Le droit à l’image des salariés et Internet

L’essor des nouvelles technologies fait naître de nombreuses interrogations juridiques et le droit social n’échappe bien sûr pas à la tendance. Une grande majorité des entreprises dispose aujourd’hui d’un site Internet voire d’une page Facebook, posant ainsi la question du droit à l’image des salariés. La jurisprudence sur ce point est abondante et il sera ici fait une rapide présentation des grands principes dégagés par celle-ci.

L’article 9 du Code civil pose un principe indiscutable : « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Il en découle que toute personne a, sur son image, un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable. Ceci est d’ailleurs régulièrement rappelé par la jurisprudence.

En matière de droit du travail, ce sont surtout les juges d’appel qui ont étoffé le régime juridique du droit à l’image des salariés sur Internet. Ainsi, la Cour d’appel d’Amiens[1] a considéré que l’utilisation de l’image d’un salarié à des fins publicitaires porte une atteinte à sa vie privée et celui-ci a par conséquent le droit de ne pas accepter que son image de travailleur sorte de la sphère professionnelle.

La Cour d’appel[2] de Grenoble est également intervenue en la matière en posant une règle, certes protectrice des salariés, mais source d’angoisse pour les employeurs. En effet, elle estime que le simple fait pour un salarié de se rendre dans un studio photos et de s’y faire photographier ne peut s’interpréter comme valant acceptation de la reproduction de sa photographie. Il se déduit donc aisément de cette jurisprudence que l’employeur ne peut se contenter d’un accord tacite et doit obtenir une autorisation exprès de ses salariés pour utiliser leur image.

 Une vigilance toute particulière s’impose également pour les photographies déjà prises et utilisées dans un certain but. En effet, le seul fait qu’un salarié ait donné son consentement à la prise de la photographie sans formuler de protestation quant à la reproduction et la diffusion de l’image sur un certain support comme le magazine interne de l’entreprise ne vaut pas accord pour de nouvelles diffusions de cette image dans un cadre différent, plus large, comme la page d’accueil d’un site intranet. Il faut donc un nouveau consentement exprès du salarié afin d’utiliser son image sur un support différent. A défaut, le salarié pourra obtenir des dommages et intérêts de la part de son employeur[3]. Il peut être ici relever que cette jurisprudence est relativement sévère. En effet, il était en l’espèce question du site Intranet de l’entreprise destiné a priori aux mêmes destinataires que le magazine interne de l’entreprise. Une telle décision aurait été autrement plus compréhensible s’il avait s’agit d’un site Internet ouvert à tous.

La prudence s’impose donc même quand les photographies ont déjà été effectuées et qu’elles ont fait l’objet d’une autorisation du salarié. Cependant, il existe une situation encore plus délicate qui est celle dans laquelle l’employeur disposerait encore sur son site Internet de photographies de salariés ayant quitté l’entreprise. En effet, selon la jurisprudence de la Cour d’appel de Chambéry[4], un salarié dont le nom et l’image ont continué à figurer sur le site internet de son employeur après son licenciement subit un préjudice qui doit être indemnisé au titre du droit à l’image si celui-ci n’a pas donné son autorisation à l’utilisation de son image alors qu’il n’appartient plus aux effectifs de l’entreprise. Des dommages et intérêts sont également dus lorsque le salarié a demandé par écrit lors de son licenciement que son nom et son image ne soient plus utilisés à des fins commerciales par son ancienne entreprise et que, faisant fi de cette demande, cette dernière a continué à les utiliser[5].

La jurisprudence des juges du fond a donc particulièrement bien encadré ce droit à l’image des salariés 2.0. Ceci se comprend d’ailleurs aisément compte tenu du préjudice que peut subir un salarié suite à la diffusion de son image sur la toile.

Nadège GENEIX

[1] Cour d’appel d’Amiens, 4 septembre 2013 n° 12/01271

[2] Cour d’appel de Grenoble 27 janvier 2003 n° 99-4102, ch. soc., SA La Boîte à outils c/ Maraine

[3] Cour d’appel de Douai 31 janvier 2012 n° 11/00586, SA Groupe Acticall c/ B. ép. G

[4] Cour d’appel de Chambéry, 21 avril 2009 n° 08-2089, ch. soc., SAS Vacances ULVF c/ Chiberches

[5] CA Bordeaux 3 mai 2011 n° 10/03599, ch. soc., R. c/ SA le Savour Club Sélection.

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