Marie Lessi : « J’ai prêté serment un vendredi et j’ai plaidé seule dès le lundi »

Marie Lessi, 28 ans, est avocate collaboratrice au sein d’un cabinet généraliste à Aix-en-Provence. Elle nous décrit ses missions et son quotidien et nous explique comment les mesures de confinement ont impacté sur son travail.

 Pourquoi avoir choisi ce cabinet ?

 Diplômée d’un M2 en droit immobilier et élève-avocate à l’EDA du Sud-Est à Marseille, j’avais déjà réalisé deux stages dans le cabinet Troegeler Gougot Bredeau-Troegeler Monchauzou. A l’issue de mon second stage de six mois, j’ai prêté serment en janvier 2017 et je suis ainsi devenue collaboratrice. Ce cabinet généraliste répond à mes attentes car il dispose de pôles de spécialités dont l’immobilier et intervient dans toutes les branches du droit privé mais une part importante de l’activité concerne le droit immobilier au sens large – urbanisme, construction, copropriété, droit patrimonial.

 Que retenez-vous de votre période de stage ?

J’ai beaucoup observé le travail des avocats, les relations qu’ils entretiennent avec les clients, les démarches engagées mais aussi le déroulement de la procédure d’expertise…. J’ai traité de nombreux dossiers. J’ai ainsi découvert toutes les facettes du métier d’avocat. J’étais vraiment impatiente de plaider !  Cela est arrivé finalement très vite. A l’issue de mon stage, j’ai été engagée en tant que collaboratrice. J’ai prêté serment un vendredi et j’ai plaidé seule pour la première fois dès le lundi, soit moins de trois jours après !

Quelles sont vos missions au quotidien ?

La préparation des procédures et des consultations font partie de mes principales tâches ainsi que le traitement des mails de clients ! Nous en recevons environ 150 par jour ! Le droit immobilier est une spécialité en pleine explosion : nous traitons un volume contentieux énorme. J’interviens également pour les audiences et les expertises. Ce métier est marqué intrinsèquement par un manque de temps permanent. Les avocats courent toujours après le temps. Je trouve que c’est l’aspect le plus difficile à gérer en entrant dans cette profession. D’autant plus que ce manque de temps se double de nombreuses situations où l’on en perd : les trajets pour aller au tribunal, l’attente sur place avant de pouvoir plaider…

Il faut aussi savoir gérer la pression mise par le client, pour lequel le dossier représente parfois toute sa vie. Il faut savoir s’en détacher. C’est vraiment compliqué en tant que jeune avocate mais nous devons nous armer psychologiquement pour surmonter cela.

Comment vous organisez-vous pendant cette période de confinement ? *

Les tribunaux sont fermés, sauf pour les procédures d’urgence et certaines procédures en matière pénale. En ce qui concerne les matières administratives et civiles, que traite mon cabinet, les dossiers sont automatiquement renvoyés, sans qu’il soit nécessaire d’aller aux audiences. Nous recevons ou demandons les dates de renvoi des audiences : l’activité judiciaire des avocats est donc suspendue pendant le confinement. Les expertises suivent le même sort, sauf celles qui doivent être faites en urgence. Ainsi, nous avons été amenés, malgré les mesures de confinement, à réaliser une expertise d’un mur de soutènement qui menaçait de s’effondrer.

Quant à notre activité juridique, nous faisons du télétravail. Nous avons créé un logiciel pour avoir accès à tous nos dossiers, aux mails et au cloud. Cependant, l’absence de dossier papier rend les choses plus difficiles.

 Quel bilan tirez-vous de ces premières années d’exercice ?

Ce métier procure des sensations uniques, dans la mesure où on est libre et indépendant, et c’est pour moi un trésor à protéger. On y retrouve la liberté propre à toutes les professions libérales, mais aussi une liberté de réflexion, de parole, qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. Pour moi, c’est le choix de la conduite des dossiers qui rend cette profession passionnante. Malgré toutes les tentatives de déshumaniser la justice, un algorithme ne pourra jamais analyser assez précisément un dossier. Les avocats doivent faire leur travail avec le plus grand sérieux afin de continuer à apporter une plus-value, une expérience sur le terrain au quotidien. Ils doivent voir plus loin que leur dossier, établir leur stratégie dès le début afin de savoir où ils veulent aller, sans pour autant dévoiler trop largement leur jeu. Le métier d’avocat reste un jeu de stratégie.

Propos recueillis par Tristan Gil

 * Interview réalisée le 2 avril 2020

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.