Les critères de répartition des réseaux de distribution sélective quantitative seront désormais fixés librement pourvu qu’ils puissent être vérifiés


La Cour de Cassation a repris le 15 janvier 2013 la solution de la CJEU du 14 juin 2012 à propos des critères permettant de définir un système de distribution sélective quantitative.


Les atteintes à la concurrence sont strictement règlementées, que ce soit à l’échelle nationale ou européenne. Si les ententes anticoncurrentielles sont prohibées à titre de principe (art. 101  et 102 TFUE, art. L420-1 à L420-6 C. com), elles peuvent toutefois faire l’objet d’une dérogation, par exemple, lorsqu’il s’agit d’un réseau de « distribution sélective quantitative ».

I- L’affaire Auto 24 contre Jaguar Land Rover France, ou comment choisir son concessionnaire

La SARL Auto 24, concessionnaire exclusif de Jaguar Land Rover France à Périgueux voit son contrat résilié en 2002. Elle tente de redevenir concessionnaire de la marque, mais en vain. Elle saisira avec succès le Tribunal de commerce de Versailles qui accède à sa demande et condamne Jaguar Land Rover au paiement de 100 000 euros pour avoir eu un comportement discriminatoire à son égard [1].

Auto 24 présente une nouvelle candidature en janvier 2006 afin de devenir distributeur de la marque. Cette fois, le refus est justifié par un « numerus clausus » (un nombre restreint de distributeurs) ne prévoyant pas de distributeur à Périgueux. La même année, Jaguar Land Rover décide pourtant d’ouvrir une représentation dans une ville voisine, ce qui pousse Auto 24 à saisir une nouvelle fois la justice, portant cette affaire en cassation afin de contester les critères retenus pour rejeter sa candidature.

Le problème posé concerne la délimitation des critères destinés à la mise en place d’une distribution sélective quantitative.

En effet, l’article 1er, point 1, f) du règlement d’exemption n° 1400/2002 indique que ces critères doivent être « définis » afin d’être valables. Cependant, aucune interprétation claire ne permet de délimiter le contenu de cette notion ou son application exacte. La Cour de Cassation précisera d’ailleurs qu’aucune disposition « n’impose au concédant de justifier des raisons économiques ou autres à l’origine de l’établissement de la liste des implantations de ses distributeurs » [2].

Ainsi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a-t-elle décidé de surseoir à statuer et de renvoyer l’interprétation à titre préjudiciel à la Cour de Justice en les termes suivants : « que faut-il entendre par les termes de « critères définis » (…) s’agissant d’une distribution sélective quantitative ? ».

Il s’agissait de savoir si un constructeur devait ou non justifier par des critères objectifs et non discriminatoires la façon dont il avait procédé à la répartition de son réseau, lorsqu’il choisissait de limiter le nombre de ses distributeurs.

Jaguar

II- La solution de la CJUE reprise par la Cour de cassation

La CJUE énonce qu’il suffit que ces « critères définis » présentent un contenu précis et vérifiable [3].

Le 15 janvier 2013, la Cour de cassation a pu statuer à l’aune de la décision de la CJUE. Elle reprend la solution de cette dernière et ajoute qu’il n’est pas « nécessaire que ces critères soient objectivement justifiés et appliqués de façon uniforme et non différenciée à l’égard de tout candidat à l’agrément » [4]. Ainsi, le constructeur automobile n’est-il pas contraint de justifier des raisons qui ont orienté son choix, il lui suffit d’avoir arrêté une série de critères qu’il n’a pas besoin de publier afin de bénéficier de l’exemption au principe de nullité des ententes anticoncurrentielles.

III- Vers une sécurité juridique accrue : les « critères définis » enfin définis

L’arrêt de la Cour de cassation ne met un terme au litige qui opposait la SARL Auto 24 à Jaguar Land Rover. Au-delà de la solution d’espèce, elle permet surtout de mettre fin au conflit doctrinal qui opposait les partisans d’un contrôle du caractère objectif des critères quantitatifs aux défenseurs de la liberté de fixation de ces critères.

 

Anaïs Ytto EL ADEL



[1] Tribunal de commerce de Versailles, le 28 octobre 2005.
[2] Com. 29 mars 2011, pourvoi n° 10-12 734.
[3] CJUE 14 juin 2012, affaire C-158/11.
[4] Cass. com, 15 janvier 2013 pourvoi n°10-12734.

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