdits à mariage existent également en droit du PACS entre ascendants et descendants, entre alliés en ligne directe, et entre collatéraux jusqu’au 3e degré. Ils y apparaissent même renforcés, puisqu’aucune dispense n’est possible.

 

Mais la célébration d’un PACS appelle également des conditions de forme qui ressemblent à celles du mariage : sont ainsi nécessaires au mariage des formalités prénuptiales faisant intervenir les époux devant l’officier d’état civil, et appelant la société à témoin pour ne pas méconnaître le caractère social de ce lien de famille. De la même manière, des partenaires qui souhaitent conclure un PACS doivent accomplir plusieurs étapes parmi lesquelles une convention écrite enregistrée par le greffe du tribunal de grande instance (TGI), une déclaration conjointe devant celui-ci et également enregistrée par ses soins. Le rôle du greffe du TGI est comparable à celui de l’officier d’état civil dans le mariage, puisque tous deux vérifient la qualité du consentement des partenaires et les conditions de leur union.

 

Prolongeant cet esprit général de publicité et de reconnaissance, la loi du 23 juin 2006 qui a modifié le PACS a rendu nécessaire l’inscription de cette union dans l’état civil des partenaires, montrant qu’il s’agit d’une institution établissant un véritable lien de famille et non d’un simple contrat.

 

Et enfin, la célébration publique et officielle de leur union par des partenaires ayant recours au PACS montre bien l’attitude de la société à son égard. Cette pratique rappelant celle des fêtes organisées pour des mariages révèle un véritable rapprochement du régime de ces deux institutions.

 

2.   Un rapprochement du régime de ces unions

 

En plus de se révéler dans les conditions d’accès au PACS et au mariage, cette proximité se retrouve également dans les dispositions applicables à ces unions.

 

Ainsi, la loi du 29 juillet 1994 a permis d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation à la fois aux couples mariés, pacsés et aux concubins (présentant au moins deux ans de vie commune). De même, la loi du 12 mai 2009 a étendu au droit du PACS la compétence du juge aux affaires familiales. Et enfin, la loi du 24 novembre 2009 a permis au greffe du TGI, comme c’était le cas pour l’officier d’état civil dans le droit du mariage, de célébrer le PACS au domicile des partenaires.

 

Mais les dispositions juridiques relatives aux conditions d’accès à ces institutions et aux droits ouverts aux partenaires ne suffisent pas à appréhender la proximité de ces deux unions. Ce qu’il est indispensable de souligner, c’est qu’il apparaît désormais qu’aussi bien le PACS que le mariage se présentent comme des unions fondées sur le sentiment réciproque des personnes qui s’engagent dans ces liens.

 

B.   Une signification commune indéniable : des couples fondés sur des sentiments partagés

 

Si les couples permis par le PACS et le mariage apparaissent fondés sur le sentiment qui anime leurs partenaires, c’est en raison de la proximité indéniable du contenu et de la portée de ces unions.

 

1.   Une proximité indéniable du contenu de ces unions

 

La proximité entre le PACS et le mariage se retrouve indéniablement à la fois sur un niveau personnel et sur un niveau patrimonial.

 

a) Aspect personnel

 

Au niveau personnel, aussi bien le PACS que le mariage mettent en place un devoir central de communauté de vie (de toit et de lit), auquel il ne peut être apporté d’exceptions qu’en cas de raisons professionnelles ou de violences conjugales.

 

De la même manière, les devoirs d’assistance matérielle, de secours, de contribution aux charges du ménage se retrouvent à la fois dans le PACS et dans le mariage et permettent de soutenir moralement l’autre dans les moments difficiles de l’existence et d’équilibrer matériellement les conditions de vie des partenaires.

 

b) Aspect patrimonial

 

Cette proximité se retrouve également au niveau de l’aspect patrimonial, car de la même manière que le mariage met en place une communauté de biens supplétive de volonté entre les époux, le PACS permet d’instituer une indivision qu’il est possible d’accentuer. A titre supplétif, elle comprend les biens acquis par les partenaires pendant le PACS, à l’exception de biens personnels.

 

Si, contrairement au mariage, chaque partenaire reste seul tenu des dettes personnelles nées avant et pendant le PACS, l’article 515-4 du code civil permet d’instituer en droit du PACS une solidarité des dettes ménagères qui sont nées pour les besoins de la vie courante.

 

2.   Le renforcement de la proximité de la portée de ces unions

 

Cette proximité entre le PACS et le mariage a encore été accentuée au cours des dernières années. En effet, comme cela a été évoqué plus haut, des dispositions du mariage telles que la compétence du juge aux affaires familiales ont été étendues au PACS. Mais de manière symétrique, si le PACS se caractérise par sa liberté de rupture, le mariage a perdu un peu de sa spécificité et de son inscription dans sa durée. Ainsi, la loi du 23 juin 2006 a encore renforcé la dédramatisation du divorce et la concentration des effets de la rupture, ce qui a atténué son intensité et sa portée dans le temps.

 

Toutefois, le mariage et le PACS demeurent deux institutions distinctes qui permettent d’établir des unions différenciées.

 

 

alliance

 

 

II.   Le mariage et le PACS, deux institutions distinctes permettant des unions différenciées

 

Puisque le mariage et le PACS demeurent des institutions distinctes par les divergences subsistantes quant à leur intensité et à leur portée, il convient de s’interroger sur l’avenir de ces différences.

 

A.   Le maintien de divergences d’intensité et de portée fondamentales

 

Existent encore entre le PACS et le mariage des différences fondamentales à la fois dans les rapports interindividuels qu’ils établissent et dans leur portée à l’égard des tiers.

 

1.   Un mariage plus intense dans les rapports interindividuels qu’il établit

 

Le mariage se présente d’abord comme une union plus stricte que le PACS, puisqu’il est seul à établir un devoir de fidélité.

 

Mais il apparaît surtout comme une union plus intense en ce qu’il établit des devoirs mutuels, inconditionnels, qui doivent être respectés par les époux, et ce quelle que soit l’attitude de l’autre. A l’inverse, le PACS établit des devoirs réciproques, reposant sur une logique proprement synallagmatique, celle du « do ut des ».

 

Cette intensité des devoirs diffère également dans leur sanction. A titre d’exemple, le mariage permet de recourir à des procédures d’exécution renforcées du devoir de secours puisque les obligations alimentaires sont vitales. A l’inverse, il n’existe aucune sanction spécifique et rigoureuse du devoir d’aide matérielle qui existe dans le PACS.

 

Ces divergences quant au contenu de ces unions se retrouvent également et surtout dans les conditions de leur rupture. En effet, la rupture du mariage est nécessairement judiciaire, fait appel à un juge afin d’organiser la vie après celle-ci et d’éviter dans la mesure du possible les violences, les tensions, les déséquilibres qu’un divorce peut susciter. Au contraire, la rupture d’un PACS peut être beaucoup plus brutale, ne nécessite pas de recours au juge et s’apparente en ceci, comme a pu l’estimer le Conseil constitutionnel, au droit de résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée… Cette facilité de rupture, bien qu’appréciée par certains couples, est-elle en adéquation avec la logique institutionnelle de sentiments partagés qui semble animer le PACS ?

 

Enfin, le mariage se différencie également du PACS quant à la portée de ses effets après la rupture. En effet, le devoir de secours du mariage, qui permet d’équilibrer les niveaux de vie, se prolonge après le divorce par l’attribution éventuelle d’une prestation compensatoire.

 

Toutefois, le mariage n’est pas seulement plus intense que le PACS quant à son contenu et à sa rupture, mais aussi et surtout dans sa portée.

 

2.   Le prolongement du mariage au-delà de rapports interindividuels: la fondation d’une famille

 

La spécificité réelle, fondamentale et incontournable du mariage par rapport au PACS consiste en son prolongement à la fois dans l’alliance, et dans la filiation.

 

a) Le prolongement du mariage dans l’alliance

 

C’est ce prolongement du mariage dans l’alliance qui explique que nombreux soient les auteurs à l’avoir qualifié de « maillage fondamental du lien social ». Un mariage n’unit en effet pas seulement deux époux, mais établit également une alliance entre leurs familles respectives. Une alliance qui peut être plus ou moins prononcée et effective sur le plan factuel, mais qui est consacrée en droit par plusieurs dispositions : il en va ainsi de la mise en place d’interdits à mariage entre le gendre et sa belle-mère, et entre la bru et son beau-père, ou encore, comme le dispose l’article 206 du Code civil, de l’établissement d’obligations alimentaires à l’égard des ascendants de son conjoint.

 

b) Le prolongement du mariage dans la filiation

 

Mais le mariage, qualifié en ceci de « certificat d’aptitude parentale » par le doyen Carbonnier, se prolonge aussi et surtout dans la filiation. Lors de la célébration de la cérémonie, l’officier d’état civil lit ainsi notamment l’article 213 du Code civil, selon lequel les époux assument la direction matérielle et morale de la famille, mais aussi l’article 371-1 du même code, qui est relatif à l’autorité parentale exercée par les époux sur l’enfant.

 

Ceci révèle que le mariage n’institue pas seulement une union horizontale entre des conjoints, mais permet également la fondation d’une famille.

 

Or, la conception que le Conseil constitutionnel prône de l’égalité montre qu’une différence de situation permet d’établir des différences de traitement. Quelle est donc la portée des différences entre le PACS et le mariage ? Quelles sont les différences de traitement qu’elles vont permettre ? Quel peut être leur avenir en droit français ?

 

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B.   La portée des divergences entre le mariage et le PACS

 

Les divergences entre le mariage et le PACS, qui permettent de leur appliquer des régimes différenciés à certains points de vue,sont controversées tant dans leur nature que dans leurs effets; il convient dès lors de se poser la question de leur avenir en droit français.

 

1.   L’application d’un régime différencié

 

L’article 212 du Code civil (relatif au devoir de fidélité) et l’article 371-1 (relatif à l’autorité parentale) permettent de justifier la présomption de paternité « pater is est » selon laquelle le mari de la mère d’un enfant est présumé être le père de celui-ci.

 

Et selon la décision rendue le 6 octobre 2010 par le Conseil constitutionnel, c’est ce même prolongement du mariage dans la filiation qui justifie, conformément à l’interprétation de l’article 365 du Code civil, que l’adoption soit réservée à un couple marié.

 

Cette spécificité du mariage, qui explique l’exclusion du recours à l’adoption par les couples homosexuels, a été avalisée à la fois par le Conseil constitutionnel dans la décision précitée et par la Cour européenne des droits de l’Homme dans une décision Schalk et Kopf c/ Autriche en date du 24 juin 2010 en raison des divergences actuelles entre Etats. Cependant, une évolution de cette position n’est pas à exclure puisque la Cour de Strasbourg se caractérise par l’interprétation évolutive qu’elle fait de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Or, l’attitude de la société à l’égard de l’union homosexuelle, voire de l’homoparentalité, a indéniablement évolué vers une plus grande tolérance.

 

2.   L’avenir de ces divergences

 

La poussée à la fois individualiste et égalitaire de notre société conduit aujourd’hui à se poser de nombreuses questions sur l’avenir des divergences entre le PACS et le mariage. Certains suggèrent ainsi d’offrir un type inédit et unique de couple, ouvert à tous, affirmant sa neutralité sur l’ouverture sexuelle des partenaires. Cette proposition répondrait aux revendications des partenaires homosexuels et présenterait le mérite de permettre une égalité totale et inconditionnelle entre différents couples. Toutefois, si cet objectif est compréhensible, louable et légitime, n’est-il pas bon de se souvenir que le pluralisme permet de répondre à la diversité des aspirations des couples, à la spécificité de leurs engagements, et à leur volonté d’organiser leur avenir commun ? Ne faut-il pas se rappeler de la phrase énoncée en 1978 par le doyen Carbonnier « à chacun sa famille, à chacun son droit » ? Ne peut-on pas penser que le pluralisme se pose en garant de la liberté ?

 

Cependant, il est vrai qu’en l’état du droit positif, le PACS présente des inconvénients : premièrement, d’un point de vue juridique, sa neutralité quant à son ouverture sexuelle permet aux couples hétérosexuels de donner la vie à des enfants et de les accompagner jusqu’à leur majorité sans que le droit ne prenne en compte toute la dimension familiale de leur union.

 

Ensuite, la rupture facile et rapide du PACS présente des avantages pour des couples qui ne sont pas sûrs de leur engagement, ou qui ont déjà vécu les troubles d’un divorce, mais est lourde de conséquences pour des partenaires qui se retrouvent subitement et brutalement délaissés par celui avec qui ils souhaitaient partager leur avenir.

 

Et enfin, la différence d’intensité du PACS et du mariage dans leurs devoirs et dans leur signification symbolique permet une fois de plus de comprendre les revendications de couples homosexuels qui souhaitent que leur soit offerte l’ouverture d’un véritable mariage comportant en outre toute une dimension familiale. Certes, l’Assemblée nationale a récemment fait connaître son opposition à un tel projet. Cependant, alors que dans certains pays comme en Espagne, le mariage homosexuel est permis, alors que le Sénat de l’Etat de New York vient de le légaliser, alors que les Etats membres du Conseil de l’Europe sont en attente d’une décision à ce sujet de la Cour de Strasbourg, il conviendra d’en réfléchir et d’en débattre en tenant compte de nos traditions juridiques, mais aussi et surtout des aspirations des Français ainsi que des impacts juridiques, personnels et sociaux d’une telle réforme.

 

Clara Bourgi

 

Licence 3 en droit mention Juriste européen et collège de droit

 

Université Paris II Panthéon Assas

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